Thursday 17 December 2009

L'ennui


Il y a des petits tas de poussières disséminés ça et là – pour le néophyte à même le hasard – pour l'expert à des endroits stratégiques – qui devraient lui mettre la puce à l'oreille. Au lieu de cela, il marche dessus, les piétine, donne du pied dedans. Il passe le balai lorsqu'il y en a trop. Il y a aussi des craquements, mais dans les vieilles maisons, cela est normal, attendu, presque volontaire.
Et toujours il admire les poutres, les murs, puis retourne à son ennui quotidien, à ses soupirs journaliers. Le creux dans son canapé. Sa sempiternelle routine.
Et toujours il fait ce qu'il doit faire, ce qu'il dit de faire, ce qu'on lui demande de faire. Jamais ce qu'il rêve de faire, c'est impossible.
Et toujours il soupire, ramasse, ne ramasse pas, les petits tas de poussière.
Et toujours les jours longs comme des jours sans pain, où les heures passent comme des jours, où la petite aiguille semble figée, stoppée net par une main facétieuse ou rébarbative, hors du temps. Même les gouttelettes de pluie glissent lentement, quasiment sans fin, sur le carreau. Comme si, animées du désir d'éveiller le désir, elles se faisaient attendre, s'arrêtant même, s'accolant les unes aux autres, défiant la gravité comme en suspension dans l'air, pour ne continuer leur chemin que quelques instants plus tard. Pour recommencer cette rengaine, encore et encore. Et, sur la fin, pour se précipiter vers le bord en bois et y disparaître, se cacher une fois leur méfait commis – le méfait consistant à faire perdre du temps au contemplateur par un hypnotique dédale.
Et toujours le bras se fait lourd, la paupière aussi, puis la tête dont le front vient à se reposer sur la fenêtre. Le bâillement se fait plus fréquent, plus intense, invite à la méditation post-prandiale, au repos, deux ou trois par jour.
Et toujours les petits tas s'accumulent; et la nuit la veille ou le jour le sommeil n'aident en rien à ouvrir les yeux, à écouter le bruissement régulier de la vie – et les craquements qui résonnent comme de sinistres cloches d'église.
Et un jour l'ennui, non content d'avoir happé ce pauvre hère, se saisit même des poutres, même des murs, grignotés comme par des termites à l'appétit gargantuesque, et abat de ses griffes acérées et puissantes – avec cette qualité quasi magnétique – l'édifice, construit pourtant avec patience, sur la tête du malheureux dormeur qui, du coup, du jour au lendemain, en vient à mourir d'ennui.

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