Monday 14 September 2009

Monsieur Virgile #3

Il ouvrit la porte et du seuil lui lança:
« Que fais-tu là à cette heure-ci?
_ Bonjour monsieur Virgule!
_ Si tu savais lire tu saurais que moi c'est Virgile, pas virgule. » À la mine déconfite de la fillette il sut qu'il lui avait parlé sèchement, sur son ton « à casser de la porcelaine » comme disait sa femme. « Excuse-moi, je ne voulais pas être méchant. Que fais-tu là?
_ Ben j'attends que ça ouvre!
_ Certes. (soupir) C'est ta mère qui t'envoie? L'ouvrage ne lui convient pas?
_ Elle dit qu'elle a toujours mal à la tête.
_ Je lui ai bien spécifié que cela prendrait un certain temps, environ aux deux –
_ Oui mais elle a fini le livre et ça va toujours pas mieux!
_ Voilà qui est inhabituel. Entre. » La fillette passa devant lui. Il referma la porte. « Et ne touche à rien!
_ Oui, monsieur Vergile.
_ VIRgile, que diable! On ne t'apprends pas à lire à l'école?
_ Si! Mais maman dit que j'ai la mémoire tellement comme une passoire que je retiendrais même pas les nouilles.
_ Amis de la poésie, bonjour.
_ Hein?
_ Rien. Dis-moi, ta maman m'a bien dit qu'elle n'avait pas le temps de lire?
_ Oui, mais elle a bien aimé votre livre et elle l'a commencé dès en arrivant et elle l'a fini hier au soir. Mais rien. Elle a toujours ses mitaines.
_ MiGRAInes! Mais c'est infernal ça! Bon, il faut que je réfléchisse deux minutes...et si tu pouvais te taire dans ce laps de temps je t'en serai reconnaissant. »
Encore le ton cassant, mais il lui fallait réfléchir. Elle avait aimé l'Écume, mais il n'y avait pas eu de changement...moui...peut-être celui-ci. « Voilà, ça devrait faire l'affaire. Dis à ta maman de ne pas se fier au titre, ça a beau être de la médecine étrangère, elle est tout aussi efficace.
_ Autant que l'autre? Bon. Ferdytruc?
_ FerdyDURke! Bon sang! C'est pas possible d'entendre une chose pareille! Reste là. Je vais te prescrire un livre pour corriger ça.
_ Mais maman m'a donné que –
_ Celle-ci est pour moi, cadeau de la maison. Ta maman me remercia quand ça aura fait son effet, ça suffira. Je te les mets dans un sac en papier, comme ça. Quand ils sont finis, et si la boutique est fermée, il faut les déposer dans le sac dans la boîte aux lettres située sur la porte.
_ On peut aussi attendre que vous ouvriez.
_ Non, car il est toujours possible qu'il y ait une urgence et que j'aie besoin de l'ouvrage au plus vite. Donc dès que le livre est fini, hop, dans la boîte.
_ Parce que vous avez pas deux fois le même livre ici?
_ Bien sûr que non. » À ces mots, il vit dans le regard cyclopéen de la fillette une lueur d'étonnement. Il lui sembla percevoir, au fin fond de cette pupille cerclée de bleu, comme une certaine tristesse. « Je disais donc: voici le livre pour ta maman, et voici le tien.
_ La Gloire de mon père. Mouais.
_ Tu vois! Ça fonctionne déjà! Pourquoi tu fais la moue?
_ Parce que mon père on sait pas où il est. Il est parti un jour et il est pas revenu.
_ Ça arrive. Tu sais, des fois, c'est mieux comme ça. Au fait, tu ne devrais pas être à l'école?
_ J'ai pas cours le mercredi.
_ De mon temps on vous trouvait toujours quelque chose à faire à l'école.
_ Ben là ils sont à court d'idées on dirait. » Elle déposa la monnaie sur le comptoir, se fendit d'un « en revoir » et sans attendre de réponse ouvrit la porte et démarra en trombe dans la rue, zigzaguant au milieu des premiers passants.
Pour lui-même il marmonna « AU revoir ». Elle n'avait pas un mauvais fond, cette gamine.

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