Tuesday 17 February 2009

Opus #25

1er janvier, 6h du matin.
Encore rien dans la presse. Je guette les premières éditions. Je descends et remonte les six étages jusqu'à mon antre. Je suis fébrile, je crois.
Je suis allé chez elle, après la péniche. Elle n'a rien remarqué.
J'ai mis mes vêtements de travail que j'avais au préalable cachés dans la poubelle, celle la plus proche du quai. Ne me manquait plus que le balai, mais je suis quand même rentré chez moi incognito. Peu de monde dans les rues. Tous en train de faire la fête ou de se rendre à une. Déjà passablement éméchés. Le temps de prendre une douche. Il était quelque chose comme onze heures. Juste assez pour prendre le RER pour fêter la nouvelle année avec Cécile.
Rien. Le marchand ne comprend pas non plus pourquoi les journaux se font attendre ce matin. Tout s'est déroulé selon le plan échafaudé un an auparavant. Dans le train je ne pouvais m'empêcher de sourire. Je sentais la satisfaction, la joie d'avoir donné vie à ce grand œuvre.
Les gens verront alors, seront contraints d'ouvrir les yeux sur le sens de leur vie. Les journalistes et le pays entier seront contraints de donner crédit à mes actes. Plus que quelques heures et plus rien ne sera comme avant, pour personne. Ils ont déjà du trouver les corps, essaient d'étouffer l'affaire pour ne pas avoir les journalistes sur le dos.
Une excitation sans commune mesure secouait mon corps. J'étais impatient, je ne pouvais attendre que le monde découvre cette péniche où ils trouveront cinquante corps sans vie, et accessoirement sans yeux. Tous mis dans un sac que j'ai lesté puis jeté dans le fleuve. Une véritable épreuve pour le corps et pour les sens. Le monde verra qu'on ne plaisante pas avec moi.
J'ai également jeté les lunettes de vision nocturne dans le fleuve mais plus haut, du côté de chez Cécile.
Toujours rien. Qu'est-ce qu'ils fichent?
Cécile est en bas. J'ai réussi à ne pas la faire monter. Un beau mensonge sur la modestie de mon minuscule foyer. La honte à peine dissimulée. Elle a mordu à l'hameçon. Elle est encore alcoolisée. Elle est cernée, fatiguée. N'a pas encore les idées bien en place. En revanche, elle demande pourquoi je suis arrivé aussi tard hier soir, pourquoi je suis reparti aussi tôt ce matin. Elle m'attend. Je dois y aller.

Je me suis battu pour arriver jusqu'ici la police me recherche les salauds ils réagissent plus vite pour un homicide involontaire que pour un meurtre en série on était retourné chez elle pour la calmer elle posait trop de questions et j'étais pas préparé elle voulait des explications aussitôt arrivé elle s'est transformée en furie elle s'était contenue tout ce temps alors que je pensais qu'elle était simplement en colère croyant peut-être que je la trompais elle me harcelait de questions mais elle me décochait des remarques acerbes comme des flèches elle avait des doutes me disait qu'elle était pas aussi idiote qu'elle en avait l'air elle postillonnait je lui ai dit que je l'aimais que j'avais envie d'elle elle m'a regardé de travers n'a même pas répliqué je lui ai répété je me suis mis à genoux l'amour s'achète dans le sang se paye en souffrance comme si c'était la seule monnaie acceptable plus le droit du sang que le droit du sol elle n'a pas daigné prendre la main que je lui tendais et je sentais la furie monter en moi en picotant le long de mes bras des coudes aux mains en passant par les poignets et j'étais gentil patient je trouve et puis elle est allée dans la cuisine se servir un verre d'eau au robinet et en un instant je reçois un verre qui m'atteint à l'épaule elle lance sur moi tout ce qui est à sa portée des cadavres de bouteilles de la fête restées là j'esquive ce que je peux elle se précipite sur moi on tombe à la renverse elle me gifle me lacère le visage sa voix est celle d'une harpie alors je la repousse de mes deux bras je la vois voler à reculons dans l'air encore saturé de fumée ses cheveux en désordre recouvrent lentement son visage puis son corps se vrille sur lui même son épaule droite en premier puis elle est sur le flanc en suspension et la lumière de la fenêtre s'accroche à ses vêtements, ses cheveux en reflets gris et elle finit par retomber lourdement sur le sol et sa tête vient heurter la table du salon avec un bruit sourd un bruit mat de marteau et distinctement les os de son crâne se brisent je n'ai pas le temps de réagir je n'y crois pas pourtant elle met un temps infini à se relever sur les coudes le sang coule en longs filets sirupeux de sa bouche de ses oreilles et de son nez puis à quatre pattes sur le tapis violet de son salon qui se gorge de son hémoglobine elle avance un peu puis s'écroule je sais qu'elle est morte et c'est si stupide je ne voulais pas je m'approche d'elle je tâte son pouls mais je sais déjà ce qu'il me reste à faire mais je ne veux pas je ne voulais pas qu'elle meurt je voulais être avec elle je voulais que tout continue comme avant pourquoi elle a tout gâché comme ça mais ça ne servait à rien de s'énerver alors j'ai pris mes jambes à mon cou et j'ai dévalé les escaliers quatre à quatre et c'est là que j'ai bousculé les deux policiers qui venaient en sens inverse et un des deux a gueulé quelque chose d'incompréhensible j'ai couru comme jamais j'avais couru j'ai pris je sais plus combien de bus je changeais tous les deux ou trois arrêts ou quand je sentais que quelque chose clochait et je suis arrivé ici en courant je sais que tout le monde me regardait je sais que je ne peux plus faire grand chose c'est la fin et je ne l'imaginais pas comme ça et on enfonce la porte du bas. Tout est fini. Tout.

Friday 13 February 2009

Opus #24

31 décembre, le matin.
Ah ils vont voir de quel bois je me chauffe! Me traiter de la sorte, m'insulter, traîner mon œuvre dans la boue, m'humilier ainsi! Si je ne me retenais pas, je tuerais un à un ces soi-disant journalistes incompétents, ces abrutis de bas de plafond, ces barbares qui ne comprennent rien à l'art, qui ne savent pas voir la vie et la mort dans toute leur splendeur alors qu'elle est affiché en rouge carmin sous leur nez. Me rabaisser à un vulgaire tueur à la sauvette sans véritable méthode, sans véritable dessein. Mais ils n'ont rien compris! Rien! Ces incapables affirment tous que le meurtre d'hier matin n'est pas de mon fait, que « les entailles sont grossières » « la minutie dont il fait généralement preuve ne se retrouve pas ici », que « ceci n'est qu'une pâle copie, qu'une imitation mal équarrie du tueur qui sévit depuis plusieurs mois déjà. » Je vais devoir employer les grands moyens, leur montrer toute mon envergure, toute la magnitude de mon grand œuvre. Lorsqu'ils le verront étalé à leur face incrédule ils seront forcés de comprendre, ils se rendront à l'évidence qu'ils ont affaire à l'égal du diable. Ils me verront sur une montagne de crânes en être flamboyant noir et sang parce qu'alors je n'aurai plus d'humain que la silhouette.
Ils verront que le soleil ne peut plus briller au regard des atrocités que j'ai pu commettre, que Dieu ne peut exister pour les mêmes raisons. Pour parachever mon édifice de terreur je n'irai pas travailler ce matin, et j'irai là où je brûle à présent de porter mes pas. Le tableau que ces imbéciles n'ont su apprécier rue du panier fleuri, je vais en faire un plus beau, plus majestueux, plus terrifiant encore. Mon stratagème, que j'ai mis un an jour pour jour à ourdir, est d'une simplicité enfantine: il existe un restaurant bien particulier qui se situe sur une péniche amarrée le long du quai X. Certains soirs, comme ce soir, ils organisent un dîner plongés dans le noir. Ils font cela pour, paraît-il, ne compter que sur les sens que les gens ont tendances à minimiser et pour « voir » également ce que cela fait d'être privé de la vue. Le goût, la texture, l'odeur des aliments s'en trouveraient transformés complètement. C'est là-bas que j'irai. Royaume où les aveugles sont rois, et aussi serveurs ou serveuses. Équipé de lunettes de vision nocturne. Lorsque je les ai vues sur l'étal de la brocante, j'ai tout de suite pensé à cette endroit, à cette nuit d'horreur. J'en ai souvent rêvé. M'introduire ne devrait pas être le plus difficile, en revanche parvenir à tuer la vingtaine de couples qui s'y trouve sans éveiller les soupçons, plus les membres du personnel, ça c'est le véritable défi. Oui, ce sera belle et bien une nuit d'exception, une nuit d'épouvante. Il est enfin temps de la vivre. Le temps de me préparer, et je leur montre alors mon véritable visage, je leur dévoile la vérité, puisqu'il sont incapables de la voir par eux-mêmes.

Monday 9 February 2009

Opus #23

30 décembre, le matin.
(Petit) Article intéressant. Paru dans le Canard de ce matin. Ce cher et tendre journaliste qui manifeste son plus vif intérêt pour mon travail, et ce depuis le début, se demande si je ne fais pas partie des petites gens, « ceux que l'on ne voit pas, ceux qui ramassent les ordures, qui nettoient les cages d'escaliers ou les vitres, ceux qui balayent les rues, qui déchargent les camions le matin. Ceux qui servent au restaurant. Pourquoi n'en serait-il pas, étant donné qu'il reste invisible? Je suis donc allé interviewer le commissaire en charge de l'enquête. Celle-ci piétine depuis plusieurs semaines. M. le commissaire tourne comme un lion en cage. J'ai donc exposé mon point de vue, qu'il a écouté sans sourciller. « Personne ne cherche à créer de psychoses ou de mouvements de panique voire de lynchage de telle ou telle profession, mais c'est bien ce qu'il ressort d'une étude des meilleurs profilers de la police. L'individu ferait bien partie de ce que vous appelez les petites gens. Il commettrait tous ces meurtres dans le but de se venger de la société qui l'a humilié.» Dans le texte. Si tout un chacun peut se permettre d'émettre des hypothèses vérifiables par les meilleurs profilers de la police, alors chacun peut-il se faire commissaire et mener sa propre enquête, voire même arrêter le meurtrier soi-même? À bon entendeur... »
Mis à part cet article, rien de bien folichon dans la presse. Ce matin je me suis levé de bonne humeur, il ne serait donc pas impossible que j'aille m'offrir un petit amusement.

30 décembre, début de soirée.
Rien ne va plus. Tout allait bien jusqu'à ce que le hasard se mêle de ce qui ne le regardait pas. Je revenais par un train de banlieue, je savais déjà que quelque chose clochait lorsque je suis monté dans la rame. J'étais tombé presque littéralement sur un jeune lycéen qui devait faire l'école buissonnière. Je lui ai proposé une barrette de shit, mais je ne voulais pas conclure la transaction en pleine rue. Il a accepté de me suivre dans une ruelle derrière un commerce de proximité. Une petite dizaine de minutes plus tard je ressortais avec un bon kilo de chair fraîche dans un sac isotherme. À l'ancienne, sauf que je n'ai rien consommé sur place. Je suis allé dans un troquet me laver les mains, prendre un ballon de rouge pour ne pas attirer l'attention. Rien ne présageait de la suite. Le voyage s'est déroulé sans encombre, quelques regards de badauds, de petites gens inoffensives qui devaient avoir lu le Canard. Des petites vieilles pour la plupart. Deux types en costume gris. Un petit jeune avec un blouson en cuir et les cheveux en brosse. Un pseudo loubard. C'est sur le quai que les choses ont commencé à tourner au vinaigre. Je descendais au milieu de la foule lorsqu'une main a agrippé mon sac isotherme. Je me suis débattu avec force, mais la main restait accrochée au sac. La foule s'est alors fendue en deux et j'ai vu le petit malin au blouson en cuir. La crispation de son visage a laissé place à l'incrédulité. La surprise aidant, j'ai pu saisir son poignet pour le lui tordre. Il m'a donné un violent coup de pied dans le tibia. J'ai lâché. Il est parti en courant, bousculant plusieurs personnes au passage. Petit con. Un contrôleur est apparu de je ne sais où me demandant si j'allais bien, si rien n'avait été volé. Je lui ai répondu que non. Il m'a demandé si je voulais porter plainte. Je lui ai dit que ça n'en valait pas la peine, qu'il n'y avait là que mes emplettes du marché. C'est à ce moment précis qu'une autre main a agrippé mon épaule, me forçant à me retourner. C'était Cécile. Sans le savoir mais en me doutant, j'avais pris le train qu'elle utilisait, sauf que ce matin je suis revenu de plus loin. Ces foutus pavillons, tous les mêmes, pas moyen de les reconnaître. Je prenais toujours quatre bus différents pour m'assurer de ne pas être suivi, mais au retour je prenais le chemin le plus direct. Toujours est-il que Cécile se tenait devant moi, l'air inquiet. « Tu n'es pas au travail? » La question cingle, le ton encore plus. « Non. » Le contrôleur reste planté là comme un abruti. Je sens qu'il nous observe. « Je ne me sentais pas bien ce matin, j'ai pris ma journée. » « Qu'est-ce qu'il s'est passé? » « Rien de bien grave. Un petit malin a essayé de ma prendre mon sac comme à une petite vieille. » « Il t'a blessé? » « Peut-être un bleu au tibia mais sans plus. » Pourquoi ce connard de contrôleur est encore là? J'ai l'impression qu'il jubile à l'idée d'assister à une scène de ménage. Quelques personnes semblent avoir la même idée en tête. J'entends des murmures. « Tu n'as pas de compte à me rendre, mais tu aurais pu me dire que tu ne travaillais pas. » « Je te rappelle que je n'ai pas le téléphone. » « Tu aurais au moins pu passer me voir. » « C'est vrai mais – on ne pourrait pas aller ailleurs, je ne tiens pas à ce que les gens nous voient nous expliquer. Cela ne les concerne pas. » Nous nous sommes dirigés à l'extérieur, puis dans un café. Elle m'a laissé commander deux cafés. Nous nous sommes assis à une table en retrait. Elle se taisait. J'ai donc entamé les hostilités. « Je sais que tu es en colère après moi, mais nous ne sommes pas mariés et ce n'est pas comme si nous avions quelques années de vie commune derrière nous. Nous avons chacun notre vie et la question ne s'est même pas posée jusqu'à maintenant de savoir s'il fallait ou non partager nos vies. » « Ça je le sais bien. » « Eh bien alors, qu'est-ce qui cloche? » « Je ne sais pas. Juste que je ne te connaissais pas il y a une semaine et qu'à présent je te croise partout. » « Partout...tu n'exagères pas un peu? D'ailleurs, tu ne devrais pas être à l'université? Tu vois? Je n'en fais pas tout un cinéma. » « C'est pas pareil... » Et a commencé dès lors le pire interrogatoire que j'ai eu à subir. Elle reprenait tout à zéro, voulait tout savoir. J'essayais d'être précis pour la satisfaire sans pour autant me compromettre. Les pains de glace dans mon sac commençaient à décongeler. La viande ne tiendrait pas très longtemps, même avec le froid ambiant. La chair humaine est comme cela, il ne faut pas tarder. Je ne sais si elle se doutait de quoi que ce soit. Toujours est-il que nous sommes ressortis du café main dans la main. Nous retournions chez elle. Elle ne s'est aperçue de rien alors que je me débarrassais du sac dans une poubelle de son quartier. Il faudra d'ailleurs que je me renseigne sur les jours de passage des éboueurs. Je viens tout juste de rentrer. J'ai un mauvais pressentiment.

Opus #22

29 décembre, le matin.
Ces deux jours de congé pour reprendre mes esprits ne seront pas de trop. Hier le chef m'a regardé d'un air soupçonneux. M'a demandé la raison pour laquelle je prenais subitement, sans prévenir, deux jours comme ça. Je lui ai demandé si ça gênait tant que cela, il m'a répondu qu'il y avait assez de gars et comme je revenais pour le 31 y'avait pas de souci. C'est dangereux mais il faut que je fasse le point. Que je fasse un choix entre Cécile et mon grand dessein. Entre mon idéal que je peux atteindre et une certaine idée du charnel toute nouvelle pour moi. Si je n'écoutais que mon corps, ou bien à l'opposé si je n'écoutais que ma raison, le choix ne me poserait aucun problème. Il se trouve que le choix est cornélien. Je n'arrive pas à me défaire de ces sensations qui vibrent au creux de mes reins lorsque je pense à Cécile et à nos ébats. Je n'arrive pas à me défaire de son image en train de jouir. De ses seins, de la courbure de ses hanches. De son souffle chaud dans ma nuque. Et pourtant il faut bien que les choses se fassent.

Tuesday 3 February 2009

Opus #21

28 décembre,
Nous nous sommes revus. Nouvel extase. Je lui ai presque brisé les os du bras droit, mais elle aimait cela. Elle m'a même confié, étendue nue sur le canapé, qu'elle n'avait jamais ressenti ça avant. Tout le monde cherchait à l'épargner, sauf moi. Que personne ne lui avait jamais fait ça avant. Le problème c'est que moi non plus je ne ressens plus les choses comme avant. J'ai l'impression de me ramollir depuis que je vois Cécile. De devenir plus humain. Si cela persiste, je vais devoir trouver une solution. La fille d'hier ne m'a pas laissé de souvenir impérissable, pas même un arrière-goût de sang dans la bouche.

28 décembre, fin de soirée.
Voir les gens non pas comme des martyrs, comme un piédestal sur lequel se hisser, comme un assemblage de viscères ou même comme un égal à nous qui vivrait, respirerait, transpirerait, digérerait. Non. Voir les gens comme des êtres capables de souffrir, de supplier même dans une agonie certaine, de changer ou de vouloir changer dans le sillage de la mort. On est forcé d'ouvrir les yeux au seuil de l'existence. Il est certainement douloureux de constater qu'il est trop tard. Une demoiselle m'a demandé une fois, dans un gargouillis de sang: « Plus de temps. » J'ai aussitôt appliqué un point de compression sur sa gorge, mais elle comme moi savions que je ne faisais assurément là que repousser l'échéance. Elle posait son regard alentours. La rue était mal éclairée, déserte. Quelques bruits de moteurs ronronnant dans la nuit. Il faisait froid malgré la saison. Les gens râlaient. Elle ne portait pas d'écharpe. Je n'avais plus eu à hésiter. Ses mains agrippaient mes manches. Elle était parfois secouée de violents hoquets. Elle essayait de déglutir mais sa langue claquait. Sa gorge sonnait creux, la prise d'air gargotait comme un évier. Elle a gardé les yeux ouverts et c'était tout ce que je demandais. Il était trop tard et c'était un beau gâchis. Devoir en arriver à cette extrémité-là pour que les gens réagissent. Un mal nécessaire qui devient un bien formateur pour les autres qui restent en vie. Il faut être violent et garder une perspective cohérente pour bien faire passer son message. Pour rallumer les consciences éteintes. Ouvrir les yeux. Mais capter l'attention de tous est une longue et lourde tâche, qui prend du temps, de l'énergie, qui entame la volonté. Bien au-delà de ça il y a la satisfaction d'avoir ôté les œillères, d'avoir donné un autre sens à la vie. Je ne dirais pas que je suis pétri d'altruisme: je me complais dans le meurtre, j'aime le goût et l'odeur du sang. Un corps mourant exsude tellement de de senteurs enivrantes...les petites piqûres d'aiguilles aux bouts des doigts alors qu'on étrangle, qu'on serre le manche d'un couteau qu'on a patiemment aiguisé chez soi...Le cœur qui bat à côté d'un autre qui s'éteint. Un sang qui bouillonne. Un esprit d'une limpidité, d'une vivacité inégalées. Un être qui se réveille au contact des humeurs, au contact de la mort. Le chef de la police n'avait pas invité – non – il avait enjoint avec véhémence la population à observer la plus grande vigilance. La vigile – voilà ce dont nous avons besoin – « pay attention » écrivait Huxley. Nous n'existons que dans la mesure où nous restons ensemble et que nous sommes vigilants à ce que nous devenons – individuellement et en tant que société. Il faut des égoïstes, des parias, des rejetés et de ceux qui rejettent, mais nous nous dirigeons bien quelque part. Nous devons faire des choix, nous méfier des conventions, des normes, de l'homogénéité. Ceux qui le peuvent ou qui le veulent, être vigilants. Les autres qui volontairement ou non ralentissent par leur passivité le reste du groupe – les faire revenir à la raison. Panurge est mort. Ses moutons restent ici et il faut leur apprendre à ne pas sauter de la falaise – certes en en faisant tomber un puis en exposant son corps démantibulé. Une cause, un effet, une leçon. Il se trouve que je prends grand plaisir à enseigner. Il faut que je mette les choses à plat. Ce soir, après le service je demanderai un congé pour les jours suivants.

Habits

I am a man of habits I got to this conclusion because I flash-realised that I am hoping that someone, someday will see the patterns the rou...