Sunday 26 May 2013

Matins



C'est encore un de ces matins où rien dans la vie n'a changé, où un laps de temps a juste passé. Un matin où l'on a envie de rien. Un matin avec un temps de chien, où l'on oscille entre hasard et nécessité, prendre part à la vie ou rester cloîtré. Un matin gris sur gris, rien sur rien. C'est pourtant lors d'un de ces matins que tout aurait dû exploser dans une cacophonie monstrueuse, car si l'on avait juste osé, la vie aurait été merveilleuse. Mais c'est un matin de chagrin.

Il faut être bien couard devant l'adversité pour ne pas vouloir fonder une réalité. Car un jour, on regrette nécessairement, on s'en veut, on serre les dents. On s'endort en pleurant. On se rend compte que c'est plus dur maintenant d'aller de l'avant, alors qu'on avait tout devant soi. On aurait pu, oui, être soi.

Mais au lieu de cela, on a choisi une autre voie.

Et on se réveille, on bâille, on s'étire, on regarde les corneilles tournoyer et bondir sur une toile fadasse et on se dit qu'on a manqué d'audace, on n'arrive pas à se dire de se lever car on ne voit pas bien par où prendre cette journée, on n'en voit pas la peine car on a trop de peines. Alors, la mort dans l'âme aussi grise que les nuages, la tête sous l'emprise de mirages, on se rendort sans trouver le sommeil, on ne sait plus bien si l'on veille, et l'on ne se tourne qu'un peu, seulement, de peur de toucher le froid du drap là où il y avait l'amant. On écrit des messages plein d'espoir que l'on garde dans un tiroir, que l'on n'enverra jamais, qui resteront là des années et qu'on finira par mettre au rebut quand on aura retrouvé un début. On broie du noir et on rejette du gris sombre. Le lit préfigure la tombe de la vieillesse, quand on sera gonflé de regrets et de tristesse. Les décombres de la vie alors encombreront les vestiges de l'ennui, et l'on repensera à ces matins sans nombres, ces longs matins sans ombres où l'on ne voyait rien de bien se profiler dans le lointain, et où l'on voulait baisser les bras. Mais on est encore là, sans trop savoir pour quoi.

Alors on se lève, on réchauffe son cœur et ses mains avec du thé et un peu de pain, on imagine les sacolèves mettre voile vers le levant. Les vents, propices auparavant, soufflent d'ores sur le ponant. Et on crève de voir qu'on a mis fin à son rêve. Le navire, resté amarré, moribonde sur les flots pers et l'on ouvre les volets et la vision se perd.

Pour l'heure, c'est un matin de poussière et la vie est derrière.

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