Sunday 10 January 2010

Manuel quotidien de résistance acharnée à l'usage de tous ceux qui luttent parfois contre eux-mêmes, #21


« Que se passe-t-il? Michel m'a dit que vous étiez rentré? Vous ne vous ne sentez pas bien?
_ Mon bras me fait mal. J'ai mal, Cécile.
_ Vous n'avez plus votre bras. Rappelez-vous, vous l'avez perdu il y a plus d'un an. Vous avez eu un accident.
_ Mon bras......je vous dis que j'ai mal au bras...mais regardez! Faîtes quelque chose bon sang!
_ Vous êtes brûlant. Je vais appeler le SAMU. »



« Il délire complètement. Il n'arrête pas de dire qu'il a mal au bras alors qu'il ne l'a plus depuis plus d'un an.
_ A-t-il été malade récemment? » Le médecin urgentiste va vite, observe méthodiquement.
« Pas que je sache, non. Il ne prend pas de médicament non plus.
_ Vous êtes sa femme? Pas d'anti-dépresseurs?
_ Mon bras...!
_ Son aide ménagère. Non. Je n'ai jamais retrouvé d'ordonnance non plus. Vous pensez à une fièvre?
_ Due à quoi? Vous semblez dire que rien n'explique ce délire. Prend son pouls. » Son jeune collègue s'exécute. Elle a l'impression qu'il la juge, la teste. Il griffonne sur son calepin. Impression de déjà-vu.
« Aaaargh! » Elle le regarde souffrir. Alors elle se lance.
« Ce n'est pas une nosocomiale. Pas une grippe non plus. C'est peut-être un érythème actinique, regardez son visage et son avant-bras. Ou une hyperthermie.
_ Un coup de soleil? C'est peut-être dû au fait qu'il a du mal à respirer. Il a vomi?
_ J'en peux plus! Tranchez-moi le bras!
_ Je pense oui, mais pas depuis que je suis arrivée.
_ Comment pouvez-vous l'affirmer donc?
_ Le gant de toilette sentait le vomi.
_ On va vérifier sa température pour l'insolation. Vous êtes médecin ou quoi? » Elle préfère ne pas répondre, détourne le regard. « Bon, c'est pas grave. On va l'emmener, au cas où il y aurait autre chose. Ils le mettront en observation un peu. Vous connaissez sans aucun doute le chemin de l'hôpital. Allez, on le brancarde. » Oui, elle connaît le chemin, et elle t'emmerde, accessoirement.


Elle décommandera, en route derrière l'ambulance, ses rendez-vous, demandera à une collègue de la remplacer pour cette après-midi – elle lui renverra l'ascenseur, promis – appellera Michel pour lui dire de venir. Michel qui lui confirmera qu'il est allé déjeuner un sandwich dans un parc et qu'il s'est endormi en plein soleil. Et tout le long de cette route où il n'y a que des péquenauds qui n'avancent pas, elle espérera – sans aller jusqu'à prier, parce qu'elle ne fait plus ça depuis longtemps, mais ça y ressemblera étrangement – que dans son délire, il ne se souviendra d'aucune bribe de cette conversation.

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