Venezia, le 11 août 2010,
Venise...je pourrais en parler des heures entières.. La grande et belle, la Serenissima. Difficile de décrire, impossible d'oublier. Arrivé en fin de journée, j'ai eu le loisir de la visiter, quelques heures durant, jusqu'à la tombée du jour, de flâner parmi les canaux, la plupart des édifices, religieux ou muséaux, étant fermé. Ce fut heureux. Jamais je n'ai ressenti autant de bien-être que dans cette ville qui sent l'eau, qui est de l'eau jusque dans ses plus intimes fondations. Je sais que ce que j'écris relève de la plus plate Lapalissade, mais même La Palice n'en est pas l'inventeur. (« Hélas, La Palice est mort, / Est mort devant Pavie ; / Hélas, s’il n’était pas mort, / Il ferait encore envie. » Tout le monde s'est fourvoyé, prenant pour un S un F stylisé de l'époque...Ainsi, nous savons tous que Venise fut construite sur une lagune, sur des pieux de chêne. Les changements climatiques, avec pour notable conséquence la montée du niveau des eaux, ont un impact visible ici, transformant cette magnifique Piazza San Marco en piscine municipale.
Mais l'eau, cet élément si cher à mon cœur, est omniprésente, on sent même son odeur dans la pierre du Palais Ducal (ou Palais des Doges, comme vous voulez). Le sol dans certains lieux – du palais d'ailleurs, mais de certaines églises, de fondamente, de rii et de campi, notamment dans les quartiers San Marco, Accademia San Marco et Cannaregio – est meuble, des pierres se déchaussent, on sent la poussée de l'eau faire travailler la pierre dans son fondement. L'eau, j'en ai trouvé jusque dans la crypte de la chiesa di San Barnaba. Les fontaines la font couler en permanence, il sen coulent des toitures dans les canaux, ce qui donnent une musique continue et à laquelle l'oreille se fait un temps, mais pour mieux chanter lorsque le silence se fait – et il s'est fait, car j'ai eu la chance de pouvoir échapper au flot de touristes, énorme surtout Piazza San Marco – par de petites ruelles qui m'ont amené loin dans la ville, et seul. J'ai rencontré un facteur, près de la Punta della Dogana. Nous avons bavardé un peu, dans un mélange d'italien et de français, et il me donnait ses impressions sur l'île, sur les gens, la situation économique, l'histoire. L'endroit était magique, l'homme intéressant, drôle. Nous aurions pu rester bavarder un bon moment, mais il avait des lettres à délivrer, et moi une cité à explorer.
Je n'ai malheureusement pas pu tout faire, mais au fil de mes pérégrinations, j'ai pu me perdre dans Venise, voir ses arrières-cours, ces venelles aboutissant sur un canal ou dans un de ces patios dont elle seule a le secret. Beaucoup de ses églises sont ouvertes à des heures différentes, ou fermées, ou en rénovation, ou tout simplement fermées au public, ou payantes, ce qui rend leur visite difficile, mais même la plus simple d'entre elle se révèle être un véritable joyau. Une de mes préférées – je sais être persévérant, me coucher tard et me lever à cinq heures trente pour pouvoir les admirer – reste une petite église, San Bartolomeo si je me souviens bien. Une autre chose est qu'on ne peut que rarement prendre de photographies dans les édifices religieux. Reste le plaisir de l'œil et la mémoire qui imprime jusqu'aux stucs dorés, aux mouvements parfois des personnages qui peuplent les plafonds, les coupoles, les nefs. Ce qui fait que je n'ai rien d'autre à vous proposer que mes souvenirs pour vous décrire cette chiesa. Et pour faire court, je me souviendrais de la sérénité de l'endroit, de ces deux personnes, très gentilles, qui préparaient les missels pour la messe de sept heures et murmurant entre elles, de ces bancs de bois usés, creusés par les siècles de dévotion, le soleil filtrant par de hautes fenêtres, de ces sculptures raffinées mais sans luxe ostentatoire. A vous d'y aller, à présent, vous souvenir du reste.
Je n'ai pas fait beaucoup de visites, vu que mon budget est plutôt limité, mais j'ai quand même fait le Palais des Doges. Vous en prenez vraiment plein la vue – là encore pas de photos, et les vigiles y veillent au grain – et vous finissez pas il Ponte dei Sospiri – et là, après tout cela, vous soupirez à votre tour. Au fait, j'ai versé ma petite larme sur la Piazza San Marco. Vraiment à couper le souffle. Il y avait vraiment beaucoup de monde, vers dix-neuf heures, mais exactement douze heures plus tard, la place était vide. J'adore cet endroit. On peut sentir les siècles qui ont passé et laissé des marques, évidentes ou pas, on peut sentir que l'homme a voulu faire ici quelque chose de beau, de durable – certes contre nature, disait mon grand ami Chateaubriand – mais la prouesse est là – et il n'y a pas assez de mots pour vous la décrire. C'est à vous de venir admirer cette beauté, de la sentir vibrer sous vos pieds, de sentir l'odeur musquée de l'eau, de la voir émerveiller autant de gens, lorsque vous passez sous les arcades et que la place s'offre à vous en un instant, et les « oh » et les « ah » fusent, et les bouches bées deviennent des sourires.
Du coup, je me fiche pas mal d'avoir à faire seize kilomètres aller-retour à vélo, du camping qui n'est pas si mal, même bien, d'avoir à traverser ce pont qui n'en finit pas, rain or shine. Venise vaut vraiment qu'on s'y attarde, et je sais que j'y retournerais, avec un budget conséquent, et pourquoi pas pendant le carnaval éponyme. Qui aime Venise me suive.
Je réserve le reste de mes remarques vénitiennes pour un écrit futur (l'écriture de mon journal de voyage serait une bonne occasion) ou lors d'un visionnage de photos avec vous, car il est vrai que je ne vous ai même pas parlé de la route, superbe, dans cette partie du monde. Je ferai peut-être un album de ces photos, tiens.
Demain, Vaduz, Liechtenstein, pays au PIB le plus élevé du monde, selon le CIA World Factbook.
From Europe, with love.
Et ceux qui adorent, doivent-ils te précéder ?...
ReplyDelete