Saturday 31 October 2009

Chroniques d'un égoïste ordinaire #6


      Désert Libyque.
      Elle lit, ballottée par la démarche chaloupée du chameau. Elle a tout d'abord, comme à son habitude, feuilleté l'ouvrage. Bribes éparses sans possibilité de donner un sens à toute cette mascarade. Si elle veut savoir, elle doit tout lire, depuis le début. Elle en aura le temps. Hafez a prévu deux jours de voyage à dos de chameau, ensuite une journée en jeep jusqu'à cette ville poussiéreuse dont elle se fiche du nom. Puis un taxi. L'hôtel où elle pourra enfin se laver, la télévision, la civilisation.
      Il fait diablement chaud ici. Il y a des paysages magnifiques, des vues sur le désert, sur des sculptures de calcaire à couper le souffle. Elle se dit que cela pourrait être une prochaine destination de voyage...mais non, ce pays est désormais souillé par son empreinte. Il a toujours laissé des marques indélébiles, chez les gens ou dans les lieux. Toujours on se souvient de lui, plus souvent en bien qu'en mal, certes. Mais là...ça sent la putréfaction. Elle n'a jamais vu ou même senti de cadavre avant cela. Oui, il laisse encore des marques, dans tous les esprits; il n'épargne personne, pas même lui. Contrée corrompue par la présence d'un homme qu'elle ne sait ni aimer ni haïr, voilà ce qu'est devenue la Libye à ses yeux. Comment revenir sans voir autant de beautés annihilées du coup par cette odeur âcre et tenace, ou même le souvenir de cette odeur, par ce cadavre en rémanence sur sa rétine?
Jour 1, sur la route.
Cela faisait longtemps que je n'avais pas fait d'auto-stop. On rencontre tout un tas de gens sympathiques, ou pas. Plus important, on fait beaucoup de chemin. Me voilà à Strasbourg. Il est vingt heures, j'ai planté la tente, je n'ai pas faim. J'observe les gens qui commencent à déplier leur auvent, à se faire des voisins, à s'inviter à l'apéro. This is life. This is what being human is all about. « We only exist insofar as we hang together. » Conrad avait raison. Et je reste persuadé que ce n'est pas incompatible avec ma façon de voir les choses.


Jour 2, encore sur la route.
J'avance moins vite, même si j'ai pris les grands axes. Moins de gens veulent d'un auto-stoppeur en route vers le bout du monde. Les gens n'ont plus d'humour. Encore en France, à attendre sur le bord de la route. Du temps, je ne sais pas combien j'en ai. Je vais continuer à pied. L'homme est né marcheur, alors il marche, se doit de marcher.
      C'est tout lui, ça. On ne comprend jamais où il veut en venir avec tous ces mots, toutes ces idées obsolètes d'auteurs morts depuis des lustres. Comme si les gens avaient les mêmes références que lui, pensaient comme lui. Comme s'il était inutile d'expliquer aux gens, qu'ils devaient comprendre par eux-mêmes. Voilà ce qu'on lui reprochait toujours en tant qu'écrivain, souvent en tant que personne; à toujours prendre les gens de haut, même sans le vouloir. Il était né sans tact, voilà tout.
      Hafez la regarde à la dérobée, avec insistance. Ce n'est pas pour lui déplaire, mais pas là, pas ici, pas avec la tache blanche dans son esprit.

Friday 30 October 2009

Chroniques d'un égoïste ordinaire #5


      Londres.
      « C'est comme ça que j'ai retrouvé sa trace. Il n'a pas utilisé sa carte bleue avant ça. Selon la compagnie aérienne, il a pris un aller-retour Tirana – Londres.
      _ C'est où Tirana?
      _ En Albanie. Il est resté quatre jours ici, avant de retourner là-bas, et s'il ne vous a pas vu, il est venu voir qui?
      _ Je sais pas. Les seuls personnes qu'il connaît je les connais aussi. J'ai bien une idée...mais non, le connaissant, c'est pas possible.
      _ Dis toujours.
      _ Il t'a déjà parlé d'une certaine Pauline?
      _ Oui, vaguement. Quelques fois. Il m'avait parlé d'une embrouille avec elle il y a longtemps.
      _ Tu sais s'il l'a revue?
      _ Je pense pas.
      _ Si c'est elle qu'il est allé voir, alors ça veut dire qu'on le connaissait pas assez.
      _ Il s'est passé quelque chose entre eux?
      _ Ils sont sortis ensemble en première année de fac. Ça a pas duré longtemps. Elle était carrément trop possessive – on pense que c'est pour ça qu'il a préféré finir cette histoire. Enfin bon, ce qu'on pense ça se trouve c'est de la merde. Tu sais, avec lui on savait pas souvent sur quel pied danser. Un coup blanc, l'autre noir. Cyclothymique. Il aurait adoré ce mot.
      _ Tu crois qu'il est allée la voir...pour...enfin...tu sais...finir ce qu'il avait commencé?
      _ Je sais pas. Peut-être. Il se retrouve face à lui-même, face à ce truc qui le bouffe à petit feu. Personne ne sait ce qui peut lui passer par la tête, pas même lui. Il doit réagir à l'instinct, sans se préoccuper de qui ou de quoi que ce soit.
      _ Il s'en fout bien de nous ou de ce qu'on pense de lui.
      _ Techniquement il ne sait pas que tu le recherches, d'ailleurs tu dois bien être la seule.
      _ Comment ça? Tu veux dire que certains sont contents qu'il soit parti?
      _ Non, ce que je veux dire, c'est que ses amis ont accepté sa décision, parce que déjà elle est unilatérale, et ensuite on le connait, le bougre. Pas du genre à changer d'avis. Peut-être qu'il n'en a rien à secouer, et ça ne m'étonnerait pas de lui, mais tout ça c'est de la spéculation. Tout ce que je sais, c'est qu'il est pas venu nous voir. Il en est arrivé à se foutre de ses meilleurs amis, alors qu'on pourrait l'aider, on a toujours été là pour lui. Personne ne comprend, et apparemment toi non plus. »

Thursday 29 October 2009

Chroniques d'un égoïste ordinaire #4


      Chartres.
      Biiip. Message reçu à huit – heures – quarante – quatre: « C'est moi. Je comptais tomber sur toi. Tant pis, je vais devoir te dire tout ça via une boîte vocale sans âme. Je comprends ton désarroi. Tu veux m'aider et je ne le veux pas. Sache qu'il y a beaucoup de choses que je ne veux pas. Ce que je ne veux surtout pas que tu vois, c'est ma déchéance. Je ne me suis jamais considéré comme un abruti, et les gens se sont souvent arrêtés à ce trait de personnalité, je ne veux pas que tu sois témoin de ce que je ne suis plus, au fur et à mesure, au jour le jour presque. Je perd la boule, la mémoire; je vois double, triple, des couleurs que je connaissais pas; certes je vomis moins, mais je ne supporte plus ton regard de compassion au sortir des toilettes. Mes maux de tête me tiennent éveillé tout ou partie de la nuit, je m'ennuie à mourir. Et je veux vivre seul ces choses que j'ai toujours voulu faire. Mon temps est compté et oui, je suis égoïste. Je ne veux pas partager ça, ni avec toi ni avec personne d'autre. Je veux être seul, vivre avec moi-même et être le seul à me supporter, à observer ce lent déclin, ces prémisses à la ruine. Je ne veux plus être lié à qui ou quoi que ce soit d'autre que le ciel au-dessus de ma tête et la terre sous mes pas. Je veux mourir seul. Je pars. » Appuyer – sur – un – pour – rappeler – votre –correspondant – sur – deux – pour – conserver  – ce – mess – Bip – message – effacé.
      Eh bien pars si c'est ce que tu veux. Meurs seul, je ne serai plus là quand tu auras besoin de moi.
      Finalement ils s'étaient revus la veille de son départ. Le hasard faisait décidément mal les choses. En plein centre-ville. Ils firent un peu de chemin ensemble. Il avait redit les mots, elle avait pleuré.
      « Allez, arrête de pleurer. Viens là. Je sais que tu auras du mal à couper le lien, j'aurais sans aucun doute moins de mal que toi, j'admets, mais ça ne veut pas dire pour autant que je n'aurais pas de mal du tout. Ça sera dur, mais au fur et à mesure j'aurais d'autres choses en tête, notamment une tumeur. Tout ce que je peux te promettre, c'est que tu me retrouveras, mort ou vif. Je ne peux rien te promettre de plus. Si tu es attachée à quoi que ce soit de matériel, il faudra que tu fasses vite. »
      Voilà comment elle en est arrivée là, sous le soleil libyen, à ne savoir que faire de son cadavre, lui qui avait passé près de deux années à traverser le monde de part en part.

Wednesday 28 October 2009

Chroniques d'un égoïste ordinaire #3


      Chartres.
      « Tu sais, je vais me mettre à brûler la chandelle par l'autre bout. Tu vas te brûler les ailes avec moi, passer le reste du temps qui m'est compté et puis, quand tout sera fini, tu feras quoi? Tu essaieras de reprendre une vie normale? J'en ai encore pour quoi, deux, trois ans au grand maximum? Pendant toute cette période-là tu perdras pied avec le monde, avec ta vie, avec ton boulot, tes amis, ta famille. Tu penses que tu pourras reprendre comme si de rien n'était, alors que le monde a continué sa route. Tu te trompes. Je ne veux pas que tu gâches ta vie alors que je m'en vais perdre la mienne dans un dernier tour de piste. En plus, je dormirais où je pourrais, me laverais si je peux, mangerais si je trouve de quoi. C'est pas vraiment des conditions pour toi.
      _ Tu penses que je vais te freiner?
      _ Il y a de ça aussi, oui.
      _ Tu ne m'aimes plus, alors?
      _ On en a déjà parlé. Tu sais que ce n'est pas ça du tout, que ça n'a plus rien à voir. Je vais mourir et ni toi ni moi n'y pouvons rien. On a partagé beaucoup de bons moments ensemble. Tu as l'occasion de partir, saisis cette chance. Tu es encore jeune. Tu sais qu'entre nous ça va plus très fort. De toute façon on vend la maison. Il n'y a qu'un poste et il est pour toi. J'aurai bien suivi et tu le sais, mais je sais aussi que ce voyage-là, c'est le tien. C'est ton pays depuis toujours. Tu t'y sens bien. Tu pourras recommencer à zéro de là-bas. Tu auras des opportunités, tu sais que tu en auras.
      _ Ça a l'air de te faire plaisir.
      _ Pas dans le sens où tu le penses. On a été heureux dès le début. On a appris à construire ensemble. On s'est soutenus, on a parlé, on s'est confiés l'un à l'autre. On est devenus meilleurs. On sait ce que c'est que de faire confiance à présent.
      _ Tu veux te débarrasser de moi.
      _ Bon. Apparemment tu ne veux pas comprendre. Je ne veux plus avoir cette conversation. Tu sauras rebondir. J'ai pris ma décision. Si tu veux qu'elle soit égoïste, libre à toi. Je la prends en mon âme et conscience. J'ai pesé le pour et le contre, exercé le peu de logique que j'ai acquis dans ma courte vie. Je ne veux pas balancer l'argument de la souffrance, mais ça m'arrive à moi, à moi. Et malgré tous les changements qui s'opèrent en moi contre ma volonté, je pense être quelqu'un de raisonné. Si tu ne veux pas te rendre à l'évidence – mon évidence certes – eh bien tant pis. Je ne veux rien dire de plus. »
      L'agent immobilier était passé, avait estimé, avait posé des questions gênantes. La maison n'avait pas tardé à être visitée, puis vendue, à un bon prix. Ils y avaient investi beaucoup de temps, pendant qu'ils se construisaient – pour rien, pensa-t-elle. À partir de ce moment-là, les rapports s'étaient faits moins fréquents, plus espacés, plus froids. Puis, un matin, il avait laissé un message pour dire qu'il partait. Il avait appelé deux fois puis laissé un message. Elle n'avait pas voulu décrocher. Sur le coup elle était loin de le regretter.

Tuesday 27 October 2009

unevideorocktouslesmatinscafaitdubien - site à voir pour bien se réveiller

unevideorocktouslesmatinscafaitdubien

Chroniques d'un égoïste ordinaire #2


      Désert blanc
      Pas d'ombre, nulle part. Pas même derrière ces dunes comme des vagues figées pour quelques heures. Le guide dit qu'elles changent sans arrêt de place. Le vent. Difficile à croire que ce vent, qu'ils appellent « ghibli » entre eux, puisse déplacer de telles masses de sable. Elle regarde la couverture en toile blanche, soulevée de temps à autres par le ghibli. Alors le voilà. Après tout ce temps à se demander où il était. Bientôt deux ans. Son visage a-t-il changé? Il doit être marqué, éprouvé. Mais y a-t-il un rictus de douleur, des rides au coin des yeux, près des ailes du nez, aux commissures des lèvres, qui pourraient témoigner d'une atroce souffrance, d'un calvaire quotidien, d'un combat acharné contre le mal qui le rongeait? Sans aucun doute, sinon pourquoi serait-il parti, lui qui avait toujours raison?
      Elle hésite. Elle n'a pas fait trois mille cinq cent kilomètres pour rien, pour ne pas l'affronter. Elle l'avait cherché, ça oui, au début. Six mois sans nouvelles. Puis une piste qui n'avait menée nulle part, ou plutôt si, mais loin, en Albanie. Pas une lettre, pas un email ou même un coup de téléphone. Silence total. Et le voilà étendu de tout son long, sur le dos. Elle n'a plus envie de pleurer, les larmes elle a déjà donné et ça n'a rien amené de bon, pas même un peu de soulagement. On l'avait plaint, on l'avait vilipendé, traité de tous les noms, mis plus bas que terre. Elle n'est pas certaine que cela l'ait aidée à l'oublier. Elle se demande pourquoi, après tout ce temps et ces kilomètres qu'elle a parcourus à bride abattue, elle n'a pas plus envie que cela de le voir, ni même de le ramener. Pourquoi d'ailleurs le ramener, exécuter les dernières volontés d'un égoïste pareil? Elle a bien envie de le laisser pourrir ici. Que les bestioles s'il y en a viennent se repaître de cet homme qui a fait souffrir plus que de mesure! Que le sable recouvre ce corps voué à une mort violente et prématurée!
      Le vent souffle un peu plus fort. Les trois hommes la regardent, ils semblent inquiets. Elle ne peut détacher les yeux de cette silhouette blanche sous laquelle se dessine le visage tourné vers le ciel, les bras le long du corps, les jambes tendus, les pieds. Ils ont déplacé le corps, l'ont retourné par curiosité ou par nécessité – un corps étendu face contre terre doit être retourné – puis ils ont trouvé le livre. Celui qu'elle n'a cessé de lire depuis que le bédouin le lui a tendu de sa main noueuse et tannée par une vie de soleil accablant. Ce livre, le journal qu'il a tenu depuis le jour de sa fuite organisée, ce livre, elle ne peut s'empêcher de l'ouvrir, de le sentir, de le toucher, mais les mots, les mots! Ceux-là qu'il aimait tant et ceux pour qui il a tout quitté, ces foutues idées, ces foutus bouquins qu'il lisait sans cesse. Ils étaient plus importants que les gens, que la réalité; plus importants même que ceux qui les avaient écrits. Ces mots, elle les hait du plus profond de son âme. Mais elle n'a rien d'autre. Plus rien d'autre; non pas pour comprendre, mais pour accepter. Elle va devoir tout reprendre depuis ce jour maudit.

Monday 26 October 2009

Chroniques d'un égoïste ordinaire #1


      Désert blanc.
      Elle est là. Elle avait dit venir dans quatre ou cinq jours, une semaine tout au plus. Hafez sourit. Elle a tenu parole. Schelem sourit aussi. Ils se regardent. Ils sont habitués au désert, et Schelem n'a mis qu'un jour et demi de moins pour venir lui annoncer sa venue. Azdim était resté à l'aéroport de Tripoli pour préparer le voyage de la femme; ils avaient dû partir sur-le-champ. Apparemment elle n'est pas du genre à attendre ou à faire du tourisme. Tant mieux, toute cette histoire commençait à sentir comme du lait de brebis en plein soleil. Et le grand désert se réveille. Le ghibli souffle plus fort depuis ce matin, rapproche l'erg du hamada. Le corps devra être déplacé. Elle dira.
      Azdim suit derrière, avec le chameau et les vivres. Elle marche devant. Elle a des lunettes, un chèche blanc, comme lui avait, noué autour du cou. Elle a quelque chose à la main, un livre. Le livre, au bout de son bras qui suit le mouvement de sa marche. Elle a un doigt coincé entre deux pages, comme si elle était en train de le lire. Il a l'air d'avoir de l'importance pour elle.
      Pour lui, comme pour Schelem, ils n'avait compris que l'inscription en arabe agrafée sur la couverture du livre. Les caractères à l'intérieur étaient occidentaux, probablement français. Il lisait et parlait un peu l'anglais mais ne reconnaissait pas cette langue. Sûrement du français, oui. Ils n'étaient « que » des bédouins, après tout. Leur jour de chance était venu lorsqu'ils étaient tombés sur le corps, dix jours plus tôt. C'est rare, de tomber sur des cadavres comme ça. Celui-ci ne paraissait pas avoir été touché. Pas de sang, ni de blessure. Il n'y a pas de bête suffisamment grosse ici, humaine ou animale.
      L'inscription disait de contacter une certaine Arzu à Tripoli, en cas de besoin. Elle saurait quoi faire. Il y aurait une récompense. Deux jours pour aller à Sebha, trouver un téléphone. Madame Arzu avait dit s'occuper du reste. Elle avait rappelé quelques minutes plus tard, donnant des instructions. La femme viendrait avec l'argent, dans une semaine tout au plus. L'argent est donc là. Il ne se serait jamais cru avide à ce point, mais avec ça il pourrait soigner sa nièce, payer l'hôpital et les frais médicaux. L'homme était mort, sa nièce vivrait.

Tuesday 20 October 2009

Definition d'Ectropion

Definition et illustration d'ectropion à la sauce Bino




Par ailleurs,  un ectropion désigne en ophtalmologie l'affaissement de la paupière, en générale celle du bas.

Friday 16 October 2009

Haïku

Past the marshes
a smell of rotten egg
someone farts!

Sounds of a spring
I am waiting for the moon
to see the stream.


Banana trees
hang their leaves over me
featherless clouds.

Steam on the window
my sister is cooking the meal
wet noodles, again.

Kogi – at last
I understand your meaning
fragrance of the world.

Kagetsuhiro
felt in the midst of
autumnal buds.

Resting in the shadow
of a blooming dahlia
Nightfall.

Homesick on the boat going west
I look upon the stars
the seaman shouts!

Hesitation
Clear-cut momentum in the sky
I wait like a cloud

Wolves howl
I run through briars, mud and deaths
Dying to live

Yet again!
A long haiku is a solid paradox
Always going further

So rash an act!
The rest of the kanji
On the table

Haïku


Le moine s’avance
sur la verte prairie qui s’étend loin
pourtant le pèlerinage se fait en hiver

Monday 12 October 2009

Croquis du cadavre exquis / Sketches of the exquisite corpse

Pourquoi ne pas aller faire un tour sur le blog de Bino admirer les belles illustrations du cadavre exquis?

http://binoland.blogspot.com/

Ya que du bon!

Cadavre exquis #3 (Un peu dur, j'admets...)


    Kaki de colère que sa copine le quitte, le canard caquetait comme un coq. cacophonie, concert de cris!canard canaille pérorait grands eclats à se casser la caboche!

Exquisite corpse #2 (Many thanks to Anon.!)


    I saw the suspicious man turn around the corner with a potato in his hand. He entered the "Prancing Pony", a pub on the right-hand side of the narrow street, with his hat on. There was nothing particularly wrong with his porkpie hat apart from the odd combination of pigeon and peacock feathers pinned down at the front. He ordered a pint and paying no heed to the stuffed partridges posing on the wall, put his posterior down. The pub was empty but suddenly a pale-faced old woman came in, paused then approached him and said: "Password?" Putting his palm out, he produced the potato and said: "This is a pipe". Pleased, she took a peony out of her pinafore's pocket, a petal fell down so he picked it up, patted it and gulped it. With a puckered-up face, the woman said: "Pugh! Puff a bit at your pipe or you'll puff up Props Man!". He was indeed a privy prop person who had to put up with plain people on a permanent basis. "SO, what's this problem that's so pressing?" "I'd like to borrow a prop for a play, a pretended painting named 'Treachery of Images'. Please tell me what the price is?" "It's a twopence. The play is about pretence? Then perhaps you can borrow my porkpie pigeon-and-peacock-feathered hat, and the person underneath it." So the woman bought a pig in a poke and the props man took a part-time part in a play pretending, poker-faced, to be a painting on a partition-wall.

Thursday 8 October 2009

Vingt-quatre heures chez les hommes

Une heure vient et son cortège d’insomniaques
Deux heures vient et ses suicidés somnambules
Trois heures vient et ses femmes et les démoniaques
Quatre heures vient et ses poivrots qui déambulent
Cinq heures vient et son soleil commence à poindre
Six heures vient et ses éboueurs nés dans l’ombre
Sept heures vient et ses bancs commencent à geindre
Huit heures vient et sa lumière éteint le sombre
Neuf heures vient et ses hommes grouillants de vie
Dix heures vient et ses mortes feuilles frémissent
Onze heures vient et ses affamés pleins d’envie
Midi vient, ses heures fatiguées retentissent
Treize heures vient et ses badauds surexcités
Quatorze heures vient et son voleur se réveille
Quinze heures vient et ses amours si dépitées
Seize heures et ses enfants qui s’émerveillent
Dix-sept heures vient et sa fin de journée
Dix-huit heures vient et ses lampadaires brillent
Dix-neuf heures vient et ses pétales fanés
Vingt heures vient et ses vils foyers qui babillent
Vingt-et-une heures vient et ses estomacs pleins
Vingt-deux heures vient et ses crevés de faim
Vingt-trois heures vient et ses dormeurs contents
Minuit vient, ses si longs cortèges de mourants.
(10/09/2001)

Sunday 4 October 2009

Cadavre exquis #1 (Merci à Bino, Chab et Caramel) Ne pas hésiter à commenter ou même, à continuer si le coeur vous en dit


    Il était une fois un lapin qui était toujours dans les choux à chercher la petite bête. Il l'avait perdue pendant qu'il bêchait alors qu'elle se trouvait dans sa poche percée par les clefs de sa grande maison en patate douce. Il était bien embêté, il en avait besoin, de cette petite bête, car elle l'aidait à préparer son alcool de carotte. En effet ce lapin possède une usine de jus divers et variés, dont le fleuron était ce qu'il appelait sa gougoutte de carotte. La gougoutte était appréciée de tous même des castors de la rivière d'à côté qui, déguisés tels des lapins de choux, venaient la nuit s'en emplir les bajoues. Mais où diable pouvait bien être cette petite bête? Heureusement, le mouton de l'herbage voisin, toujours à la page, l'avait aperçue les quatre fers en l'air en train de farnienter allègrement en haut de la colline aux clémentines. Le lapin fut bien content de retrouver la petite bête qu'il avait tant cherchée mais...

En eaux troubles



       « Y'a trop de gîte! » « Y'a trop d'assiette! » Ça gueulait sec par dessus le vent.
       « En tout cas je me sens ni dans l'un ni dans l'autre! » Le navire roulait, tanguait. Les flots spiralaient, les lames bordaient chaque flanc. Il sentait la saucisse de ce midi remonter, accompagnée de ses lentilles. Bon dieu qu'il faisait froid, le slush arrivait doucement. Il était de quart et il faisait nuit noire, il y avait un vent à décorner quelques vaches et on avait l'impression que le vent ne soufflait pas dans une mais dans toutes les directions. Sa deuxième année en mer et la première fois où il ne se sentait plus dans son élément. Le moral dans les chaussettes et l'estomac dans les talons – ou la gorge. Il fallait se concentrer sur les ordres du timonier. Le pauvre bougre barrait comme il pouvait, le commandant étant nonchalamment allongé dans sa cabine à cuver son vin. Ils allaient passer un sale quart d'heure.
       Qui, en fait, en dura quatre. Son quart complet. Le soleil se levait à peine et l'horizon se dégageait au même moment. Ils avaient failli démâter trois fois, on écopait encore sacrément d'en bas et les mines des matelots, oscillant entre le teint cireux hébété et la sale gueule grise de pas rasé, moroses et cernées, témoignaient de la violence de la tempête. Ils en avaient vu le bout. Le navire voguait maintenant en ligne droite, ni tangage ni roulis.
       La saucisse était loin derrière, surnageant dans son bain de lentilles océanique. Il regardait les mousses s'affairer sur le pont, en bon petit chouff. N'empêche que c'était un sacré chantier. Il y avait encore sacrément du vent: un bachi se prit pour une mouette et vola dans les airs. Il regarda tristement le pompon rouge se poser délicatement sur une vague, venir taper la coque puis s'enfoncer dans la masse noire et écumante. Puis il l'entendit. Un bruit sec. Il tourna la tête. Un bon bruit de métal qui se tord et qui n'aime pas ça. Rien de son côté. Bof, il avait dû rêver, le vent aura fait rouler quelque chose contre le bastingage, une mouette qui se sera payée la coque en plein vol.
       Décidément, on se les gelait toujours autant, il rentrerait bien au chaud, lui. Il fit deux pas vers les cabines lorsqu'il l'entendit de nouveau. Une autre mouette? Probabilité en deux minutes: Zéro. L'autre chouff arriva, il avait de beaux cernes. « T'as entendu ça? » « Ouais, c'est à l'avant. » Là-bas, dans les lueurs de l'aube, ils purent distinguer, nettement, sans ambiguïté, une épaisse couche de glace se former sur la paroi externe de la coque. Les embruns semblaient être comme tous les embruns, à ceci près qu'à l'instant même où ils touchaient la paroi de la coque ils gelaient. Et comme il y avait un sacré paquet d'embruns, il y avait une sacré couche de glace. Encore le bruit de métal. Le navire, plombé par le poids à l'avant, piquait du nez, basculait ostensiblement sa proue vers le fond, sa poupe vers le ciel.


       Il est là peut-être parce que sa grand-mère venait toujours là. Il ne sait pas trop. Personne n'y venait, pas même les animaux qui évitaient soigneusement l'endroit. Le lac du diable. Ces eaux stagnantes n'ont pas mauvaise réputation, elles sont maudites. Sa grand-mère fut brûlée pour sorcellerie et emporta avec elle les secrets du lac. C'est d'ailleurs pour cela qu'on la brûla. Elle avait pour habitude de dire que ses eaux étaient pures, mais qu'elles se méritaient. Pas un poisson, pas une herbe, une simple étendue d'eau stagnante, si peu profonde du rivage qu'on en voyait souvent le fond – sa grand-mère seule en connaissait la réelle profondeur. Mais veniez-vous perturber sa surface qu'elle se figeait aussitôt, emprisonnant votre main dans une gangue de glace. Petit, il avait douté de ces histoires à dormir debout et jeté une pierre au beau milieu du lac. Rien ne s'était passé. Il était reparti satisfait. Le lendemain, sa grand-mère jeta à son tour une pierre: les ondes se propagèrent un instant puis se pétrifièrent, dessinant en de sinistres craquements des ridules blanches comme le marbre sur le lac entier.
       Vingt ans plus tard, jeune capitaine à la tête d'une centaine d'hommes, le voilà, mû par l'instinct, sur les rives du lac. Il fait installer un campement de fortune. Les hommes et les chevaux doivent se reposer et puis, de toute façon, leurs poursuivants les rattraperont tôt ou tard. Ils fuient depuis trois jours maintenant, au beau milieu de l'hiver. L'armée est décimée, le commandant est mort, ils ne feront pas tomber ce gouvernement véreux. Ils ont échoué. Mais les autres ne sont pas morts pour rien, et eux comptent bien vendre très chère leur peau. Ils mourront au champ d'honneur, après un dernier baroud. Il fait prévenir les hommes de ne pas faire boire les chevaux dans le lac: on ira chercher de l'eau en cassant la glace de la rivière à une centaine de mètres au nord, on fera fondre de la glace au-dessus du feu. Oui, l'ennemi verra les feux. Oui, cela va sans dire: c'est ici que le dernier affrontement aura lieu. Le corps de l'officier se raidit, brusquement. Il faudra établir des rondes.


       Armés de gaffes ils grattaient la coque. Rien n'y fit, la glace continuait de s'accumuler. Le navire s'enfonçait proue en avant. Peu avait déjà entendu parler de cela, aucun ne l'expliquait sans avoir recours au surnaturel ou au mystique. Ils n'avaient d'autre choix que de réveiller le commandant.


       Ils n'ont pas mis longtemps à retrouver le campement. Le scout est revenu pantelant, haletant des volutes de buée. Ils sont de l'autre côté du lac. Ils ne lui ont laissé la vie sauve que pour faire passer un message: ils doivent se rendre. Ils seront jugés équitablement. Le scout le scrute. Il le regarde droit dans les yeux: les hommes doivent se rassembler de leur côté du lac.


       Il n'y avait plus qu'un mètre et demi entre la ligne d'eau et le bastingage. On voyait un bon tiers du gouvernail hors de l'eau. Le vent coupait les chairs, gerçait les lèvres, et toujours les embruns se solidifiaient sur la coque.
       « Quand j'ai vu le whiskey dans mon verre qui n'était pas dans son assiette, j'ai compris tout de suite. » Le commandant était là, bien stable sur ses pieds alors que nous cherchions à nous rattraper aux bastingages, étonnamment sobre malgré une haleine à vous faire boucler les sourcils. « C'est rare mais ça arrive, surtout à ces latitudes. Du froid, du vent et l'eau est bien en-dessous de zéro et ne gèle pas. C'est comme ça. Au moindre contact avec un objet paf elle gèle. Regardez le mât. Regardez-vous vos gueules de stalactites. » De fines perles collées entre les cils, dans les barbes hirsutes, de la morve congelée au bout du nez. « On va changer de cap pour glacer à tribord tant qu'on est dans le slush, ensuite on glacera la poupe et ainsi de suite. Le vent va nous éloigner un brin de la route mais bon, on peut pas y faire grand chose. Le temps finira bien par changer. »


       Ils sont bien là, alignés en trois vagues successives d'une centaine d'hommes chacune. Leur commandant en tête de cortège. Ils s'impatientent à mesure que ses hommes se positionnent. Lui aussi en tête. La lune est derrière lui, au raz des arbres. Le soleil se lève derrière l'ennemi. Des lueurs orangées, roses, rouges se découpent sur l'horizon. Il met ses mains en porte-voix:
       « Quelles sont les conditions de notre capitulation?
       _ Vous aurez un jugement équitable.
       _ Tous?
       _ Tous? Quoi tous? Non mais vous rêvez! Seulement vous serez jugés, les autres seront exécutés! [silence] Ce sont tous des traîtres! [silence] Rendez vous, vous n'avez aucune chance à trois contre un!
       _ Vous voulez ma tête? Vous voulez celle de mes soldats? Alors venez les chercher vous-même! » Les ordres sont simples, les soldats doivent les respecter à la lettre. Il ne faut pas bouger. Ils vont charger. Il ne faudra attaquer que lorsqu'ils seront près du rivage. On montera alors les piques préparées en toute hâte. Ça freinera quelques ardeurs. Ensuite il faudra charger, en deux vagues.
       « Préparez-vous à vivre l'enfer, insurgés! Chargez! »
       Les voilà. Les chevaux piaffent d'impatience, leurs hennissements emplissent l'air d'échos insupportables. Ils se cabrent, puis s'élancent. Ils sont déjà lancés au grand galop lorsqu'ils atteignent le lac, qu'ils s'enfoncent dans ses eaux. Les cavaliers ont de l'eau jusqu'aux chevilles. Les armes au poing, vociférant.
       Puis un bruit de verre brisé, des craquements sourds, insistants, fatidiques. L'eau du lac sous les yeux ébahis se fige, se contracte. La première vague de cavaliers est stoppée net, pétrifiée dans une carapace de glace. Statues détaillées, minutieuses jusque dans le mouvement figé des crinières, des muscles tendus des cous. Le combat contre l'élément en un spectacle immobile, que le capitaine regarde émerveillé. Dans ses yeux des larmes de reconnaissance, de joie et pour lui et son armée, le destin chaotique de la fuite et peut-être, beaucoup plus tard, l'opportunité de pouvoir se battre de nouveau. Dans les yeux des chevaux de glace, dans les rictus des cavaliers, dans cette main seule qui émerge au ras de la glace, comme coupée nette et posée là simplement, l'incompréhension et la terreur.

Grimoire de l'agônie - Dictionnaire du poème

Grimoire de l'agônie                                                                                                                                            

L'agônie

L'agônie                                                                                                                                            

Thursday 1 October 2009

Null and Void


“What matters ain't the notes, but the silence between them.” Theoretically attributable to Miles Davis.
      We could have started this story with Miles Davis, but we won't. We'll rather travel through space and time, and then travel again through more space and more time and land in the densely uninhabited village of Worden, Wisconsin, USA, 657 souls at the last count. There is the home of John Michael Collins III, 14, who is on his way to “vomit” in the dictionary (he is bored since 10 o'clock (when he woke up)) and stumbles on the word “void”. His eye was caught more like. There he sees: “'void /vɔɪd/ adj., n., & v. *adj. 1a empty, vacant” Just like this afternoon. Empty, vacant, 3 useless and void of interest afternoon. * n. 1 an empty space, a vacuum (vanished into the void; cannot –”  Why the heck are there two u's at the same time in the same word? Looks like one of 'em darn Latin words Miss Putman uses. Yuck. Let's go to vacuuuumunum. It's just a few pages away anyway. So, “vacuum /'vakjʊəm/ n. & v. * n. (pl. vacuums or vacua /jʊə/) 1 a space entirely devoid of matter”. Wow. If he got it right there was things that had nothing at all in 'em.
      Funny thing, a dictionary. He didn't know he had one until he found it under the bed which his father kept in the attic. Not precisely under the bed, but under one of the legs of the bed. Anyway. That was the closest thing to something remotely interesting he could lay his hands on. The attic was devoid of interest since he had perused every and any odd items up there. Boring area now.
      Anyhow he was intrigued, but he couldn't check anything now. He could still have a go at the crack but he just wasn't sure. His dad had changed the code yesterday evening. Without it he couldn't surf on the Net. All this parental control thing was just too much for him. The post-it read: “Daily allowance: 1 hr”. ONE hour. He should report his parents. And when he actually was surfing he couldn't even google such things as “sex”. The keyboard didn't allow him to type the letters in a row. He cheated of course and put spaces between the letters which he deleted afterward. But then the search was blocked. He had another hour to wait. He decided to go for it.
      Keyboard in hand. He had three tries before blocking everything, after that he would have to wait for his father to go back home and unlock the damn thing. Yelling would be involved. Cursing too. OK. First try: “Rebecca.” No. He had already tried that about a month ago. He actually thought his dad was stupid enough to put the same password twice, but that didn't work. “Johnstopitnow” didn't work either, even though his dad seemed to repeat this same sentence again and again. Last chance: win or wait. He pressed the Enter key. Hourglass. Hourglass. More hourglass. Black screen. White screen. Desktop. “Ohmygoditworks!” he yelled. His dad hadn't put any password, or rather the password was...yeah...void. Vacant, empty. Another reason to google it. He was smirking, he saw it in the reflection of the screen as the page went dark. V-o-i-d, Enter.
      Images flickered on and off; concepts floated by; he was in a stream of information and before he realised it he was swept away. Some of the things in there he didn't understand a word of. But he did get one thing: void was everywhere. It was what defined words: signs put together separated by spaces on each side. Even the letters were composed of a skilful arrangement of lines and voids, best example being the “O”, which was nothing but void circled by the thinnest black line and then more void. Notes were defined by the silences on either side of noise. The vastest areas of void were to be found in the universe, which defined the filaments, which were masses of galaxies huddled together. Together wasn't even the term because void was to be found between each and every star, planet, exoplanet, shooting star, black holes. A planet was bordered on all sides by void. Every human was some mass with a limitation. However huge could a man become, he was still formed from matter and surrounded by void. Each and every one of our cells – or for that matter any molecule of any object, living thing or solids – was an intricate structure of molecules surrounded by void. Matter and void. Molecules formed from smaller particles themselves circled on all sides by void, however infinitesimal. Those...quarks were supposed to be the smallest things on earth. He knew there ought to be smaller things. He would find out, even if it would take his entire life. He wanted to find out why there was so much void around us, why it was so important it defined every thing, from the biggest to the smallest. At least it would fill his day, and he wouldn't be bored anymore. John Michael Collins III would agree ending this story with the Tao-Tö King, whom he doesn't know, yet: “We shape clay into a pot, but it is the emptiness inside that holds whatever we want.”


Lichen

The blind woman next to me fidgeting in her seat visibly uneasy brushed my arm as if in need of help with her train ticket but she tricked ...