Tuesday 1 September 2009

L’envol du héron

L’envol du héron, alerte et mesuré,
Délie l’aube carmin et dorée
De la cyphose instinctive de son cou
Les glèbes ravagées de l’Anjou.

Le vol du héron, tranquille et désolé,
Cadence et prend le matin de lait
Du métronome de ses ailes d’ankou
Les étangs silencieux du Poitou.

Le héron, posé parmi les roseaux noirs,
Observe les eaux de sa hauteur ;
Ces eaux de boue qui ne sont pas des miroirs
Renferment l’octroi de ce pêcheur.

Ce héron, son œil et son bec meurtriers,
Fend les vagues comme des couteaux ;
Son plumage gris-blanc tel le ciel strié,
Chinant son pain maillé d’oripeaux.

Les nuages pèlerins du bleu atlas,
Comme les feuilles du néflier
Sous la bruine, que même le temps n’efface
Ne perçoivent la mort se déplier
En un éclair jaune que rien ne surpasse.

Le héron, monarque des eaux et des sables,
Délaisse les rives criardes de mouettes
Et plus solitaire que l’aigrette
Renie le mitan de ses semblables.

Sis solitaire au centre du champ aqueux,
Le héron du paysage en peine
Féodalise les univers dès que
Son essor est pris pour la Touraine.

Ses ailes protéennes battant le temps,
Encyclent la mesure des choses
Et permettent tous les recommencements
Comme la poussière se dépose.

Mais ce roi tisserand rejoignant ses cendres
De son dernier envol de décembre
Enseigne son chant fait de silence aux astres
Pour y perpétuer l’ode du désastre,

Pour faire vibrer l’empreinte de son passage
Parmi les touffes de roseaux sauvages –
Pendant ce temps-là, sur l’horizon de verre,
Vibrent les lourdes vagues de fer.

Entretemps l’homme n’y va pas de main-morte…–…
L’agonisant héron dans la rouille…
Ses plumes ravagées par la houille…
Solitaire se souvenant des cohortes –

Aucun de ces lents moments de honte
Que l’homme vit en son quotidien morbide
Le héron n’a ; ni veule pitié ni -cide ;
Immobile en les eaux de la sente.

L’échassier attend tellement de la pluie :
Qu’elle essuie les collines de leur ennui,
Qu’elle lave le fleuve des morts :
Qu’on reparte du zéro du sort,

Mais la pluie vient mais la pourriture reste
L’eau coule et le cycle continu
Car l’homme est bien pire que sa peste
Et le héron vole dans les grises nues.

Le héron, moëbius volant, blanc amibe,
Grand appropriateur des vivants,
Gaņeśa de l’existence, impavide
Oiseau terni de mille tourments,

Combien te faudra-t-il donner de tes plumes
Pour étancher nos soifs d’écrire le mal ?
Croupit cependant au fond du val
Ton cadavre enveloppé d’écume.

L’œil du héron, gouffre infranchissable,
Orbe l’espace entre les ourlets du monde,
Exténue les sables périssables
Des hypogées que sont nos bauges immondes.

L’œil du héron, invincible cataracte
Où tout se détend et se rétracte,
Décompacte le phlogiston des mirages,
Terrifie les vils freux noirs d’orage.

Tout ce qui vient et tout ce qui meurt
Depuis les millénaires des millénaires
Et les monocellules de fer,
Tout ce qui tient et tout ce qui est fait d’heure
Se forme dans ce si clair iris
Né prémat d’une béante cicatrice.

Cet œil, nous ne savons pas que nous l’aimons.
Nous les hommes de varech et de limon.

Cet œil, nous ne savons pas que nous l’aimons
Et nous le prenons pour un démon,
Incapables que nous sommes de n’y voir
Rien d’autre que notre désespoir.

L’œil indescellable du héron de cendres,
Simple point d’unique constellaire,
Erre lente inscrite en une autre aire,
Tout cela l’insolite comète engendre.

Ce hiéroglyphe qui perce le secret
– Ce secret qui gonfle nos poumons –
Bâtit forcément un secret plus épais
Plus abject que du goémon.

Et le héron, délaissant parfois les eaux
Pour les plaines herbues de la terre,
S’en va soustraire ses tristes os
Aux yeux des hommes qui commandent l’enfer.

S’en va se dérober au destin de plomb
Qu’administre la bêtise humaine –
Nous qui voyons ce héron dans l’aquilon
Pouvons-nous oublier notre haine?

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