Wednesday, 4 August 2010

From Europe With Love - Prague


Prague, la grande et belle Prague! J'y suis, enfin! Des années que j'attendais ça!
Mais ne précipitons pas les choses. Je veux revenir un peu en arrière. Disons que Berlin m'avait laissé un arrière-goût de « pas fun », même si culturellement c'est une ville géniale, alors j'ai décidé d'y associer un goût bien, bien fun. J'ai donc testé la fameuse currywurst. Oyez! Que ceux qui ont les boyaux des intestins fragiles passent leur chemin, ce que Tatie Herta nous a concocté là n'est pas pour les fillettes ou les mous du slip. Moi qui voulais du goût, j'ai été servi. Tellement que j'en ai mangé toute la soirée, et une partie de la nuit. La digestion de cet engin de mort s'est achevée vers 18h45, heure locale praguoise. Près de vingt heures à tourner et retourner entre l'estomac et le gros intestin, ou l'intestin grêle. Un peu comme une rumination, si vous me suivez. Si vous voulez plus de détails, n'hésitez pas à me le faire savoir.
Dans un tout autre registre, j'ai complètement oublié de vous parler de la rétrospective de Frida Kahlo à Berlin (jusqu'au 9 août, dépêchez-vous), que je n'ai pas pu faire, car les trois fois où je suis passé devant, il y avait vraiment une file d'attente trop longue. Pas cool!
Bref. Pour revenir à des choses beaucoup plus pragmatiques, je me suis levé à 5h30 hier matin pour entamer ce qui allait s'avérer un petit chemin de croix. Pas de GPS en République tchèque, une carte au 1/3000000 et une boussole. Ledit GPS m'a amené jusqu'à la frontière, et c'est justement là que les ennuis ont commencé. Il y avait des travaux, et encore plus de travaux, et toujours plus de travaux et je me suis retrouvé, passé Dresden, vraiment dans la sauërkraüt mit bröchen. J'ai pu visiter l'arrière-contrée tchèque, avec de très beaux paysages, des vallons verdoyants, les animaux de la forêt folâtrant gaiement dans les plaines herbues.
J'ai finalement atterri à Prague city, après un temps indéterminé mais, selon Einstein, tout ça c'est de la relativité, pas du tout là où j'escomptais arriver. Adieu donc le camping parce qu'introuvable désormais. C'est donc la currywurst au ventre que j'ai affronté le trafic dans des avenues très larges, des rues pas très grandes, souvent à sens unique, bondées, traversées par des trams sans pitié, et des centaines de tchèques qui savent où ils vont, et veulent y arriver à l'heure. Je me suis arrêté pas mal de fois, pour finalement me garer dans la rue la plus près du centre. De là, j'ai décidé de tout envoyer paître, et de profiter de la ville, tant pis si je devais dormir dans la voiture.
Je me suis donc vengé et ai fait beaucoup de photos. Car depuis le temps que je voulais me la faire, la ville aux cent clochers, j'étais un peu sur les dents. Donc passée l'excitation de magnifiques façades, de rues comme des œuvres d'art, de châteaux superbes, d'églises grandioses, de rues pavées, de minuscules détails (là je me régale, j'adore remarquer le petit truc qui fait le charme de telle maison, de tel immeuble), passée la frénésie de tout voir, de passer le pont Charles, de monter jusqu'au château, au palais, sous un soleil de plomb, donc passées les cent cinquante-huit premières photos, j'ai décroché mon œil du viseur, laissé l'appareil photo se reposer un peu. J'ai pu aussi ouvrir la paupière gauche, restée fermée depuis.
Mais il y a tellement de choses à faire et à voir ici! Cependant, la question de la nuit me trottait un peu dans la tête. Mais rien en vue. Bien une possibilité dans une auberge de jeunesse dans le centre, à quinze euros la nuit, mais pas trop ça...bref, pas le feeling. Je me suis donc dit que quitte à être dans le pétrin, autant y aller! J'ai donc dirigé mes pas vers le quartier Pétřin, car au sommet de cette raide colline trône une copie de la tour Eiffel (une soixantaine de mètres de haut, installée pour l'expo universelle de 1891). Une vraie colline, qui m'a demandé quinze minutes de pédalage forcené pour en venir à bout, mais j'aurai pu le faire moins vite que cela, car alors j'avais des ailes! En effet, au pied de la colline du Pétřin, dans un petit renfoncement sur la gauche, une fois passée un petit tertre, est venue se nicher une auberge de jeunesse, Travellers' hostel. Pas chère (7euros la nuit, petit dèj inclus), relativement propre (pour le prix, je serrais les fesses, par expérience) et bien située. Aménagé dans un ancien gymnase, il y a tout ce qu'il faut. La salle commune compte soixante-dix lits, chacun a son casier cadenassé. Nous dormons donc tous au même endroit (j'ai compris à ce moment-là pourquoi ils donnaient, à la réception, des boules Quies gratuites!). Dans une salle où poutres, anneaux et barres de gymnastique traînent encore, reliques d'un ancien temps qu'une plaque montrant le buste de Lénine en relief se charge de nous rappeler, tout le monde partage quelques heures d'un sommeil de voyageur, aviné parfois, profond ou agité par les affres de l'amour.
C'est donc le cœur léger (mais digérant encore la currywurst, au cas où vous l'auriez oubliée, moi je ne pouvais pas) que j'ai gravi la colline avec mon fidèle destrier. Je suis arrivé au sommet, en nage, tout rouge. J'en ai fait rire quelques-uns. M'en fous, I did it! Cela va sans dire que j'ai, contre toute attente, notamment celle du guide, enfourché mon vélo. Ceci dit, c'est quasi-impraticable en centre-ville, surtout la place où il y a l'horloge astronomique. Le nombre de touristes, surtout aux heures fixes, l'est aussi, astronomique. Jamais vu autant de français et d'italiens d'ailleurs, ils ont déserté leur pays et envahi la République Tchèque.
Au nom de l'humour, je suis allé voir au parlement s'ils vendaient le calendrier des gentilles parlementaires tchèques (voir post du 19 juillet), mais la personne de l'accueil n'en a pas entendu parler...ça sent le canular. Pas de session du parlement non plus, j'aurais pu demander aux intéressées, directement. Škoda.
Harassé, je suis retourné prendre une douche bien méritée, à l'auberge. C'était sans compter sur ma chance qui m'a fait rencontrer une américaine, Elizabeth, qui m'a présenté un autre américain, Sean, qui était en charge du pub crawl du soir. Vite fait, pour ceux qui ne connaissent pas le concept : le but est d'arriver au dernier bar, en passant par une multitude d'autres, histoire de comparer les bières, d'échanger sur la philosophie proustienne ou kantienne, d'inventer des concepts esthétique novateurs, de se mêler à la faune locale afin de mieux apprécier son séjour.
L'étude de cas est donc la suivante : Deux américains, deux hollandais, deux finlandais, un danois, une mexicaine et un malaisien en couple (qui se sont rencontrés à Budapest une semaine plus tôt) et un français. Vous mettez tout cela dans un bar où, une fois acquitté d'un forfait dérisoire et après avoir reçu un tee-shirt « Prague Underground », vous pouvez consommer autant de bière, vin, shots, que votre corps peut supporter et plus, où vous pouvez jouer à des jeux idiots (comme un Jenga sur-dimensionné où chaque pièce de bois que vous réussissez à extraire de, puis à remettre sur, la pile vous donne un gage que l'alcool vous fait trouver drôle) et vous obtenez une soirée déjantée, azimutée, mémorable (enfin pas pour tout le monde – blackout de certains épisodes pour certain(e)s). Rencontré et discuté avec beaucoup de personnes, mais aucun tchèque, ce qui est fort dommage. Certains n'ont pas réussi à ramper jusqu'au dernier bar, les taxis en ont fait leurs choux gras en ramenant au bercail toute cette viande soûle. Les Happy few qui ont tenu la distance ont dû la parcourir, la distance, à pied car il fallait profiter de Prague by night, jusqu'au lieu de notre repos commun. Au final, les boules Quiès n'ont pas servi. Le sommeil pesant, lourd, inattaquable, est venu sitôt allongé, aux premières lueurs de l'aube.
Levé vers huit heures dans un gymnase cuvant son vin, j'ai pris mon temps pour émerger. Je me suis réservé donc les musées pour aujourd'hui. Et c'est tant mieux car ce qui devait arriver arriva : une pluie bien lourde, bien grasse, de celle qui détrempe et semble non pas commencer par le faut du corps, mais bien en s'insinuant par les chaussettes, pour remonter jusque dans le dos. Une douche à l'écossaise, quoi.
Mais l'habitude est vite revenue, et j'ai arpenté de nouveau ces rues baroques, Art nouveau (qu'ils appellent Sécession ici), Art déco (parfois, mais plus rarement), Renaissance. Une vieille ville comme on en fait plus, où l'on a l'impression que rien n'a changé ces cent cinquante dernières années. À l'exception d'un bâtiment ultra-moderne, la maison qui danse, mais qui se fondrait presque dans le décor.
Muni de mon passe quatre jours (bien pratique) qui m'a ouvert les portes de nombreux édifices, je me suis repaît, une fois n'est pas coutume, de culture. Les tchèques savent définitivement y faire en décoration d'église, sont de fins esthètes et de grands amateurs d'art. Expo sur Dalí (faïences, dessins, quelques peintures), sur Alfons Mucha (j'ai adoré, surtout ses photos, mais ses lithographies sont carrément géniales) ; très bonne expo aussi dans la galerie du Klementinum d'une dizaine d'artistes émergents. J'ai appris qu'il y avait aussi beaucoup de synagogues à Prague, du fait d'une importante communauté juive implantée là depuis belle lurette, que les nazis n'ont pas réussi à désenraciner, malgré une belle ardeur à la tâche. Sur les cent dix-huit mille et quelques juifs qui habitaient le grand quartier nord du centre-ville, dix mille sont revenus des camps. Il y a d'ailleurs une synagogue dont les murs intérieurs portent les noms de chacune des victimes. À filer la chair de poule. Tout comme le très vieux cimetière juif.
Je pourrais en parler encore pendant des heures, mais le mieux encore est d'aller voir par vous-même cette cité splendide, qui reste une petite capitale faisable en un long week-end – et puis je dois répondre à la question de notre cher François Feldman qui se demande (depuis le temps, il aurait pu aller voir par lui-même) ce que devienne les valses de Vienne. La route promet d'être plus calme (je devrais récupérer l'usage GPSien à la frontière), et je pense éviter l'autoroute le plus possible, pour profiter un peu des paysages. Et puis adVienne que pourra. J'y retrouve un ami de collège, Seb, pas vu depuis des lustres.
A bientôt!
 From Europe, with love.

1 comment:

  1. Mucha... j'ai hâte de voir les photos !
    pour F.Feldman, t'étais obligé... ?

    ^_^

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