Sunday 8 November 2009

The Man Made of Haikus

The Man Made of Haikus                                                                                                                                            

Saturday 7 November 2009

Les neiges qui perlent de tes yeux couleur de forêt


Les neiges qui perlent de tes yeux couleur de forêt
Voltigent dans les airs monotones sous ton menton
En mille étincelles tombant sans arrêt sans arrêt
Sur les traces fugitives des matins de coton.


Les mers qui furient de tes yeux couleur de cendres
N’épargnent ni mon amour ni mes souvenirs,
Ni mes sentiments que j’essaie de comprendre –
Tout s’érode tout s’use il n’y a plus qu’à fuir.


L’amertume brandie par tes yeux consternés
Me perce de part en part sans que je ne meure,
Pourtant c’est bien l’âme lourde d’un condamné
Que je traîne et qui supplie que vienne son heure.


Les pétales de rosée que tes yeux semaient,
Je les ai fanés d’un mot, d’un unique mot,
Et ils sont tous tombés à tes mains que j’aimais
Sans que je puisse en épargner aucun d’eux.


Tes yeux couleurs de nuit blanche au front d’océan
Vitraillent l’intérieur de mes paupières sombres
Et sombrent mes désirs brûlent mes sentiments
Aux flammes de l’attente des heures sans nombres.


Une aurore blanche par un matin de brume
Luit dans tes yeux couleurs de faux mouvement ;
L’étincelle partie c’est ma vie que consume
Un augure vespéral marbré de saignements.


Tes yeux couleurs d'insensée
Je ne les verrai plus
Que dans mes rêves
Lorsque le jour fini
Il me faudra alors penser
Que ce regard fut
Dans cette vie si brève
Un soleil inouï
Aveuglant l’univers
Les astres les constellations
Et que ces yeux couleurs d’éclairs
Furent ma passion
Ma seule certitude
Dans un monde sourd
Le seul point d’inertie
Dans le vide de ma chute,
Le seul objet de valeur
Et qui doit disparaître
Sans un bruit
Parce qu’à vouloir être
A tes yeux important
J’en ai oublié que le temps
Ne pouvait épargner mon cœur
De ses coups de glaives
Sans trêve sans trêve.


Il me faut partir,
Ne plus rien désirer,
Combattre le vent contraire
Les aquilons du temps
Le mot au poing,
Affronter seul
La gorgone du temps
Qui m’efface de tes yeux
De tes pupilles
De ton cœur
Sans pitié aucune
Sans espoir
De peut-être
Les revoir.

Friday 6 November 2009

Walking


Today I have strutted a city's pavement along with
A nation bled to life and realisation –
We all blend in sameness and smile –
Mind-blowing retinal residual typhoon –
No one understood the reason put forward,
Now all come to the same conclusion:
Man was born to walk on, and so he must.
Death and agony and blood and scraped metal –
Bodies tumbling down and shards of glass
In a mighty fall – all of this captured in our minds.
Some may have forgotten.
Some may still be crying, a sister,
A friend, a face once seen in a crowd.
Some have written, some have said.
Some have sung, some lay now dead.
But all, all have or had some images
Flickering before their eyes, superposed
Like so many negative images building up the pain,
Whitenoising the everyday of taking the trash out.
For those who may still not understand,
Go down in the street, walk as we all should do,
Look down at the pavement at the dimes,
Look up at the smiles, the faces,
Look into the eyes of the people of New-York –
There you shall see what it takes
to walk on.

Thursday 5 November 2009

Times New Roman 12 (an old poem unearthed from a pile of dust)


To unseam the real skies open
With a blade of grass
Is the doubtful fate of the men
Who have seen no light
At the end of the looking-glass
Where nothing is sun, or night.


Everything is dawn. Everything is day.
Nothing drawn to the angle of say.


And but the height of treetops green
Shades the evening of grey pencils –
Why is that that this thing unseen
Must be sought not for the models
They unveil but for the hiatus
Muffled deep within us.
Logic lost in the hapax legomenon.
Found again in the “exeunt”, in the “anon.”


When, and if, found again in the well
Like a leaf lost in the swell
Spiralling waterwards in the nick of time,
One needs to adapt one’s speech
To the skerries of crumbled crimes
Harrowing the ceiling of the seas.


Language perdita behind the horizon afar.
Dropped by a few birds a few times from skies ajar.


Uncut though it remains, but it we ignore,
We look stupid with our razor-sharp looks,
Trying to uncloud the old veritas of yore –
Our sad eyes no light can see
Because the ink is so black in those books
Only emerged darkness may be.

Wednesday 4 November 2009

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Chroniques d'un égoïste ordinaire                                                                                                                                                    

Chroniques d'un égoïste ordinaire #11 (last episode)


Blois.
La voilà arrivée à sa destination finale. Sa sœur l'attend sur le perron. Cette sœur qu'il a lamentablement abandonnée, ainsi que ses neveux et nièces. Ils accourent vers elle, l'embrassent. Ils apprendront à être heureux sans leur oncle. Il est mort. C'est comme ça. Il aura, au final, satisfait sa dernière volonté à elle même si, après tous ces mois sans nouvelles, cette ultime intention n'avait plus la même signification, le même impact. Amener sa dépouille jusqu'ici, la terre de ses ancêtres, était celle de sa sœur.
Le corps enveloppé dans son linceul blanc, d'abord traîné sur les dunes, laissait un passage sinueux et macabre. Elle avait demandé à le faire mettre sur un chameau, quitte à marcher à côté de l'animal. Hafez avait partagé sa place, apparemment nullement incommodé par la pestilence. Elle avait dû attendre deux jours de plus pendant qu'Arzu, une amie à lui qu'il avait connue avant la fac, mettait les papiers en ordre. Puis elle avaient décollé, voyagé, atterri, le corps dans la soute. Un corbillard réfrigéré les attendaient sur le tarmac. Il avait déposé la dépouille au funérarium, quatorze jours après sa découverte.
Elle fait un compte-rendu à la sœur, pauvre âme errante. Il était peut-être mort un, deux jours plus tôt. Le sable n'avait pas eu le temps de le recouvrir. Elle raconte le livre, le lui montre. La sœur le prend dans ses mains tremblantes. Ses larmes tombent sur la table de la cuisine, silencieusement. Elle le feuillette, s'arrête vers la fin, lit, fronce les sourcils, un rictus amer se dessine progressivement sur son visage, puis elle jette l'ouvrage contre le mur, se tient la tête entre les mains.
Elle-même ne comprend pas. Elle a vérifié. Il n'y a plus rien à lire.
Elle ramasse le cuir racorni, à présent abîmé sur toute la tranche. Trouve la page, l'avant-dernière.


Jour 720, Désert blanc.
Matin
J'ai changé d'avis. Laisse-moi où je suis. Que je reste là où le sort a voulu m'appeler. Que la nature prenne de moi ce dont elle a besoin. Je n'ai trouvé aucun endroit dans le monde où je me sente à l'aise que le monde lui-même. Le désert, la jungle, l'océan, les montagnes. J'ai vu ce que je voulais voir. Les photos resteront dans ma tête, pour une fois. Les odeurs, les sons, les images, les sensations, les pleurs, la douleur. Tout ça pour moi, et rien que pour moi. Je ne l'ai pas fait pour rien. Plus de gens pour m'ennuyer, se mêler à moi, plus de société pour me conditionner, plus personne pour me dire que penser, que faire, que vouloir. Pour me juger. Je n'ai pas eu plus de patrie que tel rocher ou tel arbre ou tel nuage. Je n'ai peut-être pas eu le droit d'en avoir. Je m'en fous maintenant. Ça n'a pas plus d'importance que de savoir si demain il pleuvra ou pas. Il a plu bien des fois, tout au long de ces quelques sept cent jours qui ont passé comme des milliers, bien des fois il a neigé, venté, tempêté même. Et à chaque fois ce même plaisir de retrouver le soleil, cet infatigable compagnon de route. D'avoir à affronter les éléments qui, eux, ne font pas de plus infime cadeau que celui de la vie. Aucune voie pour me guider que celle de mes pas. Aucune limite que celle de mon corps. Limites qui se font plus pressantes. Plus présentes, plus proches. Je pense avoir les ressources physiques pour aller plus loin; oui, je pense pouvoir retraverser ce désert déjà conquis une fois. Il est néanmoins possible que l'on me retrouve au mitan du désert. Peut-être ne retrouvera-t-on rien d'autre que ce journal. Peut-être ne retrouvera-t-on jamais rien de moi, car je serais là où même les bédouins ne vont de peur de s'y perdre, le sable comme linceul, et l'abandon pour seule issue. Que Dieu et les hommes me laissent en paix, livré à la bonne ou mauvaise volonté de personne d'autre qu'à la mienne. Je suis libre désormais.


Elle hocha la tête, referma le livre. Elle soupira, en elle-même, pour elle-même. Oui, il était libre.

Chroniques d'un égoïste ordinaire #10


Paris.
A partir de la dernière entrée elle a remarqué une nette dégradation au niveau de la précision des dates, de la qualité de son écriture manuscrite. Il avait visiblement souffert. Quelque chose avait changé.


matin
pluies torrentielles. j'ai été recueilli par un vieil homme, dans la montagne. Je ne comprends pas ce qu'il me dit. Voilà à quoi m'a mené mon insatiable hubris: apprendre une dizaine de langues et je suis incapable de communiquer. mal de tête, bourdonnements, fourmis. nausée.


il Ne peuT pas ne paS Avoir raison. IL ME DIT qu'il n'y pas rais on poru que ça aille pas, mais moi je saiS


nuit
Restent trois comprimés. Pas lourd. Ne sais pas trop où je suis. Vieil homme sympathique, sa voix est douce et râpeuse. Nuit calme. Il me montre des étoiles, m'explique, assis sur ses talons, vêtus de haillons. Son visage est ridé, surtout lorsqu'il sourit. Ses yeux brillent comme la mer sous les feux de la lune. Je deviendrai libre ou je mourrai en tentant de le devenir.


Nuit
le vieil homme m'a donné une pipe en bois, je crois, pour m'accompagner. M'a pratiquement arraché des larmes. Il a salué longtemps, la main en l'air, alors que je redescendais sa montagne. Je vais mieux, ou plutôt: mon corps va mieux.


Matin
retrouvé une vieille amie, presque par hasard. Dans une agence de voyage. Nous avons dîné ensemble, avec son mari et ses trois enfants, chez elle. Arzu me traite de fou, mais elle a bien voulu traduire le message en arabe classique. Je l'ai agrafé sur la première de couverture. Précaution qui trouvera son utilité? Devenu homme de peu de mots, ironie trouvée dans une simple phrase que je peine à comprendre, moi qui, il y a peu pour quiconque et une éternité pour moi, trouvait mon bonheur dans l'utilisation effrénée de verbes. J'ai appris à partager, même si je possède peu. Le peu d'objets qui ont compté pour moi, je les ai offerts, de bon cœur, à ceux qui leur trouveront une utilité, quelle qu'elle soit. J'ai appris à aimer, aux dépens de certaines personnes. J'ai appris à me connaître, au crépuscule de ma vie. Il n'est jamais trop tard. J'ai surtout appris qu'il vaut mieux mourir dans la tentative de liberté que de vivre dans l'acceptation du carcan.


Après cela il n'y a que des pages blanches. Dans ce livre toute l'histoire de sa déchéance, de sa lente descente aux enfers. L'explication de son geste, la justification de son égoïsme sans pitié. Cette tumeur qui l'a terrassé au beau milieu du désert lui a permis de comprendre que son attitude n'était pas viable. Il savait que Conrad avait raison, mais ne voulait pas l'admettre, pour une raison ou pour une autre, qu'il a emporté avec lui, qu'il ignorait encore peut-être.

Monday 2 November 2009

Chroniques d'un égoïste ordinaire #9


Dans l'avion.
« Pas plus d'entrain que ça, » se dit-elle. Elle rentre pourtant. Au bercail, voir sa famille. Elle se sent nostalgique, mais de quoi. De quoi, bon sang. Elle n'était plus amoureuse de lui, il ne lui avait fallu qu'une nuit pour s'en rendre compte. Il lui restait un profond, un sincère attachement – dévouement, lui susurra une petite voix – mais elle en avait bavé. Et lui aussi, selon toute vraisemblance.


Jour 256, Saint Pétersbourg.
Je me souviens, comme si c'était hier, du verdict. Choc brutal du diagnostique. Un nom abominable suivi de tout un chapelet de mots tout aussi ignobles. Je savais que les maux de tête et les troubles de la mémoire n'auguraient rien de bon, mais pas ça. On entend les mots Glioblastome multiforme mais on ne comprend pas tout. On demande de parler français. Le mot tumeur tombe comme une lame de guillotine puis on entend en sourdine et en écho en même temps: tumeurs gliales anaplasiques...pronostic vitale...entre deux et quatre ans. J'ai entendu que dans mon malheur j'avais de la chance et que la tumeur se situait dans le lobe occipital. Je n'aurai pas, du moins dans l'immédiat, la dégénérescence neurologique et la dégradation de la personnalité qui accompagnent généralement les autres symptômes. Je lui signale que je n'aurai pas la chance d'avoir dégoté une tumeur asymptomatique. Il fait la moue. Et elle qui pleure, alors que ça m'arrive à moi. Le pire dont je puisse souffrir pour le moment, avant que la tumeur ne grossisse, sont des hallucinations visuelles. Il ne peut expliquer pourquoi je ne fais pas de crises d'épilepsie, mais me dit quoi faire en cas d'hémiparésie. Il délivre tout un paquet de médicaments, pour certains j'en ai encore sur moi, au cas où. Je renouvelle au fur et à mesure, quand je le peux, dans les grande villes, auprès de médecins complaisants.

Jour 365, Vladivostok.
Si j'ai bien comptabilisé le nombre des jours, voilà un an que je suis parti. Une année de voyage. D'errance ou de fuite doivent se dire certains, si tant est qu'ils pensent encore à moi. Mon acte, qualifié d'égoïste à n'en pas douter, était un choix de solitude, de privations. Bien fait, diront ces mêmes personnes. Je savais en partant que cela faisait partie de la donne, que rien ne serait simple. Mes capacités physiques diminuent, je le sens. Il y a des hauts, des bas. Je m'en fous. Peu de gens sur cette terre peuvent se targuer d'avoir vu ce que j'ai vu. Budapest sous un matin de neige; Prague en tenue de soirée; l'écho des vagues me berçant à Bari et bien d'autres choses encore. J'ai traversé des montagnes, des mers, des marécages, des steppes, des déserts arides, des vallées verdoyantes. Et il y en aura d'autres encore, si Dieu le veut.


Jour 469, Kyōto, route du Tōkaidō
Le docteur à Ōsaka a bien essayé de me faire comprendre que mon voyage, ma fuite si j'ai bien compris, n'était que pure folie. Il a essayé de m'en dissuader, mais sa culture l'a rattrapé et il m'a laissé partir. Brave homme. Me voilà dans l'ancienne capitale. Un rêve. Des années que j'attendais cela. La route mythique. Le vieux monde. Ce peuple qui à bien des égards intrigue, fait peur, révulse, alors qu'il est méconnu mais admirable. Le Hanami est un événement unique. Tout le monde sourit. On vient me serrer la main, me demander ce que je fais ici. La même chose qu'eux, je leur réponds, et ils sourient. Ils me convient à partager leur repas et leurs enfants me regardent avec attention. Le plus petit, pas encore tout à fait stable sur ses deux pieds, vient à moi, touche mes cheveux, mes paupières, s'amuse de mes grands yeux. Je resterai, pour cette famille, un voyageur devant l'éternel, et pas un homme condamné cherchant à fuir. Ils savent que je trouve ce que je cherche, et ils n'ont pas eu besoin de beaucoup de mots pour le comprendre.


Jour ? (596?)
Perdu quelque part en Chine. Perdu au nombre des jours. Désert du Taklamakan. Jamais vu un endroit pareil. Encore un cran à ma ceinture, je perd du poids à vue d'œil, il va falloir que je me remplume. Pas ici: rien. Pas même un animal, un insecte ou un charognard. Le vide total. Cri étouffé par la chaleur, par l'immensité. Pas d'ombre. Je marche. Aucun repère si ce n'est celui que la boussole veut bien me faire espérer. Pas de trace de passage, de civilisation, même nomade, même primitive. Je résisterai. Quoi qu'il m'en coûte.

Chroniques d'un égoïste ordinaire #8

Tripoli.
Arrivée à l'hôtel. Hafez est parti avec la récompense promise. Il retourne dans le désert parmi les siens. Elle dans sa patrie. C'est mieux ainsi. Elle s'allonge sur le grand lit. La douche, elle en avait rêvé. Elle avait accueilli l'eau sur son corps comme une bénédiction. Le livre est posé sur son sac. De là où il est elle ne peut voir qu'une partie de la couverture au cuir écorché, vieilli, et le message de secours écrit en arabe. Elle avait corné les pages « intéressantes », celles où il décrivait sa nouvelle passion. Elle avait eu raison de lâcher prise, de stopper ses recherches après le coup de Londres.


Jour 90, Tirana.
Je me rends à Londres. Le temps presse. Je dois voir Pauline, finir ce qui a été commencé il y des années. La seule qui m'ait jamais compris.


Jour 95, Tirana.
De retour dans la capitale albanaise, accompagné de Pauline. Nous parlons à bâtons rompus. Huit années d'incompréhension balayées en quelques mots. Je voulais me détruire, m'empêcher d'être heureux. Je ne voulais pas qu'on me comprenne, qu'on me dise que j'avais tort. Que j'avais besoin d'aide, que je vivais un enfer sans nom, chez mes parents. Voilà pourquoi je l'ai quittée. Elle a compris. À présent elle est ici. J'écris des poèmes, elle les lit, les aime. Nous marchons ensemble. Elle me soigne, m'aide lorsque j'en ai besoin. Elle sait que ceci n'est que temporaire, que je voudrais, à un moment donné et indéterminé, vouloir reprendre ma solitude. Je pense qu'elle profite des instants qu'elle n'a pu avoir auparavant. Bien narcissique comme idée. Ou alors elle prend ce que la vie lui donne, en profite tout autant que de moi, que moi. Nous nous ressemblons. Peut-être va-t-elle se lasser.


Jour 137, Samothrace.
La pluie creuse les dunes de ses épaules. Je n'ai rien vu de plus beau. Son ventre à même le rivage, ses seins lourds frôlent le sable fin, la cambrure de ses reins épouse les formes des îles au loin. Nous sommes seuls sur cette plage. Fait assez rare pour être souligné, il pleut en Grèce. Mais je suis avec Pauline et en fin de journée l'Eosphoros solaire reviendra sécher cette nature grandiose. Ma victoire de Samothrace. Je suis heureux. Pendant quelques instants, oui, j'ai cru ne pas devoir mourir, j'ai cru mériter ce moment de plénitude. Mais rien n'est dû, tout a un prix.


Jour 159
Pauline est partie, dans la nuit. Elle m'a confié ne pas aimer les adieux, les hôpitaux, les malades. Comme je la comprends. Elle a décidé qu'il était mieux pour elle de me quitter, de conserver un souvenir de moi qui ne soit pas désagréable, ou pire. Elle ne veut garder que le meilleur. Je reprends donc mon errance, seul, face au monde qui reste à parcourir.


Il n'avait eu que ce qu'il méritait. Confronté à une autre égoïste, il s'était vu retirer l'objet de son bonheur. Le problème est qu'il prenait tout, comme à son habitude, avec philosophie. Peut-être était-ce là sa façon de se protéger, de tout rationaliser, pour ne pas avoir à en souffrir. Elle est vannée, éreintée. Sur les rotules. Tout ça pour un mort. Son vol est dans deux jours, elle visitera la ville, pour se vider l'esprit.

Sunday 1 November 2009

Chroniques d'un égoïste ordinaire #7


Jour 18, Berlin.
On ne se ressemblait plus. Elle ne faisait plus l'amour et ne savait pas pourquoi, ne se posait même plus la question. Quelque chose clochait et elle faisait l'autruche. Il fallait se rendre à l'évidence crue, à l'inévitable fin directement sans passer par ces déchirements banals de couple banal. Au final, cette tumeur aura eu raison de nous, pour le meilleur sans aucun doute.


Le salaud! Il n'a rien compris. Plus elle lit et moins elle a envie de continuer. Elle lui en veut de rabaisser les moments qu'ils ont passé ensemble. Lui-même avait dit qu'ils en avaient bien profité. Pourquoi renier? Il était peut-être vrai qu'ils faisaient moins l'amour à l'époque, mais après les premiers mois où chacun découvrit l'autre, la routine s'installa; et puis il y avait le travail, la maison à rénover. Il n'était pas juste. Comme si, par dessus le marché, il lui mettait ça sur son dos à elle.


Jour 40, Budapest.
Un jour, quelqu'un demandera pourquoi je suis parti, pourquoi j'ai abandonné mes amis, ce qui restait de ma famille. Peut-être est-ce déjà fait, je me fous de savoir qui. Je n'aurai qu'une chose à lui répondre: une citation qui dès sa lecture m'a fichu la chair de poule, chaque mot résonnant et s'inscrivant du même coup dans mon cortex cérébral qui, même en décomposition rapide, ne pourra plus se souvenir en dernier lieu que de ceci:
« I will not serve that in which I no longer believe, whether it call itself my home, my fatherland, or my church: and I will try and express myself in some mode of life or art as freely as I can and as wholly as I can, using for my defence the only arms I allow myself to use – silence, exile, and cunning. [...] You made me confess the fears that I have. But I will tell you also what I do not fear. I do not fear to be alone or to be spurned for another or to leave whatever I have to leave. And I'm not afraid to make a mistake, even a great mistake, a lifelong mistake, and perhaps as long as eternity too. » Jusqu'à mon dernier souffle j'espère ne me souvenir que de ces mots, afin de voir ma vérité en face.


L'a-t-il vu, sa vérité?
Elle a toujours cette odeur abjecte dans les narines. Le feu crépite. Hafez et Azdim ont fini d'installer la tente. Les nuits sont froides, paraît-il. Ils dormiront dans la même tente, elle est d'accord. Non, elle n'a pas peur, ni de lui ni d'Azdim. Elle les remercie de leur patience, de leur gentillesse, de leur générosité. Elle ajoute qu'elle a laissé l'argent à Arzu, pour plus de sécurité. Ils hochent de la tête, sourient. Chacun se comprend dans sa propre appréciation de l'anglais. Ce n'est pas sa tasse de thé non plus, elle parle le portugais couramment. Elle est plutôt Amérique latine: Brésil, Pérou...D'ailleurs elle aurait dû partir, accepter le boulot qu'on lui proposait là-bas, mais elle avait cru qu'il reviendrait, qu'ils reprendraient tout à zéro, et elle avait laissé passer sa chance.
Sa mort achève quelque chose. Une sensation étrange dans son bas-ventre, le frémissement de quelque chose en train de mourir de la plus lente et de la plus disgracieuse des morts.
Cette nuit-là, elle se rapprochera de Hafez, comme pour se rassurer de son existence, de la matérialité de son corps. Elle aura tout le temps de s'abandonner à ses larmes plus tard.

Habits

I am a man of habits I got to this conclusion because I flash-realised that I am hoping that someone, someday will see the patterns the rou...