L'harmattan arrive,
entend-on chuchoter au village.
Voilà de longs mois qu'on
attend de lui
Qu'il souffle cette
interminable pluie.
Le ciel, jusqu'à peu,
était ridé de mauvais présages.
Il y a eu des bêtes
emportées dans des coulées de boue
Et des maisons que la crue
a entraînées encore debout.
On ne compte plus les
salines embourbées par les trombes
Ni les corps flottants
comme des troncs d'arbre dans le courant,
Et il pleut, il pleut des
mois durant.
Dans quelques jours, on
verra les vallées érigées en catacombes,
On retrouvera les brebis
égarées, la laine et le ventre gonflés d'eau,
On retrouvera ceux qui
s'étaient offerts pour faire cesser le supplice
Et ceux qui avaient
abandonné l'espoir d'un armistice.
Déjà on sent la décrue
et on grave le nouvel étiage sur un poteau.
Voilà trois saisons de
lune que le vent souffle sans discontinu.
Une femme devenue folle a
plongé hier dans un précipice,
Et le vacarme ininterrompu
pèle les pensées à nu :
Pourtant personne
n'avouera avoir vu les insensés abysses.
Les gorges se dessèchent,
les peaux se crevassent,
Le soleil brûle autant
que le vent érode et efface.
Les récoltes sont tout
juste bonnes : on remercie les dieux.
On mange à sa faim, puis
on devient parcimonieux,
Car le vent s'abat d'un
coup plus fort et étouffe la liesse.
On trace des signes sur le
sable, on descend au fond des puits,
On crie face aux
bourrasques pour qu'elles cessent –
On en vient à sacrifier
des vierges pour faire venir la pluie.
Les bêtes errent ça et
là, tournaillent, rôdent le
museau en l'air,
Et au loin on voit déjà
les coups de griffes du tonnerre.
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