C'est encore un de ces
matins où rien dans la vie n'a changé, où un laps de temps a juste
passé. Un matin où l'on a envie de rien. Un matin avec un temps de
chien, où l'on oscille entre
hasard et nécessité, prendre part à la vie ou rester cloîtré. Un
matin gris sur gris, rien sur rien. C'est pourtant lors d'un
de ces matins que tout aurait dû exploser dans une cacophonie
monstrueuse, car si l'on avait juste osé, la vie aurait été
merveilleuse. Mais c'est un matin de chagrin.
Il faut être bien couard
devant l'adversité pour ne pas vouloir fonder une réalité. Car un
jour, on regrette nécessairement, on s'en veut, on serre les dents.
On s'endort en pleurant. On se rend compte que c'est plus dur
maintenant d'aller de l'avant, alors qu'on avait tout devant soi. On
aurait pu, oui, être soi.
Mais au lieu de cela, on a
choisi une autre voie.
Et on se réveille, on
bâille, on s'étire, on regarde les corneilles tournoyer et bondir
sur une toile fadasse et on se dit qu'on a manqué d'audace, on
n'arrive pas à se dire de se lever car on ne voit pas bien par où
prendre cette journée, on n'en voit pas la peine car on a trop de
peines. Alors, la mort dans l'âme aussi grise que les nuages, la
tête sous l'emprise de mirages, on se rendort sans trouver le
sommeil, on ne sait plus bien si l'on veille, et l'on ne se tourne
qu'un peu, seulement, de peur de toucher le froid du drap là où il
y avait l'amant. On écrit des messages plein d'espoir que l'on garde
dans un tiroir, que l'on n'enverra jamais, qui resteront là des
années et qu'on finira par mettre au rebut quand on aura retrouvé
un début. On broie du noir et on rejette du gris sombre. Le lit
préfigure la tombe de la vieillesse, quand on sera gonflé de
regrets et de tristesse. Les décombres de la vie alors encombreront
les vestiges de l'ennui, et l'on repensera à ces matins sans
nombres, ces longs matins sans ombres où l'on ne voyait rien de bien
se profiler dans le lointain, et où l'on voulait baisser les bras.
Mais on est encore là, sans trop savoir pour quoi.
Alors on se lève, on
réchauffe son cœur et ses mains avec du thé et un peu de pain, on
imagine les sacolèves mettre voile vers le levant. Les vents,
propices auparavant, soufflent d'ores sur le ponant. Et on crève de
voir qu'on a mis fin à son rêve. Le navire, resté amarré,
moribonde sur les flots pers et l'on ouvre les volets et la vision se
perd.
Pour l'heure, c'est un
matin de poussière et la vie est derrière.
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