nous ne sommes qu'un tas
de pierres brisées
on nous fait avancer dans
la nuit, pieds et poings liés,
les étoiles comme une
cascade de tessons de verre
et les orbites noires des
fusils nous fixent
avides du moindre
faux-pas, gueules de fer,
éclatants tonnerres dans
la sorgue d'onyx
le mal s'élance des reins
jusque dans nos jambes
et beaucoup ont courbé
l'échine si bas qu'ils trébuchent
aucun ne doit tomber car
on nous abat comme des bûches
et on nous laisse traîner
à même le chemin, sans tombe
ni dernier regard ni même
un mot sur un morceau de roche
pour indiquer qui fut
fauché-là sans même un son de cloche
alors on avance dans des
bruits de chaînes
qu'on finit par ne plus
entendre
et l'empyrée à notre
passage déchaîne
comme un volcan son nuage
de cendres
des millions de braises
incandescentes
alors on poursuit notre
marche harassante
les yeux rivés sur les
pierres de la sente
ou sur la ligne d'horizon
cyanescente
on n'a que faire de la
beauté en pareil cas
le destin nous paraît
pour le moins indélicat
de nous donner à voir
spectacle si beau
alors que nos chemises en
lambeaux
laissent engouffrer une
brise pénible
qui nous fait frissonner
tout entier
alors que le soudard
irascible
beugle comme un charretier
jure devant dieu qu'il va
tous nous tuer
si nous n'accélérons pas
le pas
et dans l'aurore à peine
née
la foudre sur mon voisin
s'abat
le reître vient de tuer
mon compagnon
mon maître que je
rattrape par ses haillons
mais je n'ai pas la force
de lutter contre le mercenaire
qui me fait lâcher prise
et qui d'un coup de crosse
me remet dans la ligne qui
jamais ne revient en arrière
le jour se lève et éteint
doucement le cosmos
les limbes de cette nuit
longue et belle et atroce
s'accrochent à nos poings
et nos pieds de pierre
cette nuit à jamais
constellée de tessons d'univers
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