Des enfants entament des fouilles
Au pied du rivage ;
Y trouveront-ils un compas rouillé,
La hune desséchée par le sel
D’un galion par la mer recrachée
Il y a quelques longtemps déjà.
Dans l’imbroglio du fracas des vagues,
Des cris stridents montants jusqu’au ciel,
Des vents ballotants les chevrons blancs,
Une étoffe d’artimon sans doute
Mise à jour dans le sable gras
Et ce soleil surplombant les parasols
Et les vagues inlassables s’échouant.
Certaines mains cherchent la fraîcheur
Du sable frais et crissant ;
D’autres plus fébriles creusent, pellettent,
Charrient coquillages brisées, algues cassantes,
Oxydations attirant l’attention
Puis un pleur
Que l’on ne reconnaît pas mais qui ramène
A la réalité de creuser plus profond,
Plus loin, d’explorer les entrailles du passé.
L’après-midi devra bien toucher à sa fin.
Carène, proue, misaine : tout sera découvert.
Sur la grand-vergue un squelette de nautile
Cramponné encore dans son geste de désespoir.
On cure les ongles des grains insidieux
Et la chasse reprend dans la chaleur hostile.
Une perle, un bijou, une monnaie battue
Par les tempêtes et les Gamas –
On ne rejette que le sable, le sable, le sable
Et l’étuve continue sans grand changement,
Autre que l’orbe blanchissant les nues.
Le cœur battant de découvertes
Qui n’arrivent pas, pas encore.
Bientôt la chaleur n’arrive plus au fond du trou
Et les frissons se partagent :
Le pressentiment du trésor
Et l’engourdissement des doigts.
Les enfants jouent avec leurs pelles et leurs seaux.
Il fait bon vivre à l’ombre de la tonnelle
Et l’eau mentholée fraîche et sucrée
Et un roman fermé ayant la capacité d’être lu.
Dans l’ombre tiède rien ne bouge.
Le vent de-ci de-là effleure les coins de serviettes
Et modèle des dunes de fourmis.
Rafales de sable à l’échelle un millième.
Ils s’imaginent que les passants s’intéressent
Un peu trop à leurs cailloux, leurs cordes élimées,
Les fragments de coques –
Lentement le bruit est retombé,
Les vagues ont chevauché l’horizon,
Les ciels se sont rosis, le froid insinué.
On finira par porter une petite laine.
Les enfants un à un seront rappelés.
On pourra humer les grands pins noirs.
Il ne finira par rester qu’un seul parasol.
Et une grande fosse béante.
Les traces de pas indiquent la grande ferveur
Qu’a suscité la fouille. Il y a eu découverte.
Pelles et seaux remplis de conques, d’astrolabes,
De cauris, de yatagans et d’armillaires.
Brisés ou non, rouillés ou non,
Ces objets racontent tous une histoire.
Jonchant le sol des cadavres d’épaves
Et, parfois, dans la bataille des estimations,
Une rareté qui finira ensevelie de nouveau.
Un squelette de nautile prit pour un banal coquillage.
Les rires d’enfants comme en écho
Sur la plage où seules les traces de pas
Font preuve de l’existence du lieu.
Il faudra plier bagage, ranger le livre,
Plier la serviette et le parasol, prendre la bouteille.
Il y aura comme un vent triste
Soufflant sur les dunes,
Un sentiment de frustration
A ne pas avoir prêté plus attention
Aux exagérations qui eurent lieu sur place.
Il a manqué quelque chose, encore.
Il faudra frotter les derniers grains de sable,
Ceux qui restent collés de sieste sur les joues,
Sur les mollets. On regardera le lointain bleu et rose.
On soupirera. Par curiosité on inspectera
Cette fameuse cavité qui a attiré maints regards,
Maintes interpellations.
Du bout de l’orteil on pourra déceler un de ces objets,
A-demi ensablé déjà, puis, en se penchant,
La peau tiraillée et grésillante
Gorgée de lumière et rougie,
Ramasser l’étrangeté marbrée.
On repensera à ces après-midi de clarté
Et de clameurs et de bruissements qui réconfortent.
A la tiédeur molle des eaux,
Au chatouillement du monde inconnu
Sous les vagues : crabes, algues, poissons, vers.
Et pourquoi pas autre chose.
On pourra repenser à tous ces corps
Qui enfin se libèrent des étoffes étouffantes.
Un sourire aux coins des yeux
On se rappellera un visage, des jambes,
Un maillot qu’un malin hasard mit de guingois.
Puis les lèvres retrouveront leur mise triste.
Pour se consoler on dévisagera le bibelot,
Sous toutes les spirales, puis
Un moment de lassitude mal interprété,
On fera ce qu’on a déjà fait, il y a trop longtemps déjà.
Il faudra apposer son oreille
Sur la bouche du nautile
Pour entendre le silence d’église
Résonner dans toutes les loges,
Ce silence particulier, rémanence,
Acouphène maritime
Ce silence qui se fit entendre
Au tréfonds de l’excavation –
Les Magellans de la plage de saint-Michel
L’entendirent et comprirent qu’ils devraient
L’oublier.
R.B. Dorceau 18/02/07 après-midi
Sensations, parfums, images rêvées, vécues même, se bousculent !!!
ReplyDeleteJ'illustrerai ton texte, si tu le veux bien... Dans un temps indéterminé, trop de choses à faire ! ^^
Pas de problème, prends ton temps ma Chab
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