Saturday 31 July 2010

From Europe With Love - Amsterdam


(Je sais je suis en retard, mais faut savoir se faire désirer (ou plutôt gérer les soucis dans l'ordre dans lesquels ils arrivent), je raconterai tout dans l'épisode berlinois). Bonne lecture !

***

Aaaaah msterdam ! Ville d'eau, ville du vice, ville du calme et des vélos. Que dis-je, royaume des vélos ! Des vélos si raptors que l'on ne sait parfois plus où garer le sien ! N'empêche que toute la ville et le mode de vie de ses habitants tournent autour de ce moyen de locomotion aussi vert que les parcs ,qu'ils ont en abondance.
Une chose qui m'a particulièrement frappé ici, c'est que personne ne vous dévisage d'un sale œil. Habillés en clochard ou en star d'un soir, puant la pisse ou le cannabis, on vous prend tel que vous êtes sans se prendre la tête (notez l'effort des rimes). La devise étant, selon Caroline (Amstellodamoise pure souche) : « tant que tu ne m'emmerdes pas, tu fais ce que tu veux. » A ne pas prendre au premier degré, mais on comprend bien l'état d'esprit. Les gens vous laisseront vous asseoir à leur table s'il n'y a pas d'autre endroit, discuteront un brin avec vous si le cœur leur en dit, et plus si affinités.
Je suis allé, pour cela, non pas dans ce superbement éclectique Quartier Rouge où la viande sèche derrière les vitrines bien propres, où le cannabis et autres substances végétales hallucinogènes embaument chacune des ruelles, où les touristes en mâle de testostérone arborent des sourires gênés et où celles qui les accompagnent voient leur curiosité piquée au vif – il faut dire que le maillot des demoiselles qui vous accueillent à bras ouverts (voire plus cela va de soi, moyennant finances, cela va de paire(s de c....)), est effectué au micropoil, d'une main de maître, sur l'ensemble de la surface du corps – mais bel et bien dans de quartier De Pijp (prononcez « païp », comme l'anglais « pipe ») où l'on ne pratique pas cet art consommé du Red Light District, mais où une partie de la jeunesse active de la ville se retrouve jusqu'à pas d'heure dans les quelques bars du coin – coin qui, d'ailleurs, tirerait son nom de pipe de par sa forme vue du septième ciel.
Plus à l'ouest de ce quartier tranquille, hormis le marché permanent (sauf le dimanche !) qui s'étire sur une longue rue déjà bien animée, je suis allé traîner mes guêtres dans le quartier du (attendez je prends mon guide) du Leidseplein (à prononcer LedZepplin tout d'un trait, si je ne m'abuse). Riche culturellement, avec le Rijksmuseum, le musée du diamant (pas fait parce que pas le temps et trop cher), le musée municipal et celui de notre ami et regretté Van Gogh. Seul ce dernier établissement de peinturlure a su capt(iv)er mon attention jusqu'au bout, le premier étant en partie en travaux. D'ailleurs, je passe mon coup de gueule ici, et maintenant. Imaginez-moi donc le visage empourpré, les veines du cou saillantes et la rage dans la voix : c'est le bordel ici, tout est en travaux ! La gare centrale, le Rijksmuseum, le palais royal, des églises à la pelle (et pas à l'appel, quoique), toute l'avenue Damrak/Rokin et j'en passe et des meilleurs ! Ah ce sera chouette Amsterdam dans dix ans ! Non seulement ils polluent le paysage, mais en plus ils réduisent la surface visitable des musées, et c'est pas comme si le billet d'entrée était donné...RAAGH !
Je suis donc allé calmer mes nerfs à vif dans le Vondelpark...oasis de bien-être, de calme, de sérénité dans cet univers technocratique en perpétuel chantier. En résumé et en un mot comme en cent : le Vondelpark c'est wunderbar ! Grand, bordé d'arbres et constellé d'étangs, sillonné de pistes cyclables et recouvert d'herbe verte et tendre (déconseillée au fumeur cependant) où l'un des nombreux plaisirs reste celui de la sieste.
J'ai beaucoup aimé, dans le même style, ma promenade de cet après-midi, dans le quartier du Jordaan (sans Mickael) : on se croirait à Notting Hill, mais à la sauce hollandaise (depuis le temps que je voulais la caser celle-ci, mais je ne me voyais pas la balancer au milieu du Quartier Rouge ! Et mine de rien, je suis content de moi.) Flânerie vélocipédique, culminant, pour reprendre des forces perdues à trop lorgner sur les canaux (rien de sexuel, croyez-moi, même si les Amstellodamoises demeurent agréables à l'œil, voire plus, cela s'entend), dans la contemplation, la photographie, puis l'absorption non point goulue mais hautement respectueuse et sacro-sainte, d'une sublime tarte au citron meringuée chez Pompadour, Huidenstraat, dans Jordaan. La Marquise n'y est pour pas grand chose dans ce petit travers que j'ai depuis tout petit pour les tartes (au citron, je le répète, on n'est jamais trop prudent), mais ce qu'ils font là-bas tient du divin. Je n'ai pas goûté aux autres spécialités, comme les macarons et autres gâteaux au nom aussi farfelus que ceux susmentionnés, ne voulant point polluer mon palais qui se souvient encore du savoureux de la meringue.
Il me fallait bien ça, vu qu'en fin de matinée je suis allé visiter la maison d'Anne Frank. Pas joyeux-joyeux, mais hautement intéressant, avec une foultitude d'explications. Il m'a fallu affronter des hordes de touristes, sous un soleil de plomb, pendant trente longues minutes. Il paraît qu'on peut réserver par Internet...je m'en veux un peu. Bref.
Hier soir donc, à la terrasse du Chocolate Bar, où j'ai rencontré Suuzie, Pauline et ùµ%^£:§ (ça ressemblait à Charlotte, mais avec des gutturales à toutes les syllabes à faire trembler les murs de la cathédrale de Chartres), je me suis entendu dire que la vie à Amsterdam n'était pas si trépidante que cela. Certes, il y a le Quartier Rouge, mais le gouvernement veut « l'assainir », nonobstant le fait que ce lieu hautement touristique est aussi un lieu de pèlerinage pour les aficionados de beuh et pour les les bœufs qui veulent officier auprès de la gent féminine et débridée (on en trouve bridée aussi, pour celles et ceux que cela intéressent). N'oublions pas ceux qui viennent y perdre leur virginité sur un coup de tête, après un pari stupide ou « tirer leurs dernières cartouches » avant de se faire passer la corde au cou(illes). L'endroit a encore de beaux jours devant lui, mais pas grâce aux autochtones.
Certes, il y a des parcs partout, des canaux partout, de belles maisons, un cadre splendide...mais cela ne fait pas tout. En fait, il y a quelque chose d'assez intriguant ici à Amsterdam (au cas où certains auraient perdu le fil, je parle de cette ville, capitale d'un pays pas si bas que ça), c'est l'absence de bâtiment grandiose, d'édifice surdimensionné ou démesuré, de coup d'éclat architectural. Rien n'accroche l'œil comme la tour Eiffel ou Big Ben. Tout réside dans l'atmosphère générale, dans cet art de vivre en lien permanent avec la nature, avec la mesure de toute chose, dans ces rues paisibles où il fait bon vivre, sauf quand on a vingt-trois ans et la vie devant soi.
Je ne dis pas non plus que c'est une ville pour une population du troisième âge, sorte d'immense maison de retraite, c'est juste que, visitant la soi-disant rue préférée des Amstellodamois (je l'aurai bien casé celui-là aussi), plébiscitée par tous selon les dires du guide, je me suis vu dans une rue tranquille, où pas un son ne filtrait sauf celui des oiseaux, à deux pas d'un canal mais pas le long d'un, bordée d'arbres cachant des façades ouvragées mais sobres, avec parfois des tables et des chaises sorties sur le petit lopin d'herbe devant la maison. Comme dans un village. Et c'est cela la force, et aussi ce qui peut inspirer une certaine répulsion à vivre ici pour certain(e)s, de la ville : elle est constituée de plusieurs villages (après vérification, ils appellent cela des hofjes, et même si à l'origine le terme s'applique spécifiquement, je pense être en droit de me l'approprier et d'étendre son signifié), qui s'articulent entre eux au gré des affinités électives (voire électorales ?).
Voilà pour Amsterdam ! Je me suis bien amusé, mais demain il y a Berlin. Alors j'ai rechargé les accus un peu cet après-midi, je file à la douche, puis je file enfiler ma tenue de Friday Night Fever, puis c'est direction De Pijp pour un dernier verre de vin (avec Suuzie peut-être, mais c'est là que nous allons tester la fidélité amstellodamoise (c'est le dernier, promis) et en route pour 650 kilomètres de folie douce jusqu'à la ville où je vais (me) faire le mur, enfin !
Et une dernière chose, une sorte de fulgurance dans mon esprit : non, je n'ai pas vu de hamster dame, je ne traîne pas dans les animaleries, même pour une blague (quoique...)
From Europe, with love.
 

Wednesday 28 July 2010

Tanka and Haiku

What goes around comes around -
Coincidence is yet to be proven -
While mekhtoub is railed
And Chance thrown to the dogs -
What is left us is the ability to judge curvature.




Back on the road
Things happen in the blink of an eye
Like a shaft of sun on a lepidopteron.

Tanka



 
La pluie n'est pas censée nous arrêter.
Il n'y a bien qu'un endroit au monde où cela n'arrive pas.
Je me souviens du lieu, mais pas de son nom.
Il est là où poussent les sycomores.
Là-bas, tout s'épèle sur les portes des arbres.
 

From Europe With Love - Bruxelles


Voilà, Bruxelles c'est presque fini.
Arrivé hier en fin d'après-midi, j'ai fait un rapide repérage dans le centre. J'ai pu alors avoir un sentiment qui s'est confirmé aujourd'hui : Bruxelles n'est pas une ville plate! Ça me fait les cuisses, en attendant, et cela donne de jolies panoramas.

Je suis donc allé dans tous les quartiers touristiques de la ville, et j'ai fait ce que tout touriste qui se respecte à dû faire : le Manneken pis, l'avenue Louise, la Grand-Place, les galeries royales St-Hubert, le quartier européen (Parlement européen et Conseil de l'Europe), le musée de la bande dessinée (j'en connais qui en baverait encore, je le recommande chaudement), la cathédrale St Michel et Gudule (on ne se moque pas, ça arrive aux meilleurs d'entre nous...ou pas), Mont des arts, le quartier de la Bourse etc etc, ainsi qu'une foultitude de parcs et autres squares (et Dieu sait qu'il y en a), sans oublier la sempiternelle balade dans la ville. Et le musée Magritte. Premier coup dans l'aile. Qu'est-ce que je peux aimer Magritte. Bref, plaisir personnel. Si vous appréciez son œuvre, allez là-bas, vous ne serez pas déçu. L'atomium, assez loin au nord de la ville, m'a permis d'admirer, puis de sentir jusqu'à la moelle, une pluie atomienne! Une belle drache, ou une arnapée comme on dit chez moi, avec tonnerre, éclair et tout le bastringue. Le musée d'art japonais a poursuivi ma visite (superbe série de vitraux japonais en enfilade), puis retour à l'autre bout de la ville (vive le vélo!) pour prendre ma deuxième claque de la journée : la maison Horta. Celles et ceux qui adorent l'Art nouveau n'en pourraient plus (j'ai réussi à ré-enrouler ma langue depuis, mais c'était pas gagné). Et dire que le baron Horta vivait dans cette maison...l'envie n'est pas mon truc, mais là je dois avouer que je l'envie bien d'avoir vécu dans et avec autant de goût.

Voilà pour Bruxelles! Après une bonne nuit de sommeil (et avant cela je compte bien profiter de ce pub très très sympa, place du Luxembourg), je me dirigerais vers Amsterdam, vice city (I can't wait!)
Bruxelles est une ville qui vaut le coup d'œil, et même si je l'ai faite à vélo (un peu plus de 57 kilomètres), on peut la faire en villo (nos vélib' parisiens), bus, tram, métro...il n'y a que le choix de l'embarras, et il y a des forfaits vraiment pas chers.

J'espère que les photos vous plairont et vous donneront envie d'aller y faire un tour. Je peux même faire le guide pour vous les amis!
From Europe, with love.

Tuesday 27 July 2010

From Europe With Love


Le principe est relativement simple: parcourir une dizaine de capitales de l'Union Européenne, en voiture, avec tente et sac à dos. Sans oublier le vélo qui me permettra de visiter les villes en question (pas de voiture en centre-ville, non merci).
Donc j'irai d'une ville à l'autre, dans cet ordre:

Bruxelles
Amsterdam
Berlin
Prague
Vienne
Bratislava (Slovaquie – ne pas l'oublier sur la carte, cachée derrière Vienne)
Budapest
Ljubljana
Vaduz
Berne

Le périple devrait avoisiner les trois semaines et les quatre mille cinq cent kilomètres, vélo compris. Il y a, il est vrai, une petite dimension marathonienne à ce projet. Certaines capitales demanderaient, de par leur dimension et leur intérêt culturel, un séjour prolongé. Je ne m'interdis rien, sauf de passer plus de quatre jours dans une ville donnée. Je n'ai pas plus de contraintes que cela.
Dans la mesure du possible, je visiterai en priorité les monuments importants, les lieux chargés d'histoire, européenne ou non, d'anecdotes, et j'irai à la rencontre des habitants. La langue risque d'être un léger handicap (surtout, je pense, en Slovaquie et Slovénie), mais je m'adapterai, comme d'hab'. Le but est de voir d'un autre œil la vieille Europe (mises à part la Slovaquie et la Slovénie, rentrée en 2004 si je ne m'abuse).

Je sais pertinemment que je ne verrai pas tout, et que je louperai beaucoup des lieux que certain(e)s considèreront comme importants. Tout ceci ne sera que partie remise.
J'essaierai autant que faire se peut de publier histoires, anecdotes et autres moments croustillants de l'aventure dès que possible, en espérant que ce ne soit pas trop des tuiles que je raconterai...^^

Sur ce, je vous dis à très bientôt.

Monday 26 July 2010

Everybody hurts


clotted blood matting locks of hair onto
a fragment of skull protruding from the gash –
sharp yelps of pain as the woman tries to
comb her whorl with dry-blood besmeared fingers –
she mocks the people on that train to London,
vexed as she cannot find her bearings –
her breath is rank with stale beer –
her man shouldn't have hit her –
Long agony amidst aghast people –
 

Prêter attention


Prêter attention à chaque détail,
chaque bribe de conversation
dérobée à la volée,
Chaque regard, chaque faille,
Chaque instant de chaque passion,
Chaque photo prise au jugé,
Chaque faisceau de chaque muscle saillant,
Chaque habitude de chaque passant.
Prêter attention à la minutie
de ceux qui officient,
Voilà ce que je fais, jour et nuit.

Je vois celui qui, parmi la masse,
regarde le haut des marches
en montant les escaliers.

Partout il y a un parfum, une fleur,
une odeur corporelle, une puanteur,
pour me rendre fou à lier.

Le monde est rugueux sous le pas,
car son contact s'impose à la raison,
Car il est et froid et chaud en toute saison
car la sensation force la main au doigt.

Et tous les jours il faut calmer ce monde,
que j'entends venir à moi, ces mots
qu'il faut ensuite écouter et que j'émonde
pour les mieux ouvrager en émaux.

Et tous les jours, inlassablement,
je dois lutter pour goûter sûrement,
Car éduquer mes papilles demande un effort
proportionnel à la sensibilité du corps.

Attentif à, et fourvoyé par, tout ce qui est soi.
Car il faut prêter attention à tout ce qui a un sens.

Et comment ne pas tenir compte des plans,
des lignes, des schémas, des tracés d'arcs
des entrelacs géométriques issus des murs,
des tables, des pavés, des trottoirs,
des joints, des traces humides de ceux
qui ont sans le vouloir piétiné la flaque,
des arêtes des murets, des volutes des épissures,
de chaque angle entrant ou saillant –

La vigile constante car tout a un sens,
Ainsi est le monde que je perçois.
 

Saturday 24 July 2010

Deux haïku de voyage

La théière fumante
Parmi les restes de la soirée de retrouvailles
Chant matutinal du coucou



Arrivés à un carrefour
Le pèlerin dit: "trois chemins s'offrent à moi."
Le marcheur, lui, en considère quatre.

Tuesday 20 July 2010

Le coffre - inspiré d'une illustration de Chab


 
Cette nuit-là, il faisait chaud et la lune baignait la ville dans une lumière blanche, détachant chaque angle du palais du Sultan, coupant les maisons du souk comme avec un cimeterre, affinant les silhouettes des minarets et allongeant les ombres. Notamment celle qui se dirigeait hors de la ville, alors qu'elle passait sous la petite arche à l'Ouest. Les gardes, assoupis, n'ayant pas même songé à allumer un feu pour y mieux voir, n'entendirent rien. L'ombre, capée de rouge, marcha rapidement jusqu'à la palmeraie où une autre ombre l'attendait en faisant les cents pas. On sentait l'impatience dans chacun de ses mouvements. Lorsque la deuxième ombre vit la première, elle stoppa net ses déambulations. Elle vint à sa rencontre.

« Mon frère! Tu l'as? Tu l'as trouvé?
_ Oui, mon seigneur. Je l'ai.
_ Je ne suis pas ton seigneur, je suis ton frère. Lorsque j'aurai récupéré mon trône, je saurai te le montrer. Où est-il? Dis-moi, je n'ai plus d'ongles à me ronger les sangs.
_ Le voici. »

Il sortit de sous sa cape rouge un petit coffre de la taille d'un poing. En fait, la lune cisela précisément chaque détail du coffre. Il était visiblement vieux, bosselé par endroits, mais la robustesse des attaches semblaient avoir défié les siècles de confinement.
« Où l'as-tu trouvé? Comment as-tu fait? Je n'arrive pas à y croire.
_ Il m'a fallu du temps, le vieux targui était réticent à me dire où se trouvait l'entrée du temple caché. J'ai dû marcher trois jours et trois nuits dans le désert pour arriver là où les dunes chantent.
_ Là où les dunes chantent? Où est-ce?
_ Je ne saurai vous dire, mon seigneur. Le vieux m'a dit de suivre l'ombre des dunes, ce que j'ai fait durant toute ma traversée, la lune et le soleil pour guides et pour témoins. Entendre le chant des dunes à des lieues à la ronde n'est pas un spectacle donné à tout le monde, et c'est une chose effrayante au noir de la nuit, car mille djinns ne ferait pas autant de bruit, cent mille chameaux en plein galop ne feraient pas autant trembler le sol et un million de niras ne pourraient égaler sa sonorité. Je suis longtemps resté pétrifié, mon sang glacé dans mes veines. Le vieillard m'avait prévenu, et il m'avait dit de penser à mon but, et votre pensée m'a réchauffé le corps et je suis allé au cœur des dunes, là où le chant se faisait le plus fort.
_ Je suis content d'avoir pu t'aider par la pensée, car je ne pouvais t'accompagner dans cette quête. L'endroit que tu décris est effrayant et fascinant à la fois.
_ Oui, mon seigneur, car tout dans mon corps vibrait à l'unisson des dunes, et il me semblait que le désert tout entier entonnait une chanson dont les paroles me semblaient dures et douces à la fois. Entouré par les plus hautes dunes, dans les plus fins replis du sable au fond de ce vallon, j'ai pu déterrer, après plusieurs heures, la petite porte en marbre du temple. Si vous aviez pu voir la finesse des arabesques sculptées à même la porte, mon seigneur, vous en auriez été ravi! Un long moment je contemplais chaque détail, les acanthes, les roses, les lignes entrelacées comme la vigne. Là encore, le vieillard m'avait mis en garde contre le charme du temple, car tout en cet endroit allait me mettre à l'épreuve. Une fois de plus, j'ai pensé à la noblesse de votre quête, mon seigneur, et j'ai pu alors pousser la porte, de toutes mes forces rassemblées dans votre but, et pénétrer dans le temple.
_ Tu as du courage, mon frère, comme peu en ont dans cette cité endormie.
_ J'ai longé un couloir obscur et étroit, et la lumière de la lune n'y pouvait pénétrer que de quelques pieds. Ma lampe à huile faisait danser mille et une inscriptions sur les parois, et je sentais une humidité qui me faisait froid dans le dos. Chaque bruit était amplifié et mes sens aux aguets percevaient les minuscules détails, un scarabée dérangé dans son sommeil, des toiles d'araignées embrasées par le feu de ma lampe, les pierres jonchant le sol inégal. Je dois dire que si je n'avais eu votre visage au devant de moi pour me guider, j'aurais pris peur et aurais quitté cet endroit maudit.
_ Tu as eu la bravoure d'Aladdin, mon frère.
_ C'est alors qu'au bout de ce couloir, dans une pièce plus haute que tous les palais que j'ai vus jusqu'alors, surmonté d'un dôme grand comme la voûte du ciel, je vis entassé des milliers de joyaux, de pièces d'or, d'armures flamboyantes, de somptueux vases, de lampes splendides et incrustés de pierres précieuses, en désordre, comme si quelqu'un était venu ici et avait déposé au fur et à mesure le butin de centaines de pillages de riches cités. Je n'en croyais pas mes yeux, et la simple lueur de ma lampe à huile suffit à éclairer cette salle immense, tant il y avait de bijoux et d'or amoncelés. Je savais du vieil homme qu'il ne fallait pas que je touche à une seule de ces pièces ou à un seul de ces bijoux, car aussitôt détourné de mon but la porte se serait refermée sur moi, me condamnant à une éternité au sein du temple.
_ Beaucoup aurait délaissé leur dessein et aurait succombé à la tentation de l'or, mon frère. Tu as su mettre dans la balance ce qui avait le plus de poids, ton amitié.
_ J'ai continué mon chemin par un couloir large comme une route et bordé de flambeaux brillant d'une lumière magique. Je savais ce qui m'attendait au bout de ce couloir, dans une partie du temple aux allures d'une grotte où pendaient de monstrueuses stalactites, aussi je dégainais mon cimeterre, celui-là même que mon seigneur a bien daigné m'offrir.
_ Il a appartenu, comme tu le sais, à Antar, noble héros qui tua un lion de ses seules mains.
_ Et sa force se transmit sans aucun doute à ma main, car je dus affronter des hordes de squelettes que la magie du lieu mettait en mouvement, leurs horribles os s'entrechoquant, leurs poings de mort serrant des cimeterres au fil brisé, des poignards vils et des sabres rouillés. Dans leurs orbites brillait une lueur rougeâtre, maléfique, démoniaque, qui baignait aussi ce lieu damné. Je réussis non sans mal, grâce à votre souvenir et à la force du sabre d'Antar, à me tailler un chemin parmi les cohortes de ces carcasses sans vie et à atteindre l'antichambre où reposait le but de ma quête. Je refermais la lourde porte de bois derrière moi et la bloquait d'un lourd basting. Mon cœur battait à tout rompre dans ma poitrine. Dans cet endroit, où aucun son ne filtrait plus, m'attendait l'épreuve ultime, celle qui allait tester ma foi et ma dévotion.
_ Tu as plus de courage que n'en a eu Saladin alors qu'il conquérait avec son maître la ville de Damas! Mais quelle est donc cette épreuve qui me donne la chair de poule malgré l'étouffante chaleur de cette nuit? As-tu eu à affronter pire qu'une horde de squelettes venus des enfers? Quel monstre horrible issu du malin te fallut-il pourfendre?
_ Rien de cela. Celui qui se tenait en face de moi, voûté par les ans, était ce même vieillard qui m'avait accompagné, par ses précieux indices, jusqu'ici. Il sourit et je ne pus m'empêcher de sourire à la vue d'un visage familier. Il me dit alors que ce que je cherchais se trouvait dans un coffre pas plus gros qu'un poing, une lieue sous mes pieds, au fond d'un puits. Il fit un pas de côté et laissa voir une entrée dans le sol, comme une gueule noire et avide. Je me penchais mais ne pus rien voir. Il me dit que les mots ici n'avait plus beaucoup de valeur, que les énigmes et les grands discours prenaient tout leur sens dans l'acte. Il me dit encore une chose, terrible celle-ci. Alors je pensais à vous, à ce que vous vouliez faire de cette cité et de ses hommes, quel grand homme plein de bonté vous étiez, et je sautais. Vous dire combien de temps dura ma chute, je ne saurai avec précision. Toujours est-il que les ténèbres s'emparèrent de mon corps à la seconde où mes pieds quittèrent l'antichambre. Il faisait froid, et le vent sifflait à mes oreilles, empoignait les pans de mon habit, faisait chuinter la lame de mon cimeterre. Je vis alors, après un temps où je crus bien fermer les yeux pour de bon, une lumière grandissante. Mes sens perçurent bientôt des fils comme des lianes le long des parois, et je pus distinguer alors un plan pour ne point me rompre la nuque. Je saisis du mieux que je pus des poignées de lianes, de-ci de-là, et mes muscles et mes membres criaient de souffrance mais je serrais les dents et réussis enfin à freiner cette descente infernale qui aurait eu raison de moi s'il n'y avait eu ces lianes providentielles.
_ Tu as volé tel Abbas Ibn Firnas, mon frère, mais tu as su négocié ta chute! Je n'en reviens pas que tu aies fait tout cela pour moi. Dis-moi la suite, comment as-tu réussi à obtenir ce coffre? Une énigme s'est-elle présentée à toi, sous quelle forme?
_ Non, mon seigneur, il se trouvait simplement à même le sol. J'eus peur de le ramasser, mais je repris confiance en vous et après l'avoir caché sous ma cape, j'empruntais un boyau qui me ramena, après des heures et des heures de marche dans l'obscurité la plus totale, à la surface. Et me voilà devant vous, et je vous donne ce coffre que vous m'avez mandé de chercher. J'espère que vous y trouverez tout ce dont vous avez besoin.
_ Viens que je te serre dans mes bras, mon frère, et sache que je te récompenserais au centuple pour ta bravoure et ton dévouement. Mais dis-moi, que le vieillard t'a-t-il dit, avant que tu ne sautes?
_ Oh, mon seigneur! Il a dit que je devrais venir prendre sa place dans l'antichambre.
_ Mais, mon frère!
_ Il a dit qu'il reviendrait chercher le coffre lorsque vous n'en aurez plus l'utilité, et qu'il me le ramènerait pour que j'en sois le gardien. »

A ces mots, la deuxième ombre laissa tomber le coffre à terre et prit son ami dans ses bras. Ils savaient tous deux qu'il n'y avait qu'une parole, et que le destin ne souffrait pas que l'on traçât une autre ligne que la sienne. Ils durent se séparer, chacun pleurant la perte de l'autre, alors que la lune était encore haute dans la chaleur de la nuit. La première ombre reprit le chemin du désert, et la deuxième se laissa tomber à genoux, le coffre reposant près de sa main.

Celui qui allait devenir Sultan et mener sa cité, puis son pays, vers la paix et la prospérité, ouvrit ce coffre pas plus gros qu'un poing et aussi léger qu'une plume de paon, et ne trouva à l'intérieur rien d'autre qu'un morceau de parchemin. Sur ce fragment rongé par les âges, il lut un mot qui lui donna la force d'affronter son destin, et chaque jour il honora celui qui fut plus qu'un frère, qui fit plus qu'un ami pour lui.
Des années passèrent lorsqu'un vieillard se présenta à sa cour, demandant audience. Il sut d'un coup d'œil que c'était l'ancien gardien du coffre. Il l'amena, sans un mot, jusqu'à sa chambre où le coffre trônait sur un meuble haut près de son lit.

« Comment va mon ami, vieil homme?
_ Je ne sais. Je te rapporterai de ses nouvelles lorsque je le verrai.
_ Jusqu'à quand devra-t-il garder le coffre?
_ J'ai attendu cinquante ans avant que ton ami ne vienne. Le destin seul sait quand un autre cherchera ce que tu as trouvé.
_ Je suis triste, vieillard, d'avoir perdu mon ami. Ici personne n'a sa bravoure, personne ne l'égale en amitié, personne ne sait trouver les mots comme il le faisait.
_ Au contraire, Sultan, tu as gagné l'amitié la plus sincère qui soit, celle qui traverse les âges sans se soucier de ce qui arrive. Pour ma part, je m'en vais de ce pas rejoindre celui qui m'a reconnu, malgré les ans, comme son ami. Toi aussi, je l'espère, tu reverras celui qui fit don de lui à ta personne. Et sois assuré qu'il sera fier de toi lorsque je lui conterais tes exploits. A bientôt, Sultan.
_ Reviens vite me voir, vieil homme, car je languis de son retour. Dis-lui bien que je l'aime.
_ Sois assuré qu'il le sait déjà. »

Ainsi se termine l'histoire de deux ombres qui, par une nuit d'été, scellèrent leur amitié, alors que la lune embrasait tout, alors que le monde autour d'eux dormait.


***
L'illustration en question est ici. Je remercie Chab de l'avoir dessinée (même si c'était il y a longtemps, il faut revenir parfois en arrière pour trouver l'inspiration), et je m'excuse auprès d'elle dès à présent si ce qu'elle m'a inspiré ne reflète pas le dixième de son talent. Merci ma Chab.
***

Adam Balogh's artistic vision

 
Depuis le temps que je devais le faire...voici le site de mon ami hongrois Adam Balogh.
Rencontré par hasard dans un café viennois de Budapest, je l'ai revu une semaine plus tard, alors qu'il exposait à Londres, à Brick Lane.
Il gagne à être connu, autant pour ses photos que pour ses peintures, et il a aussi exposé à New-York, Vienne, Ferrara (entre autres) et très souvent dans son pays natal.
Adam est un infatigable globe-trotter, même si de par la naissance de son fils ÁrminDani, il s'est un peu calmé...pour le moment. Il a vu beaucoup des horizons de notre planète et en a puisé une philosophie assez particulière. Nous ne nous sommes pas vus souvent, mais le plaisir partagé de ses instants est une valeur sûre de notre amitié.
Köszönöm Adam, pour m'avoir entrouvert une partie du monde.
J'espère que vous apprécierez autant que moi sa vision du monde.
 

Monday 19 July 2010

Et vive les parlementaires tchèques!

En voilà une idée qu'elle est bonne, mesdames.
Me voilà gagné à votre cause, grâce à un tout petit calendrier, visible ici.
J'ose à peine imaginer ce que cela donnerait avec notre parlement...horreur! malheur!

Chic-ots

Ceux qui avaient une dent contre Winston pourront s'en donner à cœur joie pour lui en mettre plein les dents.
Du plus magnifique effet dans un salon, aller voir là-bas s'il y a quelque chose à se mettre sous la dent.

Imuhagh


Notre sein comme un désert de sable et de pierres –
Pas même un lichen pour couvrir les flétrissures de sécheresse.

Marcher longtemps et loin pour puiser un peu d'eau pure
En lisière du monde vivant, où la vie est plus propice,
Puis s'en retourner, la soif étanchée jusqu'au cœur,
Et des libations jusqu'à la prochaine prière.

Le matin exhale pourtant sa diaphane écharpe de brume
Pendant quelques instants – assez pour que le corps s'en imprègne –
Car oasis ici est un mot sans définition aucune –
Avant que l'ardent du soleil ne vienne
Écraser tout ceci de sa chaleur de solstice.

Ici nous portons habits de couleur de deuil
Et le thé nous brûle les doigts et les lèvres.

Nous assurons la pérennité de la race humaine
Là où l'homme justement ne pense plus à chercher,
Là où l'homme ne pèse pas plus que la pierre,
Pas plus que le sable ou le vent ou l'absence ;
Où la dextérité commande et fait loi,
Imposée par la plus grande vigilance.

Ici, où il n'y a rien et où rien ne manque.
Peut-être y a-t-il eu de la vie dans cette aridité –
Et les coquillages trouvés alors que
Nous fouillons le désert pour enterrer nos morts,
Semblent aller en ce sens – mais pourquoi devrions-nous les croire?
Nous nous bornons à les mettre sur les yeux des défunts –
Traçant ensuite des signes compliqués à même le sable
Pour nous souvenir du lieu, de l'homme – et l'oublier.

Nous besognons l'horizon des roues de nos charrues
Et entre les parallèles des traces celles des pas de nos mules.

Le solitaire parfois cherche la dune mugissante
pour y reposer ses mains lourdes de détresse.
L'amoureuse cherche la dune muette
Pour y enfouir ses baisers au témoin du couchant.
L'enfant y joue et y trouve les djinns de sa jeunesse.
Le vieillard les voix du passé, l'homme celle de l'avenir.

Nous cherchons les qanats, en vain, sur des routes sans cartes,
Trompés par les Fata Morgana dirigeant nos regards
En larges courbes par-delà l'horizon.
Loin des grandes tribulations, nous traçons des routes éphémères,
Sous la bure d'un ciel sans nuage incendié de soleil.

Et ce vent que rien, pas même nos corps, n'arrête.

Et nos pas, échos venus du fond des âges.

Robustes quêteurs des distances,
Nous sommes différents de vous,
Car contre vous en errance,
Nous connaissons notre voie.

Friday 16 July 2010

6000

Je ne ferai pas cela tous les jours, mais bon, 6000 visites sur Scribd, quand meme...
Prenez tous soin de vous.

Monday 12 July 2010

Food for thought

Toutes et tous, oyez!

Me voilà parti, dès demain, pour la capitale anglaise. Vous imaginez sans peine que les publications seront stoppées pour les cinq prochains jours.

Cependant, j'espère pouvoir alimenter ce blog avec les péripéties de mon prochain voyage en Europe.
Départ prévu un jour et demi après mon retour de Londres, vers le 20 juillet.
Plus au prochain numéro!

Bonnes vacances à tout le monde.

Friday 9 July 2010

La Jeune femme et le Vieillard


 
Partie de rien et revenue de tout,
Sa peau gorgée de rivière, au goût sucré de soleil,
La voici en plein essor de faucon pèlerin –
Les erres rompues par les vents –
Parce que rien n'est perdu au ressouvenir des digues.
Parce qu'au soir de lassitude la gorge est prise –
Les mains et les lèvres restent lestes cependant,
Empreintes de ce que nous autres appelons sobrement « nuit ».

Elle est apparue comme un météore sur l'horizon
A la tête de cents et mille chevaux de brume –
Recouvrant d'une mer de crinières la vaste plaine –
La main tendue au devant d'elle, paume ouverte.
L'iris grêlé des comètes et des raisins d'aube.
Elle n'a jamais su qu'écarter le malheur,
Elle qui est comme le freux frôlant le champ de blé,
Isolée ainsi la pierre oubliée sur le muret.

Il n'y a bien que le temps pour avancer dans ces circonstances.
Eratosthène lui tend la main, le seul
Des trente à ne pas connaître sa langue,
Sait qu'elle prendra place au centre des armillaires
Et qu'elle le fera succomber de cécité.
Ce qu'il voit dans le diaphane de ses paupières,
C'est le mystère premier résolu, bien qu'encore crypté,
Comme engravé à fleur de peau sur cette sombre persane.

Elle qui donne tout son sens au mot Γεωγραφικὴ
En apposant ses pas mesurés sur le sable fin du désert des enfances –
Elle qui fut née hors l'écoumène –
Le bématiste lui-même ne peut se résoudre à le croire.

Un an à arpenter la terre pour en percer
Son plus intime secret n'est rien à la couleur de ses yeux.
Tout à révéler le jour d'une fête obscure et païenne –
Dansant autour d'un feu de pommes de pin et de bois mort,
Les plantes des pieds nus et cornés foulant
Cendres et sable et salive et sueur
En décadence, arythmique dissonances de tambour ivres
Et de battements de mains sourds et sonores.

Eratosthène trouve toujours ce qu'il recherche, dit-on,
Fut-ce au fond d'une tasse de thé divinatoire.
Car il ne reste jamais les deux pieds au même endroit.
Surtout depuis qu'il tient la main de celle qui marche.

Aucun des deux n'en est à son galop d'essai.
Chacun un jour donné eut son crapahut enneigé,
Son envie de voir plus loin que le dernier pas,
D'éperonner une énième vague.
Son envie de rebrousser chemin parmi les dunes –
Et la volonté de ne s'arrêter que pour contempler.

Le vieil homme la regarde et voit ce qu'il n'a jamais que deviné.
Elle le regarde et voit au travers ce que l'on ne recherche pas.
 

Tuesday 6 July 2010

Nicolas Bouvier, "L'usage du monde"



 
"Si je n'étais pas parvenu à y écrire grand-chose, c'est qu'être heureux me prenait tout mon temps. D'ailleurs, nous ne sommes pas juges du temps perdu."
 

Monday 5 July 2010

Histoire dont vous êtes les héros - Version PDF sur Scribd

Histoire dont vous êtes les héros (en quelque sorte)                                                                                                                                   

Histoire dont vous êtes les héros #10 - (en)fin!


...au gré du hasard. Ce dont vous êtes certain :

Le boucher slave, s'il n'a pas reçu votre projectile, doit être passablement sur les nerfs. Il a beau avoir reçu un tamashigiri dans les côtes, avoir un roquet poinçonné sur un mollet et s'être mangé une pelle en pleine poire, vous pensez qu'il a dû en voir d'autres. Ergo, il sera d'une humeur massacrante.

Ce dont vous n'êtes pas certain (et c'est peu dire) :

Où est partie cette satanée balle?

Tout peut s'expliquer en un centième de seconde – l'équivalent du trajet de la balle :

Imaginez donc cette balle à cœur de plomb chemisée de cuivre (tout cela, vous le savez de source sûre, n'est pas du tout éco-responsable) 9mm Parabellum (« Si vis pacem, para bellum » Vegetius, Epitoma Rei Militaris : si tu veux la paix, prépare la guerre) aka FMJ ou Full Metal Jacket, violemment amorcée par le percuteur, éjectée par le canon de l'arme, en l'absence de nuage de poudre (depuis les années 1890 il n'y en a plus – oust la sempiternelle poudre noire), lancée à une vitesse approximative de 350 m/s: donc Emir, situé à environ 3 mètres 95, allez, disons 4 mètres, devrait recevoir la balle, s'il la reçoit, dans 0,011428571428571428571428571428571 seconde (vous pouvez donc voir que vous aviez raison depuis le début). Ceci étant dit, ceci étant fait, vous voilà embarqué dans un récit qui dure 0,011428571428571428571428571428571 seconde.

La balle est sur son trajet, sa trajectoire est linéaire (l'impact de la distance est ici négligeable), droite, dans l'alignement imprimé par le canon. Elle a une légère tendance à vriller sur elle-même, mais là encore la distance fait que ce mouvement est négligeable. Vous pouvez d'ores et déjà éliminer la direction de l'épaule, l'angle du canon ne la permet pas.

Pendant le temps où la main du destin dirige votre balle, vous voyez le futur se dessiner au fin fond de votre esprit, aussi distinctement et aussi véritablement que Cassandre a dû voir le sien. Vous voyez Elena dans vos bras après une nuit d'amour enfiévré ; vous vous voyez affalé sur un transat sur une île paradisiaque, au beau milieu de nulle part, un hydravion en arrière-plan amarré à un ponton dans une crique bleu turquoise, à siroter un cocktail tout en écrivant une carte postale à Mme Froitemont accompagnée d'un chèque pour les croquettes au caviar de Polly ; vous vous voyez dans un appartement sur la cinquième avenue à New-York, votre Walther PPK exposé, bien en vue, dans une vitrine en verre, à donner une réception où vous ne reconnaissez pas encore tout le gratin, mais il y a bien quelques stars hollywoodiennes comme...comme...Woody Allen ou Gianna Michaels (NDLR n'allez pas voir, sauf si vous êtes majeur et vacciné – un vieux reste du célibat forcé de notre héros), ou encore Nicole Scherzinger, même si c'est une chanteuse (là ce n'est pas pareil, c'est une vieille habitude, NDLR) ; vous vous voyez main dans la main avec Elena dans les rues enneigées de la capitale moscovite – la balle a parcouru la moitié de la distance (soit deux mètres environ et 0,005714285714285714285714285714 seconde) et il est possible qu'elle aille se ficher dans le chambranle de la porte – vous vous voyez allongé sur le sol, dans une mare de sang, ce salaud d'Emir vous dominant de toute sa superbe, les mains maculées des sangs d'Elena, du vôtre, de Mme Froitemont. Dans un de ses poings hoquète le corps agonisant de Polly, ses poils collés en dread locks affreux ; vous vous voyez dans le meilleur des cas luttant contre le colosse, assénant son visage de violents coups de poings et lui ne bougeant pas d'un pouce, souriant même, une lèvre fendue, et vous envoyant valser sur votre table de salon, sur le mur de votre chambre, votre dos craquant sinistrement sur la table de chevet – la balle est pratiquement arrivée à destination – il ne fait plus aucun doute que seul l'un de ces scénarios est le bon : reste à savoir lequel – et en un instant aussi court qu'une poignée de microseconde, vous voyez cette balle venir de plein fouet se ficher 
 

Sunday 4 July 2010

Sur le chemin du retour

Son pelage par la brise occasionnelle caressé –
Mère et lapereaux attendent son retour –
Brave souvent, et son instinct rompu de chassé
Lui ont permis d'en arriver là sans encombre.
Ses fières oreilles aux aguets du pas maudit –
Il sait faire ce qu'il doit. Et la prudence,
Mère de toutes les vertus,
Guide atavique de tous les gens de terre –
Aujourd'hui l'a quitté, alors qu'il dort,
Dort d'un profond sommeil –
Une patte nonchalamment posée
Sur cet asphalte qui brûlera bientôt
Sous l'accablant du soleil –
Dort sans que les camions filant vers le Sud
Ne viennent troubler son sommeil.

Lichen

The blind woman next to me fidgeting in her seat visibly uneasy brushed my arm as if in need of help with her train ticket but she tricked ...