Wednesday 31 October 2007

Assassin #1

5 décembre,

Le goût des mots perdu dans ma bouche. La déception est par trop amère, agit comme un froid sibérien sur mes papilles. Anesthésié. Rien de personnel là-dedans. Dit-on. Libellule. Le chant des libellules. Ça me faisait presque pleurer tellement c’est beau. Pas parce que c’est moi qui l’avais écrit. Mais parce que c’était, parce que le mot existait, parce qu’il avait une musique particulière à mes oreilles, à mes sens. J’avais des réactions épidermiques avec des mots. Dyspraxie me filait la chair de poule. Alors qu’hécatombe me faisait rêver. Raspoutitsa était magnifique. Idiot me faisait rire. Idée me laissait sur ma faim. J’attendais toujours la suite qui évidemment ne venait jamais. Idée…sa, me, quelque chose quoi. On pourrait dire, oh Dieu, bien des choses en somme. Eh bien non, on ne pouvait pas dire grand-chose de plus qu’idée de peur de ne pas être compris. Idée en verlan ne ressemble plus à rien. En revanche idea en anglais me rassasiait. Je reconnais sans honte que j’aimais les mots longs, compliqués, goûtus. Avec du corps, que l’on pourrait presque palper, humer, sentir. La monosyllabique haine m’emplissait d’un sentiment de grandeur incroyable. Légion ne revenait pas à dire libellule même s’il me faisait pleurer. "Parce que mon nom est Légion". Tellement de choses derrière. Hubris. Ubiquité. Nyctalope. Meurtre.

Le chemin des albatros

Longtemps j’ai contemplé la carène blanche des albatros
Sillonner de leurs amples voilures les flots écumeux du ciel.
Longtemps j’ai écouté le chant des phares éclairer l’obscurité des parallèles.
Nous sommes les œuvres vives de la mer voguant nuit et jour dans les brumes et les vents.
Longtemps j’ai cru que les routes des astrolabes amèneraient à des oasis de savoir.
Longtemps j’ai vu les conquistadors tracer dans la cendre un mot de leur doigt
Effilé comme un squelette épelant la mort implacable et justifiable,
Garant d’une pérennité à claire-voix.
Longtemps j'ai regardé devant moi l'horizon des possibles.
Longtemps de lourds nuages noirs menaçants barraient la route.
Nous sommes nés marcheurs mais préférons le calme des plaines
Aux arêtes rugueuses des montagnes.
Le guet apparaît plus aisé et rassurant que la rivière, et pourtant
Nous nous noyons dans un verre d'eau.
Alors la carlingue plumée des albatros rainuraient les nues
Sans autre volonté que de montrer la voie.
Et les doigts grisés de cendres étendus désignaient les oiseaux,
Les abattant du même coup.

Il était là, il est venu

« Hāfiz du savoir du monde, venu du grand Shēol, il est venu. » Il pleure. A genoux, les décombres écorchant ses jambes ; une épaisse poussière le recouvre de la tête aux pieds. Et ses larmes creusent deux sillons de malheur sur ses joues blanchies. « Il était là. » On apprend à se caparaçonner contre la tristesse quand on est à sa recherche. Quand on le traque. Sans relâche. On en oublie le boire et le dormir. On va là où il est, mais il n’est déjà plus là. On a des photos cornées, floues, prises par un amateur, une silhouette dans la nuit, achetées à prix d’or sous le manteau ; on montre aux gens qui hochent vivement la tête et sans hésiter reconnaissent ce que l’on croit n’être qu’un mirage et pointent un doigt tremblant vers l’horizon. Avec le temps on comprend un peu le langage du pays. « Il était là. » « Il est venu. » Ce malheureux n’échappe pas à la règle. Je me retourne ; le village n’est qu’un amas de ruines branlantes. Comme après un séisme, mais un séisme incommensurable sur l’échelle des hommes. Les seules habitations qui ont échappées aux flammes ont vomi leur mobilier et les fenêtres béantes n’ouvrent que sur l’obscurité de murs mis à nu. Voilà son œuvre.

« Cюдá ! Cюдá ! »

Tout le monde accourt. Une autre de ses œuvres. A nos pieds, dans un fossé creusé à même un cratère d’obus, gisent pêle-mêle des cadavres par dizaines. Tous nus, décharnés ; mutilés pour certains. La mort leur a apposé un rictus de douleur que le corps, à jamais figé dans sa physicalité – dans des postures de pantins désarticulés jetés avec une négligence travaillée – conservera jusque dans la putréfaction. On prend une série de photos, une de plus. Et on marche plus à l’Est. Semblable à une dépression atmosphérique, il a tourné sur lui-même et s’enroule ainsi vers l’Est, courbant sa trajectoire et les échines des hommes. Il vole, rapine, viole, brûle prostitue, massacre, torture, mutile, destitue. Il est venu. Il a tué. Il contrôle. Et je le cherche, comme d’autres.

De retour à un hôtel bombardé, aux murs soutenus par des étais de fortune, on passe un ou deux coups de fil qui passent, ne passent pas, on se renseigne avec les moyens du bord. Oui, il est plus à l’Est. Demain, peut-être, aura-t-on de la chance. On écrit une ou deux feuilles qu’on faxera quand on pourra. On vérifie son matériel, la batterie de l’appareil – le nombre de « shots » dispos sur la carte mémoire. Tout est OK. L’ère numérique n’a pas que du bon. L’électronique qui fait fonctionner mon appareil photo est sensiblement le même que celui qui dirige un missile. Voir son visage. Juste une fois, c’est tout ce que je demande. Savoir. Celui qu’on cherche depuis tant de temps. Autant de gens ne peuvent avoir tort.

Lendemain. La route vers les montagnes de W– est truffée de nids de poule. Nous sommes en tête de colonne. Tout en roulant, je prends quelques shots de maisons délabrées et des tombes de fortune qui les accompagnent, quand ce n’est pas de la terre simplement jetée à même la dépouille. Non, on n’a pas le temps de s’arrêter. Les casques bleus qui m’ont fait la faveur du transport sont nerveux. Le rendez-vous est pris aux pieds de la montagne. Cette nuit il a encore frappé. Le village, déserté par les hommes partis guerroyer, habité uniquement par des femmes et des enfants, a souffert le martyre, paraît-il. Le blindé halte. Un homme gesticule au milieu de la route, boîte en notre direction, hurle quelque chose d’une voix qui a trop hurlé.

« Il dit qu’il faut le sauver des griffes de la mort, » interprète un gradé.

« Il est là ? » La question est sortie, malgré moi.

« Non, et c’est pas aujourd’hui que vous le verrez, » « ni demain d’ailleurs, » ajoute-t-il. On verra ça. On repart. L’ordre a été donné par radio aux blindés derrière de s’occuper du malheureux errant. Combien rentrent pour retrouver une maison détruite, une famille décimée, humiliée ? Combien repartent alors se battre la rage au ventre ?

Une heure se passe. Un soldat en face de moi s’assoupit. L’atmosphère dense et confinée. Sa tête ballotte au gré des soubresauts du blindé. Il lutte contre le sommeil, en vain. De temps à autre un message radio grésillant à tout rompre dans la coque de métal blindée nous surprend, nous fait sursauter. Mais « R.A.S. » est l’unique réponse de ces soixante dernières minutes. Tous ici, sans exception, nous avons tous une famille qui nous attend là-bas, dans un pays où la paix règne ; le soldat devant moi ouvre les yeux. Un nid de poule trop profond, sans doute. Le conducteur doit lui aussi céder à la tentation de fermer les paupières, pour une seconde, pas plus. Le soldat a l’air surpris. Il me regarde, comme me questionnant. Je lui souris et, tous deux ballottés comme des pantins, je lui demande depuis combien de temps il est là. Mais aucun son ne sort de ma bouche. Je viens de sentir ce qui l’a sorti de son sommeil. Je sens mon sourire disparaître peu à peu, ma peau se détendre peu à peu. Une vibration qui s’estompe en un instant en fourmillant le long des jambes. Je scrute l’arrière du blindé et quatre paires d’yeux me fixent. Tout le monde est tendu, les mains crispées sur la crosse du fusil. L’un des regards tombe plus bas sur moi, je le suis. Mes mains ont enserré l’appareil photo ; les articulations blanchissent sous la pression. Echange de sourires tendus. La voix du Capitaine résonne un instant. « Colonne de fumée à 11h. Deux secousses – trois secousses – sûrement des tirs de mortiers. Déploiement. »

La tension monte d’un cran. Je sens les gouttes de transpiration couler dans mon dos. Nous avons tous les yeux rivés au-delà du pare-brise.

« Ralentis un peu. » Pourquoi ralentir ? S’il est là, autant y aller. J’en ai marre de le rater.

« Merde, j’aime pas ça. Arrête-toi. » Mais pour–« Arrête-toi ! » Le sixième sens du Capitaine ne nous a pas sauvé la vie, parce que l’obus tombe à cinquante mètres à peine de la route, mais il nous a épargné une belle frayeur.

« Colonne, stop ! Je répète : Tout le monde s’arrête jusqu’à nouvel ordre ! » Mon cœur bat la chamade. Je déteste l’attente, surtout quand rien ne vient. Car rien ne vient. Un obus perdu, sans doute. Mais le Capitaine ne montre aucun signe d’aller plus avant. Tout le monde semble partager son point de vue. La colonne de fumée, noire et épaisse et menaçante, est tout juste à un kilomètre, deux tout au plus, de notre position. Je ne suis pas soldat. Le sentiment de sécurité qu’ils me procurent doit être pesé à l’aune de l’information.

« Capitaine, je demande la permission de continuer à pied si vous comptez rester ici.

_ Vous voyez juste : nous allons rester ici. Mais vous n’avez nulle permission ou ordre à recevoir de ma part : vous êtes civil.

_ Merci, Capitaine –

_ Par contre, si j’étais vous j’y renoncerai.

_ Et pourquoi ?

_ Parce qu’il est là-bas, et vous vous en doutez autant que moi.

_ C’est pour cela que je suis ici.

_ Votre mission n’est-elle pas d’informer le reste du monde de la situation, et objectivement de ne pas y laisser votre peau ?

_ Bien sûr, Capitaine, mais le démasquer aidera le monde à mieux comprendre, afin d’éviter –

_ Vous ne pourrez jamais l’empêcher de recommencer. Tant que l’homme existera, il existera. Abandonnez vos illusions. Vous qui sortez, laissez toute espérance.

_ Merci du conseil.

_ Libre à vous. Ouvrez-lui la porte, surveillez les ouvertures. » « Bonne chance. » Sans un regard je quitte le blindé. Je sais que des dizaines de paires d’yeux incrédules m’observent de la colonne. Qu’ils aillent au diable. Je vérifie les sangles de mon sac à dos en tirant dessus. Tout est OK. L’appareil est prêt. Je m’élance, courant en zigzaguant sur la plaine, plié en deux. Je m’allonge parfois à plat ventre, soudainement. Je sais que j’ai l’air ridicule et qu’on doit bien se payer ma tête avec des jumelles quelques centaines de mètres derrière moi. Mais du camion on ne sentait pas l’odeur de chair brûlée. Bon Dieu, ça pique la gorge. Ça doit être un véritable carnage. Je m’avance encore. L’odeur est quasi-insupportable. Je ne suis plus qu’à une centaine de mètres quand un obus siffle dangereusement dans l’air. Instinctivement, j’attends un instant ; le sifflement se rapproche. Je cours et plonge sur ma gauche. L’obus éclate où je me trouvais trois secondes plus tôt. Il avait mon nom et mon adresse dessus, celui-là. La terre retombe en grosse pluie de poussière sur un large diamètre. Je me secoue, vérifie que l’appareil n’a rien. J’entends des mitraillettes, des cris, des explosions. Je me relève, toujours courbé mais un hurlement me pétrifie sur place.

« OH здесь ! OH здесь ! OH здесь ! » répété à l’infini par une femme enveloppée dans une robe de flammes. Elle court dans ma direction. Sa litanie déchire la plaine. Un frisson me parcoure le corps. Elle se débat contre les langues de feu qui consument ses vêtements, embrasent ses cheveux. Je suis encore accroupi. Une petite butte de terre, à quelques pas, cache une partie du village à ma vue. La pauvre femme se tord comme elle peut, hurle à pleins poumons. « OH здесь ! » J’hésite à sortir de ma position, à aller aider cette femme qui mourra quoi que je fasse, je n’ai qu’une petite gourde d’eau. Où est mon humanité ? Une rafale de mitraillette retentit. Au ralenti, la femme se penche, torche humaine, comme si elle voulait ramasser quelque objet tombé au sol, trébuche, tombe, roule et son manteau de flamme l’accompagne, à quelques pas de moi. Je suis plaqué au sol. J’ai peur. Elle convulse. Marmonne encore qu’il est là. Les flammes crépitent. L’odeur âcre me fait vomir, la peur aussi. J’entends des éclats de rire. J’ai envie de ramper jusqu’au convoi. Mais il est là. Son visage, imaginé dans maints rêves tourmentés, je vais le découvrir.

Je lève la tête. R.A.S. Je prends un shot rapide de la malheureuse ; je contourne le cadavre encore dévoré par les flammes avides, court jusqu’à la première maison, m’adosse au mur. Mes jambes flageolent sous moi. Dans l’imbroglio des sons qui me parviennent, je crois percevoir des râles, des coups de couteaux, des tirs de pistolets, de mortiers, et par-dessous tout cela, un murmure presque inaudible, ténu sous le crépitement des brasiers. Comme une voix faible mais résolue. Une voix grave. Ce ne peut être que lui. Il est venu. Il est là. Je prends quelques clichés ; on se bat dans la maison derrière moi. Je sens les vibrations dans le mur. On tue. Je m’avance. L’expérience m’a appris beaucoup de choses, comme la façon de traiter avec un obus. Elle m’a appris la prudence, mais elle m’a aussi enseigné les vertus de l’action. Rester à un endroit est parfois le moyen le plus sûr de se faire repérer, de se faire abattre. Une carte de journaliste n’aide en rien son détenteur ; elle attise plutôt les rancoeurs, décuple la haine du monde, force à presser la gâchette. Ah, le monde veut savoir, alors apprend la vérité au bout de mon canon. Alors je bouge, me faufile à l’intérieur d’une maison encore en proie aux flammes. Seul le toit brûle toujours. Il y aura deux dépouilles à enterrer. Clic-clic-clic. Les éclats de voix et les cris se rapprochent. Je me fige sur place. Elles passent. C’est maintenant ou jamais. Un rapide coup d’œil par une fenêtre aux carreaux brisés et je l’aperçois, de dos, à la tête d’une petite troupe de soldats. C’est bien lui. La porte est maintenue par les gonds du bas, mais ils sont tous tordus. Je regarde à droite, à gauche. Rien. J’enjambe le cadavre de la porte. La rue principale répond au nom de chaos. Tout ce qui peut brûler brûle. Tout ce qui peut mourir meurt ou est déjà mort. Je veux voir son visage, même s’il est illuminé par des brasiers, même s’il est maculé de sang et de sueur et de peintures de guerre. La fumée traverse la rue en nappes ocre, occultant la vue. On court dans tous les sens. On tire aussi. On tombe. On meurt. On rit. Le groupe s’est arrêté à une vingtaine de pas, en cercle autour de quelque chose, ou plutôt de quelqu’un. Je ne le vois plus, mais il doit être là.

J’aurai une meilleure vue de l’autre côté, mais c’est risqué. Je recule et me mets à l’abri entre deux maisons. J’essuie mon front trempé de sueur. Je bois beaucoup. Il ne faut plus réfléchir, il faut agir. Et rester prudent. Je contourne tout un pâté de maison, sans voir âme qui vive. Merci Capitaine, la chance est avec moi. D’où je suis la vue est imprenable. Un mur en partie effondré m’abrite des regards, me permet d’observer le groupe à ma guise.

Quelque chose ne semble pas tourner rond. Deux corps sont recroquevillés au centre du groupe. Je ne le vois pas. Où est-il ? Pendant des mois j’ai entendu « Il est là, il est venu ». J’ai vu son œuvre. C’est son visage à présent que je veux dévoiler à la face du monde. Il faut que ça cesse, que le monde réagisse et fasse cesser ces atrocités ; qu’il soit mis aux fers. La discussion s’anime, le ton montre entre la dizaine de personnes en cercle autour des victimes. Je sens une main m’agripper par l’épaule. Me force à me retourner. Mon cœur rate un battement. Je vais mourir. Non. C’est un jeune garçon, tout juste adulte. Son regard trahi la peur qui le ronge. Ses lèvres les syllabes que je connais par cœur. Est-ce de la résignation que je lis dans ses yeux gris comme le ciel ? Il baisse la tête, laisse retomber sa main, recule, se retourne puis s’en va, tourne au coin de la maison, en dehors du village. Je ne condamne pas sa fuite…qui n’en est pas une. Il revient. Il tient dans ses mains mal assurées un long gourdin de bois qui s’avère être un vieux fusil. Il tremble. Sa fine moustache qui n’est qu’un duvet un peu noir est agitée de tremblements. Il me dépasse. Je le retiens par la manche, lui fait signe de ne pas y aller. Il hoche la tête, se dégage de mon emprise. Court en hurlant vers le groupe de soldats. Clic-clic-clic-clic-clic…..pas de détonation. L’un des hommes l’a pris par le col alors qu’il courait, le soulève, lui brise la nuque comme s’il se fut agi d’un lapin et non d’un homme. Son corps tombe inerte sur le sol, sans vie. Ce ne peut être que lui. Il s’est déjà retourné. C’était de la tristesse, pas de la résignation. Le groupe se scinde soudainement en deux. Deux soldats s’empoignent. Personne n’esquisse un geste pour s’interposer. Un coup de feu éclate. Du sang jaillit. L’un tombe à terre. Celui encore debout est mon homme, pour sûr. Clic. Un éclair jaillit, une lame venue d’on ne sait où pénètre profondément dans le côté droit de son cou, ressort, rentre, ressort. A chaque fois, une gerbe de sang noir. Il ne peut mourir…à moins que ce ne soit pas celui que je cherche. Il tombe. Puis c’est un pugilat, fulgurant. Ca s’empoigne, ça grogne, ça cogne, poignarde dans le dos, étouffe – et pas un coup de feu. Trente secondes tout au plus et j’en oublie presque de prendre mes photos. Un seul est resté debout de l’impitoyable mêlée. Sa poitrine se soulève rapidement. Il halète. Il pose un genou à terre, soulève un des corps – c’est une jeune fille. Se sont-ils battus simplement pour un corps ? Il claudique vers une maison, comme si le village ne se consumait pas dans un incendie rageur. Je vérifie que rien ne vient. Droite, gauche. J’y vais. Je passe à côté des corps des soldats immobiles. Il y a beaucoup de sang. La photo attendra. La porte est ouverte. J’entends un bruit sourd. Il a du laisser tomber le corps. Ses bottes raclent le sol jonché de débris. Puis rien. Si, un froissement. De vêtement qu’on enlève. C’est lui. Ce ne peut être que lui. Personne ne pourrait faire subir ça à un mort. La porte est trop risquée. Je suis à découvert sur la rue. Je dois bouger. Je longe la maison, passe par derrière. La porte de derrière n’est plus qu’un trou béant creusé à la roquette. Je passe l’ouverture, aussi discrètement que possible. Le mur de soutènement tient par je ne sais quel miracle. Un obus a traversé la maison de part en part ; par une ouverture je peux voir ses bottes. Mon cœur va lâcher. Je m’approche.

Il est là. Labourant la dépouille d’une malheureuse. Elle a le visage contre le sol, les cheveux tombants sur sa figure. Il est sur elle, halète. Je peux saisir, à la lueur des flammes, son profil. Mais est-ce un jeu de la lumière, car il a tantôt un nez droit, tantôt un nez camus, tantôt des lèvres fines, tantôt des lèvres épaisses – un jeu de la fumée sans aucun doute. Il se penche sur elle. Murmure quelque chose à son oreille. Redouble ses coups de boutoir. Se penche à nouveau – et mon corps entier se glace : il lui déchire, avec une lenteur extrême, le lobe de l’oreille. Il est là. C’est bien lui. Il ne recrache pas l’oreille. Bon Dieu pourquoi il ne recrache pas l’oreille ? Le corps se soulève au rythme de ses reins. Je ne peux pas prendre la photo. Mais comment pourrait-on me croire autrement ? Il accélère encore ses mouvements. Se penche à nouveau. Je ferme les yeux. Je vais vomir. Il gémit. Il se relève, se rhabille. J’ai la bouche pâteuse. Je tremble. S’il me voit, je fais quoi ? Il regarde la fille. Il la frappe au visage du bout de sa botte crasseuse. Encore une fois. Il la soulève de terre par la chevelure, la gifle violemment. Pourquoi s’acharne-t-il ainsi ? Bon Dieu de bon Dieu. Elle gémit. Elle est vivante. Mes intestins vrillent sur eux-mêmes. Elle ouvre lentement les yeux. Jamais je n’oublierai ce regard, perdu dans les limbes de la souffrance. Il lui crache au visage. J’ai peur de faire une connerie, je n’ai qu’un pistolet et qu’un chargeur. Et encore si je savais tirer correctement. S’il est possible de le tuer. Elle est vivante, mais elle est morte. Il la jette contre le sol. Elle ne se défend pas. Il tire un long couteau. Elle attend. Il lui ouvre une large entaille à la gorge. Mes yeux se brouillent. Où est l’humanité quand on a besoin d’elle ? Elle lit les journaux. Il ressort. Il était là. Une flaque de sang s’écoule de la plaie. Je ne peux pas prendre cette photo. Son visage, il est là, partout, nulle part. En rémanence sur ma rétine. J’ai vu ce visage des centaines, voire des milliers de fois, peut-être aux quatre coins du globe. Il était là, sera toujours là, partout, tout le temps. Un visage de plus dont le monde doit se souvenir pour l’honnir. Il est temps pour moi d’agir.

R.B. (18.05.06)

Tuesday 30 October 2007

La petite joueuse de harpe - superbly illustrated by Chabada

Il n’y avait là que cette fillette rousse

Dans sa robe de tulle blanche, avec sa harpe

Sur l’épaule. Mais comment une fille si douce

Eût pu soutenir un si grand poids ? Son écharpe


Bleue pendait, frêle, alors que ses doigts s’agitaient.

Que dire de cette musique hors du temps ?

Mon regard d’une note à une autre volait,

Tout mon être imprégné de ces sons envoûtants.


La mélodie sortait des cordes et de ses doigts

La mélodie sortait de ses doigts et des cordes

La virtuose ne regardait pas vers moi

Mais elle m’envoyait sa leçon miséricorde.


Ses paupières closes égrenaient le rythme en grappe,

Ses doigts délicats frottaient, pinçaient et glissaient

Sur les membres filandreux de cette harpe,

Ses cheveux vibraient dans l’air sur les accents vrais.


Je regardais ses yeux me guider lancinant

Vers l’endroit où elle prenait la corde du pouce,

Et ses lèvres entrouvertes me murmurant

L’air lustral que sa harpe me jouait : l’ode douce.



Puis s’ensuivit un long silence monocorde.

La fillette éteinte, la harpe à ses côtés,

Laissait ses bras ballants, attendant quelqu’ordre

Du mécanisme de la clef que je tournais.


R.B. (29/10/2000)

Monday 29 October 2007

Sina ëa nórë vanesseva

Sina ëa nórë vanesseva, sina ëa mana cenenyë,

Paluina nye lá ar amba i helletëanna;

Sina ëa i nórë epeatarion ar autuvanyes.

Marto et tulyuvanyë i rávanna,

Maranwë caruvanyë telconta ettelen tier,

Lúmë caruvanyë únolya, se lúmer,

Nórë sina sa pála nu messimë talinyë,

Ar se exë lúmer lá milyuvanyë már –

Mal istanyë sa rimbë lumbë hayassi pella,

Oronti luini as ringë amatírë pella,

Pallë ar vercassi síri ar ëari pella,

Alta latini laiquë vandaron pella,

Mahtalepalari usquië serceo ar nimbeo pella –

Istanyë sa vanessë lá larta mí hendi nerio

Mal marë mí annurë cilyar endo,

Istanyë sa sina ëa atarenórenya, yassen nenyë nóna,

Hápina melmenen ar tévlenen, i níra lelyanen ar lemyanen ;

Istanyë si sina ëa nórë ve lá exë (sa) cenuvanyë,

Ar sa sinomë nortuvanyë, as i astor ar i axor atarinyon.


This is a land of beauty, this is what I see,

Spread beyond me and to the horizon;

This is the land of my ancestors and I shall leave it.

Fate will lead me out into the wild,

Fate will have me tread foreign paths,

Time will have me forget, sometimes,

This land that throbs under my youthful feet,

And at other times I shall not (even) long for home –

But I know that beyond many weary distances,

Beyond mountains blue with cold promises,

Beyond wide and wild rivers and seas,

Beyond great plains of green expectations,

Beyond battlefields reeking of blood and sadness –

I know that beauty lasteth not in the eyes of men

But dwells in the heart’s deepest recesses,

I know that this is my fatherland, in which I grew up,

Fostered by love and hate, by the will to leave and to remain;

I know that this is a land like no other I will see,

And that there will I remain, with the ashes and bones of my fathers.

R.B. 17/12/06

Sunday 28 October 2007

La nuit, tous les chats sont...endormis...


Les pieds ballants assis sur le bord du lit. Le sommeil ne vient pas bien que les paupières soient lourdes. Il faut dormir. Se reposer. Demain est un jour comme les autres, pourquoi cette nuit ne l’est-elle pas ? […] Le corps s’étire, s’allonge au fur des heures de la nuit. Les pieds ne sont mes pieds ; ils coulent le long de la pente du lit. Je ne sens plus mes mains comme durant le jour, mon dos est voûté par le poids écrasant du sommeil. […] Le chat, lui, dort. Dort du sommeil du juste. Ses ronronnements s’entendent bien dans le silence de la chambre. Il a l’air content. Il a bien joué aujourd’hui. Il a l’air d’apprécier sa nouvelle souris ; vu qu’il a perdu l’autre, il fallait bien la remplacer. Tiens, il a pris aussi une pelote de laine. Bah, qu’il s’amuse, ce gentil Pépino. […] Je n’ai pas envie de lire, pas encore. Les lignes ne veulent rien dire. Les mots traversent les pages, bougent sans arrêt, ne veulent pas rester calme, bien ordonnés, en rang d’oignons. Ecrire ne sert à rien. Il faut être éveillé pour écrire correctement. Et là, entre le sommeil et la veille, ce n’est pas un état pour faire quoi que ce soit. […] Il fait trop chaud. […] Il fait trop froid. […] La nuit dehors, tranquille comme un moulin à vent dans la brise, continue son petit bonhomme de chemin. La lune est invisible derrière un manteau de nuages. Va-t-il pleuvoir ? Il ne manquerait plus qu’il pleuve. Ils ne pourraient pas faire leur sortie au jardin, comme il est prévu depuis des semaines. Les autres seraient déçus. Espérons qu’il ne pleuve pas. […] Je me demande à quoi Pépino peut bien rêver, ses moustaches bougent drôlement. […] La nuit est trop bleue. Ai-je fermé l’eau ou pas ? Je ne sais plus. Le robinet n’a pas l’air de goutter. En tout cas, je n’ai pas fermé l’œil, ça c’est sûr. […] Dormir. Dormir. Compter les moutons n’a jamais aussi peu servi. Des nuits comme celles-ci on peut en compter des cheptels entiers. Des nuits sans sommeil. Des nuits sans lune, sans étoiles. Est-ce les étoiles qui apportent le repos, l’envie de rêver et donc l’envie de dormir ? La lune ? […] Le reflet de la lampe sur les fenêtres a quelque chose d’hypnotique. Ne surtout pas le regarder trop longtemps. Rien qui puisse retenir l’attention trop longtemps, rien qui puisse faire que le cerveau travaille. […] Pffffff. C’est long. S’allonger au moins, ce n’est pas en restant assis que le sommeil daignera venir. L’oreiller est froid. Ça doit faire un moment que je suis comme ça. Eteindre la lumière. Eteindre le reflet sur les carreaux des fenêtres. Se laisser un peu de répit. Fermer les paupières. C’est drôle comment on veut désespérément fermer les yeux mais qu’on ne le peut pas. La gravité terrestre devrait pouvoir faire quelque chose contre ça, non ? Pourtant on veut dormir, on ne veut que ça, mais les yeux restent ouverts quoi que l’on fasse. […] Ah, l’impression de s’étirer revient. J’ai l’impression de mesurer des kilomètres de long. Comme si mes membres s’allongeaient sans fin. Tout comme la nuit s’allonge. […] Dormir. Dormir. […] Dis-moi, oreiller, compagnon de mes nuits, pourquoi ne veux-tu pas cette fois m’accompagner ? Pourquoi restes-tu froid et sourd à mes appels ? Ton odeur même est différente, et ta chaleur disparue. Qu’y a-t-il ? Tu as partagé mes peines, mes joies, mes courtes nuits, mes siestes, mes grasses matinées, mes jeux aussi; mes réflexions, mes coups de blues, mes confessions. Tu as même soigné les angoisses des cauchemars, aidé à apaiser les nuits agitées, les nuits qui s’annonçaient sans sommeil. Pourquoi d’un coup ce revirement ? […] Voilà que je parle à mon oreiller. […] Boire un peu pourrait aider. […] Il paraît qu’il faut boire du lait chaud. Avec du miel, je crois. Je ne sais plus. C’est sans importance. Je vais bientôt m’endormir de toute façon. Le tout, c’est d’y croire. […] Quelle heure est-il ? […] Pépino dort vraiment bien. Je l’envie. […] On ne se rend compte que le sommeil est doux que lorsqu’il vient à nous manquer, à nous fausser compagnie. D’ailleurs il fait ça en traître, il ne prévient pas. On croit être parti pour une autre nuit de beaux rêves ou tout simplement de repos mais on se retrouve les yeux grands ouverts à regarder le noir et à se demander pourquoi on fait ça. N’est-ce pas, oreiller ? Tu sens que je tourne la tête. Que je virevolte dans ce lit trop petit, trop grand, avec mes bouffées de chaleur ou mes frissons de froid. […] Tu demandes quand cela finira-t-il ? Lorsque j’aurai trouvé la paix de l’assoupissement. La bénédiction de Morphée. Bref. […] Tu connais le mot « hypnagogie » ? Non ? C’est un moment bizarre du sommeil. C’est au tout début et que tu ressens tout autour de toi parce que ton corps est au calme. Tout tes sens sont en éveils. C’est pendant ce moment que tu as l’impression de tomber des fois, parce que tous tes muscles se relâchent d’un coup ! Si, si, c’est vrai ! […] Oui, quand j’étais petit, je faisais souvent des crises de somnambulisme. Je jouais sous la table de la cuisine, tout seul. […] Non. Pas du tout. Les terreurs nocturnes ne sont pas comme les cauchemars. Tu es dans un profond sommeil, le sommeil des rêves, quand tu fais un cauchemar. Alors que ces moments de terreur surviennent au tout début du sommeil, quand tu dors un peu mais pas beaucoup. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre. Si, Bon. […] Je n’aime pas les cauchemars, parce que tu t’en souviens toujours. Alors que les plus beaux rêves sont les plus éphémères. Ils s’effacent lentement, en te laissant un goût sucré dans la tête. Tu as déjà fait un de ces rêves ? Je pense que Pépino en fait souvent, lui. Regarde-le. Il bouge ses petites pattes. Il doit courir après une souris. […] Une fois aussi il m’est arrivé de ne pas pouvoir bouger en me réveillant. J’étais paralysé. Mon corps ne voulait plus répondre. C’était vraiment bizarre. Oui, j’ai eu peur ! Qui peut se vanter de n’avoir pas eu peur de ne plus pouvoir faire le moindre mouvement ? […] Des fois tu rêves que tu rêves. Tu te vois dormir mais tu sais que tu rêves. Tu sais, en fait, peut-être que je rêve que je ne dors pas ? Ce serait drôle, n’est-ce pas, en me réveillant tout à l’heure ! En fait j’aurai bien dormi tout en rêvant d’insomnie ! Hihi ! […] Ben c’est pas drôle de rêver d’insomnie... on s’ennuie. Un peu de valériane serait la bienvenue. C’et drôle comme des fois tu as l’impression de voir des trucs dans le noir, comme des formes. Non ? Tu ne vois jamais ça ? Ça doit être moi alors… […] Je vais avoir du mal tout à l’heure. J’espère que je ne vais pas me mettre à piquer du nez devant tout le monde. […] Mais qu’est-ce qu’il se passe ici. Je voudrais bien dormir moi. Bref. […] Voilà que je me mets à bâiller. AAAAaaaah. Si c’est un rêve c’est un bien mauvais rêve. […] Heureusement que tu es là, toi. On ne peut pas compter sur Pépino pour avoir un peu de compagnie la nuit. Quel mot ? Ah, « hypnagogie ». Un mot nouveau à chaque fois ? Parce que tu penses honnêtement que je compte être insomnié toutes les nuits ? […] C’est un sacré royaume, que celui de la nuit. On dit que tous les chats sont gris. Mais Pépino garde ses belles couleurs. Plus sérieusement, les objets prennent des textures différentes, des aspects bizarres parfois. La nuit tout est différent. La lumière y joue pour beaucoup. Mais il n’y a pas que cela. C’est un royaume que nos ne somme pas censés côtoyer communément. Nous ne sommes pas censés l’habiter. Juste le découvrir de temps à autres. […] Ça te fait peur ? Il ne faut pas avoir peur. Peur du noir ou de la nuit ou des cauchemars. Il faut accepter la nuit telle qu’elle est. Avec ou sans sommeil. Avec ou sans rêve. Tout le monde rêve. C’est juste que nous ne nous en souvenons pas. Tu sais, nous avons tous besoin des rêves, pour nous échapper dans ce beau royaume de la nuit. Rencontrer des gens formidables, des êtres fantastiques. Les hallucinations que l’on a parfois en font partie. Les cauchemars aussi. Il faut de tout pour faire un monde. […] J’aime bien mon lit, ma chambre. J’aime bien les couleurs. J’ai tout assorti à mon bonnet de nuit et à Pépino. Mon bonnet ? Pas qu’il fasse froid non, c’est juste psychologique. Quand je le mets, je me dis que c’est l’heure de dormir ! Si, si je te jure, ça marche ! […] Des fois c’est les soucis je pense. Les ennuis traînent jusque dans le lit, nous collent aux basques et envahissent la tête qui au contraire a besoin de se vider. Des soucis ? Moi ? À part que je ne dors pas, non. Je rigole ! Non, pas que je sache. Pas l’ombre d’un nuage en vue. C’est gentil de t’inquiéter, oreiller. Avec toi je sais que j’ai un ami sur lequel je peux compter. Avec toi je peux dormir sur mes deux oreilles, je sais ! Hihihi ! […] Tiens, le ciel change de couleur on dirait. Non ? C’est moi qui hallucine alors. AAAaaaaaaaaaaah. […] C’est vrai, tu as raison. Tout est calme. On n’entend que Pépino qui ronfle de plaisir. Quelle paix en ce royaume ! J’ai l’impression que je suis plus concentré que durant le jour. C’est vrai, c’est bizarre. Sérénité, voilà le mot. « Sélénité ». C’est un bon jeu de mot hihihi ! Séléné est la déesse de la lune dans le panthéon grec. Oui, je sais, mais quand même, non ? […] Bref…tu sais quoi, je pense….qu’il…...serait……..temps……...de…….......dorm……….......

Friday 26 October 2007

La vision

Le voyageur fatigué dans le bas logis

Rompt son pain sale et en donne un peu au lépreux,

(Il n’a pas peur de la mort – lui qui est si vieux)

Rassure l’aubergiste en lui donnant son prix.


Son long chemin l’a mené dans bien des pays,

L’a malmené entre les enfers et les cieux

L’a amené plus d’une fois à venir ici

Tels ceux qui croient la vérité loin de chez eux.


Sa quête qui fut sans autre but que Dieu

S’achèvera enfin sans un bruit cette nuit

Loin des villes sur lesquelles il posa les yeux

Loin des cieux où en vain il crût être avec Lui.


C’est au fond d’un verre de mauvais vin moisi

Qu’il vît soudain son visage se fendre en deux.

R.B. (14/09/2003 ; St Malo)

Les larmes aux yeux


Ce n’est pas des larmes que tu vois dans mes yeux,
Ce n’est que la rosée du soir où tu t’en vas.
Non, je préfère l’obscurité, j’y suis mieux,
Oui je pleure – mais – ce n’est pas ce que tu crois.

Il n’y a rien là à voir dans mes tristes yeux
Que ce que ton départ représente pour moi,
Non, il n’y a pas de quoi être malheureux,
Sauf l’idée que demain tu ne seras plus là.

Ce n’est plus des larmes que tu vois dans mes yeux,
Sauf si tu veux y voir ce que tu ne veux pas
Si mon être tremble dans ce froid ténébreux,
C’est parce que ton regard est déjà là-bas.

Oui, j’aurai voulu voir des larmes dans tes yeux,
Mais je sais bien tu ne m’aimes plus, déjà,
Que ton cœur est parti dans ces étranges lieux,
Et je sais aussi que tu n’en reviendras pas.

Pas pour moi, moi qui ai des larmes dans les yeux.
Moi, celui dont le sort t’importe peu – ou pas –
Qui souffrait tes infidélités, tes aveux,
Parce que tu revenais toujours dans mes bras.

Pars, pars – laisse mes larmes couler, je le veux,
Car au final, je n’aurai jamais eu le choix
Que de t’ouvrir mes bras et de fermer les yeux –
Ces larmes qui coulent, égoïste, elles sont pour moi
 

Les champs élysées


Les champs Élysées sont rebattus par les vents,
Blanchis par les souvenirs des os oubliés des morts –
Délaissés par les vieux mourants et les arrivants
Pour aller où l’on sent encore moins son corps.


Le havre tant attendu par tous est décevant –
Tous ces morts amuïs par tous leurs efforts –
Présente ses tristes plaines et autant de tristes champs
Aux hurlements des vents si forts, si forts.


Tous alors se mettent en marche vers le lointain
Pour voir les champs noirs et ocre des autres nations,
Quittant sans regrets la désolation,
Tous ainsi s’en vont, tous, sauf un.


L’homme au beau milieu des champs en jachère,
Cerclés par l’horizon des mornes cieux,
S’accroupit et dit : « Voilà une bonne terre »,
Se met à genoux et prie les dieux.

Thursday 25 October 2007

Leaving my position on the Atlas

Leaving my position on the Atlas
I walk across the surfaces
No latitude but my legs and arms
Swinging in one motion towards the East.
Writing words I ignored until then,
Carving a story I ignored until then,
Embracing mountains dipped in mist
One step, one hand ever closer to harm.
Southeasterly winds blow off of the intended course
And no medium sharper than vision
To overwhelm distances with gusto;
Hunger shall be dealt with later;
Thirst quenched whenever needed
But physical pain relished with pleasure,
Every mile felt like a grain of sand
Upon the back of my hand.
Northwestern tides bearing me forth
Squaring my shoulders against currents
Drifting fleets of boats and cargoes away.
Paying no heed but to my thoughts only -
For the time being.
I intend to follow my instinct.
And no more lessons.
I intend to follow the dragonflies.
Goosebumps riddling my skin
And ask no more but for the sea, the sea,
The moon, the winds, the tides
And bursts of life throbbing,
Pulsing like a vengeance through my veins.
R.B. 10/08/07 (location unkown for the time being)

Habits

I am a man of habits I got to this conclusion because I flash-realised that I am hoping that someone, someday will see the patterns the rou...