Tuesday, 14 May 2013

Les papillons



Je marche contre le vent des papillons des plaines.
Quelque chose naît. Je le sens dans mes vieux os.

Pour l'instant rien ne bouge, si ce n'est l'aurore.

Un jour comme aujourd'hui, j'ai soif et je n'ai pas d'eau.
La chaleur grésille et les ailes courroucées fulminent.

Mais d'ici je ne les vois pas encore.

Un jour, on m'a dit de me reposer quand je serai fatigué.
Cela voulait dire « Cours ! » non pas sans s'arrêter,
Car il y a aussi un paysage à contempler,
Car il y a aussi des visages à qui parler.

On sent comme une pulsation dans l'air du Nord.

Je marche contre le grondement des ailes furieuses,
J'avance lentement dans les heures laborieuses.

Au loin, c'est comme une pluie de météores.

Il n'y a plus qu'à attendre les lépidoptères,
et les secousses des images des ocelles
parviennent jusqu'à moi avec un raffut de tonnerre.
Je perçois enfin le roulement de leurs ailes.

Je tremble, moi qui ai affronté la manticore.

Je m'arrête au sommet de la plus haute dune.
De là je contemple les hordes de l'horizon blêmi.
Et les reflets des soies brillantent la lune.
Du haut de mon mirador de sable, je frémis.

La nuée immense avance, cumulus chromophore.

Un jour, ma mère m'a dit : « On récolte ceux que l'on aime. »
Je ne l'ai pas compris alors. Mais aujourd'hui je sème.

Bientôt, il n'y aura plus qu'un monde versicolore.

Ainsi qu'un shamal bigarré, la cohorte obscurcit les cieux
de milles teintes, comme une fresque démesurée recouverte avec soin.
Voilà les papillons qui soufflètent mon corps, mes mains, mes yeux.
Demain, j'aurai oublié l'ouragan diapré de satin. Mais demain, c'est loin.

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