Thursday 18 July 2013

Les autres



L'autre soir, le regard perdu dans les étoiles,
Par une de ces nuits où l'obscurité dévoile,
Je me suis fait la réflexion
que j'étais au bout du rouleau.
Plus de surprise, plus d'action,
plus même le goût du boulot.
Plus d'amis ou de sourires, plus de fêtes.
Parfois, autant que tout s'arrête.
On ne veut plus de nouvelles,
même pas savoir ce qui advient d'elle.
Celle-ci est-elle enceinte ?
Celui-ci est-il heureux ?
Pour être honnête,
je m'en fous un peu.

Exilé là depuis si longtemps
comme un lièvre empharé en terre païenne,
j'ai si bien chu en-deçà de la moyenne
qu'il m'arrive de prendre un remontant –
ainsi je ne pense plus,
je n'existe plus
et mes problèmes non plus.

Hier, il a plu.
Je me rends souvent soudain compte
que j'ai passé plusieurs heures
devant la fenêtre, en sueur
surtout par cette chaleur de fonte,
à regarder les gens passer et repasser,
les nuages danser devant le soleil,
et comme si je sortais d'un profond sommeil
parce qu'un corbeau vient de coasser,
je fais le compte des heures concassées
un sourire en coin d'avoir tué tant de veille.

Le peu des autres qu'il reste dans ma vie,
à un comptage manuel je l'ai réduit :
la vieille dame du deuxième, celle dont le chien,
trop pressé ou trop content d'arriver au trottoir,
laisse comme le petit Poucet sur son chemin
des petits jets de pisse sur les murs du couloir ;
puis vient le couple du premier gradin,
ceux qui ont depuis longtemps perdu espoir :
Ils ne font plus l'amour (les murs sont fins)
et s'engueulent du matin jusqu'au soir,
même au téléphone lorsqu'un est au turbin.
Les deux voisins de palier en haut du perchoir,
ceux qui se retrouvent au PMU du coin
pour boire leur ballon de mauvais vin
et finir soûls comme des cosaques, si noirs
qu'ils enchaînent l'un après l'autre les gadins,
viennent achever ce tableau titré « l'Assommoir ».

Alors comment, vous en conviendrez,
faire pour ne pas tous les encadrer ?
J'ai depuis longtemps pris le parti
d'adopter la philosophie de Bouddha :
du moment qu'ils restent tous lambdas
il n'y a aucun risque de psychopathie.
Les autres, un jour, je les verrai de plus près
je le sais, mais ce sera un coup du hasard,
qui facétieusement l'aura bien fait exprès :
j'espère seulement qu'il sera trop tard
et que tous ces humains fadasses, ou à peu près,
auront trouvé leur place au chaud dans le Tartare.

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