Sunday, 19 September 2010

Les choses de la vie

Le voici à présent sorti, armé de ses ciseaux en plastique bleu, me couper des rayons de soleil pour que je les ramène chez moi. Ce qu'il ne sait pas, c'est que ces rayons de soleil-là, une fois coupés et mis au fond de ma poche, je les emmènerais partout avec moi, si ce n'est que pour me souvenir de ce jour-ci, semblable à aucun autre mais ordinaire, mais pour bien d'autres choses encore.

Elle, elle me regarde, me fixe. Semble transpercer ma tête et voir au-delà. Je ne sais pas ce qui lui passe par l'esprit, mais elle sourit. Que voit-elle lorsqu'elle me regarde? Me reconnaît-elle comme l'un des siens? Toujours est-il que moi oui, alors qu'au mitan de la nuit, dans la maison à peine éveillée par ses gémissements, nous nous sommes retrouvés face à face, elle dans mes bras, sa tête posée contre ma poitrine, calmant ses sanglots comme nous le pouvions, démunis de ne point trouver de mère à cet endroit, et que son odeur est remontée de sa chevelure ébouriffée jusqu'à moi, et que j'ai reconnue comme la mienne.

Il passe devant moi en pédalant comme un dératé, assisté dans son tangage par deux petites roues usées jusqu'à la corde. Il enfonce la tête dans le creux de ses épaules pour gagner de la vitesse. Il me crie de regarder, ce que je fais déjà. Tout comme lorsque nous admirons les nouveaux poissons dans l'aquarium, il me montre de son index tendu ce tétraodon cutcutia et m'ordonne, à la façon décomplexée des enfants, de regarder. Je le regarde déjà et dans ce mouvement précipité et ce nez collé à la paroi de verre, une odeur me saisit : la mienne.

Et je sais que je pourrais me retrouver quarante mille ans en arrière, au seuil d'une caverne, à humer l'air pour y sentir l'effluve d'un des miens dans le vent d'est, là où il ne faut pas aller. J'admets le côté primaire, homo neanderthalensis de la chose, mais je sais, en embrassant mon neveu et ma nièce et que je sens leur odeur, si proche de la mienne que cela en est troublant, que nous sommes liés, par le sang, par l'odeur de notre peau, par l'appartenance tacite à une tribu, à une famille – que nous sommes, oui, eux sans a priori ni contrainte, moi par choix et par conviction, une famille, et que cela vaut tout l'or du monde.

3 comments:

  1. Toi qui aimes tant la beauté... tu sembles en avoir touché l'essence...

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