Aujourd'hui, il n'était ni en avance, ni en retard. Il ne fit ni ses ablutions, ni un geste envers celle qui ne partageait pas que sa couche. Il ne vit pas les parures vermillons de l'horizon, ni ce disque rougeoyant qui se dévoilait minute après minute; pourtant, il ne se pressa pas. Il ne prêta aucune attention au vol d'oies sauvages qui coupa un ciel sans nuages. Il ne conduisit ni prudemment, ni imprudemment. Il ne se gara pas à sa place habituelle. Il ne dit mot à ses deux collègues qui ne s'y feraient jamais. Il ne parla point et pourtant il ne fit pas que son travail ce matin-là. Les yeux absents, dans le vague d'un rapport parfois, il ne se déconcentra pas, ni n'arriva à se connecter à ce qu'il faisait.
Aujourd'hui, il ne remarqua pas la demoiselle qui papillonna des paupières en lui tendant son ticket de caisse, n'espérant pas qu'un regard, qu'un sourire, qu'un au-revoir appuyé, reconnaissant. Il ne se dépêcha en rien. Il ne dégusta pas son sandwich bio, ni même sa salade de fruits d'été bio. Il n'arriva pas à satiété. L'eau qu'il but ne le désaltéra pas. Il ne téléphona pas à son amie, ni ne décrocha lorsqu'elle ne put faire autrement que de l'appeler. Il ne resta pas au bureau pour déjeuner.
Aujourd'hui n'était pas un autre jour, n'était pas un jour dans les règles de l'art. Il ne semblait plus y avoir de règles d'ailleurs. Il n'était ni maussade ni enjoué. Il n'avait goût à rien mais ne détestait pas son métier, bien au contraire. Il n'avait pas l'impression qu'aujourd'hui était un jour sans. Il ne s'emporta pas contre Michel qui ne le lui fit pas remarquer, mais ce dernier ne se priva pas d'en toucher deux mots à son martyr de collègue. Rien n'était une bonne ou une mauvaise nouvelle. Rien ne lui était égal. Il n'avait aucune patience mais rien ne l'énervait.
Aujourd'hui, il n'avait pas que la gueule de bois. Il n'y avait pas qu'un vide dans sa poitrine. Il n'y avait pas qu'une attente sourde, souterraine, sournoise. Pas d'autre choix que d'avancer, que de marcher vers demain. La lassitude n'était pas la seule à le malmener et il ne savait que faire de ses deux bras.
Aujourd'hui, il n'était pas prêt à affronter le monde dans cet état-là. Il lui manquait quelque chose, ou bien , il ne se l'avouait pas totalement, il avait quelque chose de trop.
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