Sunday 20 September 2009

Monsieur Virgile #6


Le soir, son fils était venu le retrouver, comme il le faisait une fois par semaine depuis le décès de sa mère. Ils dînèrent ensemble. Discutèrent de tout, de rien, de la pluie et du beau temps. Du travail de Pierre que son père ne trouvait pas bien excitant. Puis Pierre avait expliqué, simplement, de son côté de la table de la cuisine, celui qu'il occupait étant petit, celui où il renversait toujours un peu de soupe parce qu'elle était trop chaude et lui trop affamé, qu'il ne pourrait pas reprendre le flambeau. Les banques ne voulaient pas prêter pour une affaire qui ne rapportait pas. Il avait tout d'abord tenté de plaider sa cause, mais son fils avait déjà plaidé la sienne auprès de son banquier. Il n'était ni enregistré ni même reconnu par de l'ordre des médecins. Pas même reconnu d'utilité publique. Une pétition ne servirait à rien, aucune banque ne voudrait tenter l'aventure. Il faisait du bien aux gens, tout le monde savait ça, mais nous vivions dans un monde de plus en plus pragmatique. Il devait bien s'en douter, les clients se faisaient plus rares. Il expliqua alors à son fils ce qu'il savait déjà pour l'avoir entendu un certain nombre de fois: cette boutique représentait plus qu'une simple accumulation d'ouvrages. Il fallait un savoir-faire, une connaissance certain de l'homme pour qu'elle vive, qu'elle soit utile. Ce n'était pas simplement passer le flambeau d'une génération à l'autre, c'était une amélioration, une précision, un perfectionnement assidu, constant, nécessaire. Pierre savait tout ça, il en était conscient, mais le connaissant comme s'il l'avait fait il ne devait pas avoir beaucoup insisté. Alors lui insista. Il avait des clients dont le traitement ne pouvait être stoppé ainsi. Il était usé, amoindri, il se sentait vieillir de jour en jour. Il sentait son impetus ralentir, il n'avait plus la même envie, il se sentait las. Il sentait bien qu'il allait se passer quelque chose, quelque chose d'important. Oui, ce jeune homme, François. Il faudrait qu'il le voit. Il lui fallait un avis extérieur. Pierre avait promis de venir voir ce François dès le lendemain, de retourner voir son banquier, de faire tout ce qui était en son pouvoir.
Il se sentait comme le fantôme d'Ashurbanipal voyant sa bibliothèque partir en fumée. A quoi bon avoir passé tout ce temps si c'était pour finir ainsi.

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