La rivière coulait en
contrebas.
Le soleil, l'usure des
jours,
le village des hommes,
l'ont rendue sèche comme
le cou des vieilles
femmes,
celles qui ont perdu
l'amour,
celles qui ont un regard
las.
Elle coulait là,
pourtant,
depuis bien longtemps.
Seuls le soleil et le vent
savaient depuis quand.
Mais maintenant elle n'est
plus
qu'un tas de rochers
blancs et nus.
Les hommes ont, depuis,
disparu,
leurs chaumières et leurs
rebuts
seuls attestent de leurs
vies vécues.
Les arbres ont dépéri,
flétri dans leur essence,
On ne sent plus le
pétrichor quand la pluie danse.
Il n'y a ici plus aucune
vie. Plus aucune chance
de voir paître la biche
ou tournoyer le vautour,
plus rien ici ne rôde que
le silence
que seul l'éboulis brise
en échos sourds.
Pourtant plus haut, bien
plus haut dans la montagne,
on entend un mugissement
plein de hargne,
une fureur dont l'orage
raffermit la poigne.
Là-haut, on sent que la
source n'a point tari.
Et le marcheur, que
soudain l'espoir gagne,
redouble d'effort et
devient plus hardi.
Ce n'est point le destin
qui l'accompagne,
il le sait, c'est le
chemin qui l'a aguerri.
Lorsque, après une ultime
journée de marche,
Il se trouve face à la
source glacée,
Il sourit, joint les mains
en coupe et se penche
pour étancher cette gorge
taraudée.
La tête lui tourne
soudain.
En un instant, il se
ressouvient.
Il regarde ses mains –
rien n'est pourtant
anodin :
cette rivière est, bel et
bien,
malgré toutes les
rivières,
malgré tous les chemins,
celle qui répond aux
prières
que l'on fait quand on
erre.
Il n'y en a qu'une, il le
sait bien.
Elle a dédaigné son
ancien lit,
elle a empreinté une
autre vallée –
ce pour une obscure
raison.
Mais là n'est point la
question.
Toute son amertume
ravalée,
il contemple l'horizon
et en souriant il saisit
qu'il connaît chacun des
replis,
chacune des ondulations
de cette onde qui ne peut
changer.
Un soupir passe ses
lèvres.
Tout ceci n'est peut-être
qu'un rêve.
Mais il n'a aucune
hésitation :
cette fois-ci, c'est pour
de bon.
Il part alors se mêler
aux méandres et à leur éclat –
en contrebas, on distingue
les lourds thyrses des lilas.
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