Thursday 14 January 2010

Manuel quotidien de résistance acharnée à l'usage de tous ceux qui luttent parfois contre eux-mêmes #23


« Non, s'il-te-plaît...arrête...
_ Quoi, je te dégoûte?
_ Tu sais bien que c'est pas ça...on n'est plus ensemble et il y a de bonnes raisons à ça.
_ Et ça nous empêche de nous amuser?
_ Je ne te reconnais pas. Tu as tellement changé.
_ J'ai un bras en moins. Tu avais remarqué?
_ S'il-te-plaît...ça me peine beaucoup que tu réagisses comme ça. » Ça y est, elle s'est fermée comme une huître. Tu es content? Et pour une fois je n'ai rien dit. Toi, ta gueule. Comment rattraper le coup?
« Tu n'as donc plus aucun sentiment pour moi? Je suis devenu un étranger?
_ Non! Je t'aime bien et tu le sais. Tu as beaucoup de qualités...mais les défauts que tu as empêchent que nous formions un couple uni. Ça ne marchera pas, quoi que nous fassions.
_ C'est quoi alors, ces défauts qui nous pourrissent l'existence?
_ Je n'ai absolument aucune envie d'avoir cette discussion. Le restaurant était très sympa, se revoir était très sympa. Revoir l'appart aussi. Mais ça s'arrête là. Chacun à sa place. »
Belle ironie. Il a envie de pleurer et de la frapper. Est-ce qu'il pourrait l'étrangler avec une seule main? Bien énervé, oui. Mais il la trouve pitoyable à tenter désespérément de lutter contre son apitoiement. Elle ne veut pas se rabaisser à lui faire plaisir, à s'occuper de lui, à lui montrer les sentiments qu'il est persuadé sentir encore chez elle. Elle a soigneusement évité, tout au long de la soirée, de regarder le vide sous son épaule droite. Elle doit juste s'adapter, oui, c'est ça. Ce n'est pas comme s'il était le même homme. Il faut un temps pour qu'elle s'habitue. Mais elle l'aime, et il ne peut en démordre. Tout pointe en ce sens.
« Et cette aide ménagère, Cécile, comment est-elle?
_ Je n'ai pas envie de parler d'elle. C'est une fouineuse qui fait son boulot correctement et c'est bien là le souci. Je vais quand même essayer de la faire remplacer.
_ Mais pourquoi, si elle est efficace. Tu n'aimes plus les gens efficaces?
_ Rien à voir.
_ Je te connais depuis un moment, et tu ne me feras pas croire qu'il n'y a rien là-dessous. Tu as le béguin pour elle?
_ Ne dis pas n'importe quoi. C'est une aide ménagère. Si ça se trouve, la pauvrette n'a même pas un diplôme en poche. Elle doit faire ça pour arrondir ses fins de mois ou parce qu'elle a un enfant à charge et que le père est parti. Ou peut-être qu'elle a un faible pour les handicapés.
_ Comment peux-tu dire des choses pareilles? Elle qui a l'air si douce.
_ Hein? Qu'est-ce que tu viens de dire?
_ Rien.
_ Si si si, j'ai bien entendu. Elle qui a l'air si douce. Comment tu saurais ça si tu l'avais pas vue? Toi, tu es venue mettre ton nez dans mes affaires, comme c'est fait là.
_ Je m'inquiétais pour toi! Je n'ai pas osé venir après ton accident et je me sentais coupable, alors un jour je suis venue pensant te trouver et, et, et tu n'étais pas là – et Cécile m'a ouvert –
_ Pas la peine de chialer pour me dire ça. Vous êtes bien toutes les mêmes, pas une pour rattraper l'autre. De vrais comploteuses.
_ On a bu un café! Mais arrête de te sentir persécuté! »
Calme-toi. Ne dis rien. Ça veut dire que si elle est venue, elle a encore des sentiments pour toi. Tout n'est pas perdu. Il faut la jouer fine. Laisse couler. Essaie de dire que tu es désolé, que tu as encore des problèmes à accepter la perte de ton bras. Prends ton air de chien battu mais pas trop, tu sais bien faire. Dis-lui qu'il te faut du temps. Que tu comprends qu'il lui faut du temps pour elle aussi. Si avec ça elle mord pas à l'hameçon, tu pourras toujours aller pointer sur Meetic.fr.
« Je suis désolé, Hélène. Tu sais, j'ai encore des problèmes à accepter ce qui m'est arrivé. Il me faut du temps. Il nous faut du temps pour repartir sur des bases plus saines.
_ Mais ce que tu ne comprends pas, c'est qu'on pourra redevenir amis, mais que nous ne retournerons jamais ensemble, jamais. Tu me dégoûtes. Il y a des choses en toi qui ne changeront jamais. Tu ne mérites pas Cécile. Il vaudrait mieux qu'elle parte. »
Même flash dans les pupilles, même bruits de talons et de porte qui claquent. Même impuissance à l'arrêter. Certaines choses ne changent pas, on dirait.

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