« Allez, venez quoi!
_ Je vous ai déjà dit non avant-hier, hier et aujourd'hui. Je ne changerai pas d'avis.
_ Mais ce n'est que le remariage d'un collaborateur. Il y aura beaucoup de monde. Vous ne serez pas seule avec moi, si c'est ça qui vous inquiète.
_ Vous avez plutôt peur d'y aller seul et de passer pour un beauf parce que vous êtes seul à trente ans passés?
_ Vous êtes dure avec moi.
_ Ou alors avez-vous peur de vous faire draguer par une quinquagénaire divorcée trois fois?
_ Je sais me débrouiller seul. Je n'ai peur de rien de ce qui se passera lors de cette fête. Vous, au contraire, vous semblez sur la défensive.
_ Mais vous n'avez de cesse de me harceler!
_ Mais c'est parce que vous vous obstinez à ne rien vouloir partager avec moi! Je me répète: ce n'est qu'une simple cérémonie à la mairie et une fête dans une salle en campagne – et en plus Michel, mon collaborateur, se remarie avec son ex-femme. Pas de flonflons, pas de fanfreluches. Sa famille, ses proches.
_ Je ne suis ni l'un ni l'autre.
_ Même si je vous promets de bons moments de blagues grasses et de chansons paillardes? Il se pourrait même que nous ayons matière à cancaner.
_ Ne me prenez pas par les sentiments. Pourquoi tenez-vous tant à ce que nous partagions quoi que ce soit?
_ Mais vous m'êtes sympathique, voilà tout! J'aime bien les conversations que nous avons eu. Vous êtes intelligente, cultivée, drôle parfois. Mais vous êtes un vrai roc. Rien ne vous atteint.
_ Écoutez-moi bien, parce que je ne vais le dire qu'une fois: j'aime moi aussi discuter avec vous, il est vrai. Mais vous semblez vouloir faire déborder notre relation professionnelle de son cadre. Je suis contente que vous me trouviez intelligente, cultivée etc, mais je ne m'en sens pas flattée.
_ Je suis sûr que vous êtes plus gentille avec les autres personnes dont vous avez la charge qu'avec moi. Vous êtes cinglante.
_ Je ne me suis jamais posé la question. Je ne sais pas. Toujours est-il que vous commencez à avoir des sentiments pour moi et ça, ce n'est pas possible.
_ Je vais vous demander de partir, Cécile. Vous voulez garder vos distances, soit. Vous avez vos raisons et je suppose qu'elles sont aussi bonnes les unes que les autres.
_ Ne le –
_ Je respecte vos choix, au vu de votre détermination. À présent, c'est votre employeur qui s'adresse à vous. Vous avez fini d'ouvrir les bouteilles de Beaujolais et j'ai de quoi manger pour la semaine. Merci. Vous remercierez votre mère de ma part pour le risotto et pour l'idée de la salade de légumes d'été. Je n'ai pas regardé le calendrier, donc je ne sais pas quand vous êtes censée revenir. À la prochaine fois, donc. »
Sans un mot, elle prit son manteau. Il l'accompagna jusqu'à la porte.
« Je dois moi aussi me préserver. » Elle ne semblait ni en colère, ni vexée. Pour la première fois, elle semblait soucieuse. Peut-être même triste. Ça c'est toi qui veut la voir triste, dit la petite voix. Peut-être. Toujours est-il qu'il n'espérait plus rien d'autre. Elle ne lui jeta aucun regard, pas même de dédain, en sortant.
Mieux valait passer à autre chose. Peut-être rencontrerait-il quelqu'un, finalement, à ce remariage.
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