Monday 26 October 2009

Chroniques d'un égoïste ordinaire #1


      Désert blanc.
      Elle est là. Elle avait dit venir dans quatre ou cinq jours, une semaine tout au plus. Hafez sourit. Elle a tenu parole. Schelem sourit aussi. Ils se regardent. Ils sont habitués au désert, et Schelem n'a mis qu'un jour et demi de moins pour venir lui annoncer sa venue. Azdim était resté à l'aéroport de Tripoli pour préparer le voyage de la femme; ils avaient dû partir sur-le-champ. Apparemment elle n'est pas du genre à attendre ou à faire du tourisme. Tant mieux, toute cette histoire commençait à sentir comme du lait de brebis en plein soleil. Et le grand désert se réveille. Le ghibli souffle plus fort depuis ce matin, rapproche l'erg du hamada. Le corps devra être déplacé. Elle dira.
      Azdim suit derrière, avec le chameau et les vivres. Elle marche devant. Elle a des lunettes, un chèche blanc, comme lui avait, noué autour du cou. Elle a quelque chose à la main, un livre. Le livre, au bout de son bras qui suit le mouvement de sa marche. Elle a un doigt coincé entre deux pages, comme si elle était en train de le lire. Il a l'air d'avoir de l'importance pour elle.
      Pour lui, comme pour Schelem, ils n'avait compris que l'inscription en arabe agrafée sur la couverture du livre. Les caractères à l'intérieur étaient occidentaux, probablement français. Il lisait et parlait un peu l'anglais mais ne reconnaissait pas cette langue. Sûrement du français, oui. Ils n'étaient « que » des bédouins, après tout. Leur jour de chance était venu lorsqu'ils étaient tombés sur le corps, dix jours plus tôt. C'est rare, de tomber sur des cadavres comme ça. Celui-ci ne paraissait pas avoir été touché. Pas de sang, ni de blessure. Il n'y a pas de bête suffisamment grosse ici, humaine ou animale.
      L'inscription disait de contacter une certaine Arzu à Tripoli, en cas de besoin. Elle saurait quoi faire. Il y aurait une récompense. Deux jours pour aller à Sebha, trouver un téléphone. Madame Arzu avait dit s'occuper du reste. Elle avait rappelé quelques minutes plus tard, donnant des instructions. La femme viendrait avec l'argent, dans une semaine tout au plus. L'argent est donc là. Il ne se serait jamais cru avide à ce point, mais avec ça il pourrait soigner sa nièce, payer l'hôpital et les frais médicaux. L'homme était mort, sa nièce vivrait.

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