Thursday 24 December 2009

Joyeux Noël à tout le monde!

Merry Christmas to all!

Manuel quotidien de résistance acharnée à l'usage de tous ceux qui luttent parfois contre eux-mêmes #8


Cela faisait bientôt dix ans qu'il se préparait avec patience, quotidiennement, au moment où il perdrait son bras droit. Ou l'usage de son bras droit, il ne savait pas trop encore. C'était juste un pressentiment, mais parfois il était si puissant qu'il en avait les larmes aux yeux. Il se préparait avec la détermination d'un athlète qui sait que tout se joue dans quatre ans, aux jeux olympiques. Il se mettait à imaginer les regards des gens une fois sur le podium, la compassion, sa souffrance reflétée dans celle des autres en regardant son moignon qu'il exhiberait avec une fierté toute dissimulée. Mais il n'y avait pas que cela.

Bien entendu il n'était pas devin et il pourrait passer sa vie avec son bras droit comme la plupart des gens, cependant il savait depuis tout petit qu'il aurait à souffrir d'un grand traumatisme, comme celui de perdre un membre de sa famille ou une partie de son corps. La perte de son bras droit s'était imposée d'elle-même, au fil du temps: c'était celui dont il se servait le plus, celui dont on s'attendait à serrer la main. Depuis ce fatidique jour d'avril, il se forçait non pas à devenir ambidextre, mais bel et bien à tout faire de la main gauche, sans aucune aide ou presque de sa main droite. Il lui arrivait parfois d'espérer conserver un moignon suffisamment grand pour pouvoir au moins faire levier, au tard de la nuit, le bras strappé dans le dos, dégoulinant de transpiration.

La trentaine passée, voilà plus de dix ans qu'il attendait ça avec l'impatience d'un chirurgien plasticien quelques heures avant une double mammectomie et reconstruction mammaire dans la foulée. En son for intérieur il savait devoir subir cela, pour une sombre raison, pour un prétexte aussi insignifiant peut-être qu'une paire de claque en rentrant de l'école. Parce qu'il avait été comme ça, petit. Tout devait prendre une ampleur démesurée, il fallait faire une montagne de la plus petite chose. Il lui fallait de la démesure parce qu'il était banal. Il n'avait rien pour être heureux. Il n'était ni beau ni repoussant. Pas grand chose pour lui, à part peut-être sa volonté d'aller de l'avant. Il était d'une banalité affligeante, le type qu'on croise dans la rue et qu'on ne voit pas. Le type dont on remarque plus le chien lorsqu'il le sort que lui-même.
Être un amputé lui apporterait tout, tout ce qu'il désirait: le regard des autres, le pathos, la compassion, l'empathie. Surtout, il serait ce qu'il était véritablement: un homme complet dans son incomplétude. Un homme entier par son handicap visible. Il n'était pas trop couard pour mettre un terme à cette complétude inachevée: les choses se feraient d'elles-mêmes, un jour surprenant. Il savait que son destin résidait dans ce bras de trop dont il se servait par défaut, ce bras qui lui ferait voir la vérité, comme un Tirésias ou un Œdipe qui, ayant perdu l'usage de ses yeux, voyait enfin l'homme dans ce qu'il était de plus pur, en bien ou en mal. Il verrait l'Homme et il se verrait lui-même, fier de son reflet dans le miroir. Comme ces aveugles qui enfin se connaissaient eux-mêmes.

Il savait qu'il y avait un nom pour ça, au fait de ne plus vouloir une partie de son corps, mais à la rigueur il s'en fichait: il était différent de toute cette engeance-là. Il n'était pas du même bois que ces tarés. Il était unique, sans précédent ni successeur.

Wednesday 23 December 2009

Manuel quotidien de résistance acharnée à l'usage de tous ceux qui luttent parfois contre eux-mêmes #7


« J'ai rendez-vous avec le type...zut...je sais plus son nom. Le gars du BTP.
_ Jean-Philippe Janvier. D'accord. Tu reviens à quelle heure?
_ Dans deux, trois heures, tout va dépendre du trafic. Tu me téléphones si tu as un problème?
_ No problem, boss! »
Ahaha, toujours aussi drôle, ce Michel. Bon. Un dernier coup d'œil aux courriels de la matinée et hop, en voiture. Il n'avait pas tant de route à faire que cela. Son client était un gros ponte des BTP, le numéro deux de l'entreprise. Ils avaient des chantiers partout dans le monde: Dubaï, Pékin, Los Angeles, Londres, Sao Paulo, Rambouillet. Il allait donc le rencontrer là-bas, parce qu'il était quasiment injoignable si on ne venait pas le voir sur un de ses chantiers. Et puis il fallait faire du forcing: ils étaient trois sur la même affaire. Ce n'est pas Coluche qui disait qu'il valait mieux être plusieurs sur une bonne affaire que tout seul sur une mauvaise? Bref, ça lui reviendrait plus tard. Il monta dans la voiture, s'engouffra dans le trafic déjà dense de la rocade. Pour être à deux heures à Rambouillet, il s'y prenait bien à l'avance. Il prendrait même l'autoroute.


Il ne lui fallut qu'une grosse demi-heure pour arriver à destination. Plus que trois-quarts d'heure à tuer le temps. Ou pas. Depuis qu'Hélène était partie – surtout depuis qu'elle n'était pas revenue – une sorte de démon s'était emparé de lui. Son plus grand secret tapait contre le couvercle de la boîte où il l'avait enfermé. Violemment parfois. Il faisait mine de ne pas l'entendre en journée, pour mieux s'y adonner la nuit venue, seul dans cet appartement où plus aucune trace de celle qui avait partagé sa vie durant ces années n'apparaissaient. Ça aurait fait trois ans, s'il n'avait pas joué au con. Bientôt un an à Chartres. Bref. Toujours est-il qu'il ne ressentait aucunement la solitude, mais au contraire mettait à profit cette période de célibat pour être lui-même. Les relations avec Michel s'était largement détendues – il l'appréciait même. Ils avaient longuement échangé, lui avait expliqué sa vision du monde, des affaires et avait évoqué la direction qu'il voulait imprimer à son entreprise. Michel, désormais son unique employé, avait quant à lui exprimé ses craintes, son incapacité à suivre le rythme, avait évoqué l'humeur changeante du boss.
Il avait donc mis en place beaucoup de choses, outre son changement radical d'humeur, notamment un « partenariat », plus qu'une fusion, avec un collègue. Ils se partageaient la gestion des plus gros dossiers. Cela arrangeait tout le monde et Michel, du coup, en était devenu efficace. Il avait également appris beaucoup de choses sur lui: il avait divorcé quelques mois avant d'entrer dans la boîte suite à sa dépression et sa perte d'emploi. Ils se voyaient toujours, lui et son ex-femme, côtoyaient encore la famille et la belle-famille, ensemble, pour leur bien à tous les deux. Ils parlaient de se remettre ensemble mais ils avaient chacun un grand besoin de liberté, de vivre un temps chacun de son côté.
Pendant ce temps-là, inconsciemment, il était en train de laisser le couvercle de la boîte s'ouvrir. Le problème, avec les boîtes comme celle-ci, est qu'elles ont une fâcheuse tendance à s'ouvrir d'elles-mêmes.
Il prit une autre chemise dans sa valise, une plus ample, lui qui aimait les porter près du corps. Il changeait de chemise régulièrement avant chaque rendez-vous à l'extérieur, pour éviter les auréoles sous les aisselles et autres taches probables de nourriture ou d'encre. Il voulait toujours avoir l'air impeccable, au moins on ne lui reprocherait pas ça. Tout en enlevant son ancienne chemise encore propre, il lui vint l'idée de coincer son bras droit dans le dos. Pour être certain qu'il reste près de son corps ou qu'il ne se serve pas de son bras par mégarde, il l'enturbanna avec de l'élastoplaste.
Techniquement, c'était se faire passer pour un infirme alors qu'il était tout ce qu'il y a de plus valide. Peut-être pour gagner le contrat. Ou pas. Voir la pugnacité de l'infirme qui confronte le monde sans sourciller, à bout de bras – qui n'a ni singulier ni pluriel définis. Ou plutôt un pluriel qui va de soi: on a tous deux bras, non? Ça, ça calmait les ardeurs des plus furieux. Les gens vous écoutaient. Et puis ils étaient trois sur cette affaire.
Techniquement, c'était tricher. Mais éthiquement, il ne trichait pas, sans aucun doute par omission – omission qu'il désirait à corps et à cris.

Tuesday 22 December 2009

Manuel quotidien de résistance acharnée à l'usage de tous ceux qui luttent parfois contre eux-mêmes #6


« Mais pour qui tu te prends? »
Gifle en pleine tête. La question résonnait encore entre ses deux oreilles rouges de colère, mais il se reprit vite.
Deux fois qu'il l'entendait, cette putain de phrase. Bon, d'accord, la première fois c'était lui qui l'avait prononcée, clairement, distinctement, pour qu'il n'y ait aucune méprise.
« Mais pour qui tu te prends? Tu sais que j'ai juste à appuyer sur un bouton et ton siège éjectable saute. Tu es dans une team, et si t'as pas le team spirit alors tu prends la porte.
_ Écoute, j'ai pas l'habitude qu'on me parle sur ce ton, surtout un gamin qui a vingt ans de moins que moi. Alors tu vas commencer par te calmer, et me parler autrement. Je suis pas Michel. Si tu veux que tes « ordres » – et il mima les guillemets en l'air – soient obéis, tu as tout intérêt à les formuler plus clairement que ça.
_ Tu as peut-être vingt ans de boîte de plus que moi, le monde a changé mon ami. Il faut te mettre à la page et être dans l'air du temps.
_ Je t'ai dit d'arrêter de faire le dur. Tu es le patron, mais ça va pas m'empêcher de dire ce que j'ai sur le cœur. Tu diriges ton équipe comme un chef, mais tu t'en fous de savoir si on a des sentiments ou pas, des états d'âme ou pas, si on a des problèmes ou pas. Tu sais pertinemment que Michel ou moi on a pas fait les mêmes études et –
_ Je t'arrête tout de suite – il lève la main, paume vers l'extérieur – si tu veux me faire la morale. Nous sommes dans un monde de requins: si tu ne bouffes pas, tu te fais bouffer. La vie se résume à ça. Life and Death.
_ Eh! Oh! T'es plus à la bourse là, mon coco! C'est la vraie vie qui se joue! On est humains!
_ Et c'est pour ça qu'on va devoir se passer de ton humanité.
_ Ah ouais, comme ça. Tu me vires comme ça.
_ Si c'est de l'argent que tu veux, tu auras des indemnités. J'ai toujours drivé comme ça et les résultats sont toujours venus.
_ C'était pas de l'argent que je cherchais, mais un boulot sympa avec des gens sympa, dans une ambiance sympa. Qu'on me traite avec respect. Qu'on me demande des résultats ça ne me dérange pas. Mais je ne vendrais pas mon âme au diable pour ça. Bonne fin de journée. »


« Mais tu te prends pour qui? » Cette fois-ci ce fut Hélène, debout face à lui affalé sur le canapé.
« Ton père est pas vitrier.
_ Bouge ton cul de ce canapé à la con. Mais pour qui tu te prends?
_ Tu te répètes. Je me prends pour le chef de famille. Pour celui qui paye le loyer et les factures. Ça me donne un paquet de droit.
_ Chef de famille? Non mais tu planes à dix mille, mon pauvre. Y'a pas de famille ici.
_ Mouais, pour l'instant. Ça fait combien de mois maintenant?
_ Combien de mois de quoi?
_ Que t'es enceinte? »
Elle écarquilla les yeux. Il l'avait surprise et elle ne put s'empêcher de l'être. Elle n'aimait pas ces moments de faiblesse avoués. Elle se força donc à sourire, ne serait-ce que pour reprendre le dessus, en apparence.
« Je ne sais même si j'ai envie d'avoir cette conversation. Je suis loin d'être enceinte. Je sais pas si t'es au courant mais ce que tu demandes au lit, c'est loin d'être la norme. Donc je risque pas de l'être. De toute façon ça résout rien à notre affaire. Et puis non merci!
_ Ohlà! Monte pas sur tes grands chevaux, cowboy. Tu prends un autre ton avec moi. Je suis pas ton père.
_ Ne commence pas. Pas là-dessus. » Encore un coup bas. Il avait bel et bien déterré la hache de guerre. Quelle mouche le piquait? Elle connaissait ses sautes d'humeur, mais depuis quelques jours il battait des records.
« Attends, c'est toi qui viens me chercher et faudrait que je ferme ma gueule? T'as pas tiré le bon numéro. T'as un sérieux problème à régler. Tu penses que les autres sont à ta botte et que tu peux en disposer comme tu veux? No way!
_ Très belle auto-analyse. Je suis pas ton chien. Quand tu reviens du boulot, t'es soit exécrable soit tu m'adresses pas la parole. Je sais pas lequel je préfère. Soit je suis une merde, soit je suis rien.
_ Ben donne le change et réfléchis un peu, t'auras la solution toute trouvée. » Au moment même où les mots sortirent de sa bouche, il sut qu'il était allé trop loin, que, connaissant Hélène, elle ne reviendrait pas, pas après ça. Il fit un geste de la main vers elle, étonné d'être debout, de sentir son cœur cogner contre ses côtes, contre ses temps, étonné d'être aussi près d'elle et qu'elle fut déjà aussi loin. Elle n'avait pas paru surprise, cette fois. Comme un déclic, un flash au fond des pupilles. C'est tout ce qu'il avait vu. Tous ces longs mois à construire quotidiennement, avec acharnement et détermination, un couple qu'il venait de cingler avec le pire des fouets. Anéanti en quelques secondes. Ou peut-être avait-il perdu pied bien plus tôt. Comment en étaient-ils arrivés là? Pour la première fois il ne sentait pas Hélène entièrement fautive. Il devrait peut-être mettre sa dernière question au singulier.
Il l'entendit sortir la valise de dessous le lit, dans la chambre. Il ne la retiendrait pas. Ils avaient besoin de cette coupure. De toute façon elle n'était pas en état d'entendre quoi que ce soit. Elle n'en ferait qu'à sa tête, elle voudrait avoir raison et ne s'arrêterait pas à son point de vue à lui. C'est cela: elle était inarrêtable.
Il s'assit dans le canapé, regardant la télévision sans la voir. Les oreilles aux aguets. Elle sortit de la pièce sans même jeter un regard sur lui, sans dire un mot. De toute façon, elle était inarrêtable.

Monday 21 December 2009

Manuel quotidien de résistance acharnée à l'usage de tous ceux qui luttent parfois contre eux-mêmes #5


Enfin seul...Hélène couchée, la télé et lui en tête à tête, la télécommande dans la main gauche. Ce soir, comme parfois il fait, il plaque son bras droit contre son dos, sous le t-shirt. Puis, adossé au canapé, il ne fait rien d'autre qu'exister. Les soirs comme ceux-là, il se sent vivre. Il sent d'abord les fourmis courir le long de son biceps, puis de son triceps peu de temps après. Il faudra bien une heure avant que ces fourmillements ne parviennent dans chacune de ses phalanges et ne finissent d'anesthésier complètement son bras. Et là...

Sunday 20 December 2009

Plus de 1000 visites depuis le mois de septembre...Merci à toutes et à tous! Je sais pas vous, mais moi je m'amuse bien! A très bientôt!

More than 1,000 visits since September...Many thanks y'all! I don't know about you, but I'm having a hell of a time! See you soon!

Citation de la semaine: thème libre/ Quote of the week: free theme (Merci à Chab, Caramel, Caro et Flore!)


« Mieux vaut voyager plein d'espoir que d'arriver au but... « (proverbe japonais, encore et toujours...)


Les mots que l'on ne dit pas sont les fleurs du silence (proverbe japonais)


Est-ce l'oeuf le père de la poule ou la poule la mère de l'oeuf ? (R. Devos)


"Parler juste, c'est comme chanter juste, c'est un don. Mais ça étonne moins." Jean Piat


"L'ennui fait le fond de la vie, c'est l'ennui qui a inventé les jeux, les distractions, les romans et l'amour." Miguel de Unamuno


"Si tout homme avait la possibilité d'assassiner clandestinement et à distance, l'humanité disparaîtrait en quelques minutes." (Milan Kundera)


"L'essentiel ne l'est pas toujours, mais provisoirement" Iris Murdoch, in Under The Net


Philosopher, c'est apprendre à mourir (Cicéron)


"Avant d'aller te messer, viens faire la grande moucherie !" (ma Grand-Mère, Surcouf du langage!)


"Ever tried. Ever failed. No matter. Try Again. Fail again. Fail better." Samuel Beckett


"Je considère l'amour comme l'unique attitude digne de la vie de l'homme." (Salvador Dali)


Les massifs d'orties servent de cicatrices (Guillevic)


«Je n’ai pas échoué [à fabriquer l'ampoule]. J’ai simplement trouvé 10.000 solutions qui ne fonctionnent pas.» Thomas Edison


Dieu n'est pas à la hauteur. Il n'est même pas dans le bottin. (Tristan Tzara)


Noël célèbre la naissance de Jésus Christ, fils de Dieu, venu sur terre pour effacer les péchés du monde, mais il avait oublé sa gomme. (P. Desproges)

Entre l'homme qui se fait comprendre et celui qui ne le fait pas, il y a un abîme de différence. Le premier sauve sa vie... (Primo Levi)


Gardez-nous la révolte, l'éclair, l'accord illusoire, un rire pour le trophée glissé des mains. Gardez-nous la primevère et le destin (René Char)


« Constant development is the law of life, and a man who always tries to maintain his dogmas in order to appear consistent drives himself into a false position. » (Gandhi)


« I do not fear to be alone, or to be spurned for another or to leave whatever I have to leave. And I am not afraid to make a mistake, even a great mistake, a lifelong mistake, and perhaps as long as eternity too. » (James Joyce, A Portrait of the Artist as a Young Man)

Game of the week: animalistic exquisite corpse (Thanks to Caramel!)


It was raining cats and dogs this morning, but he knew he had to do it. There was no other choice but to go there. Wearing his green wellies and a black mac, Mr. Nice rushed to the overflowing pond with a bucket to rescue his scarlet koi carps. Mr Nice had bees in his bonnet: he knew perfectly well what dwelt near the pond. How to avoid it was another matter. As he approached, he saw a shadow lurking by the nearby tree. He felt like a sitting duck: he had to act and quickly. He ignored the goosebumps riddling his skin and ran for it. He dived and cupped both his hands on the shadow. He had it! He opened his hands and saw an unusual fox, white of coat & red of socks! Mr. Nice was speechless! The fox explained that the carps had switched his colours when he had tried to catch one of the magical carps! Mr. Nice gave the fox a bear hug and took him home. "Something must be done to obviate the injury," he thought. So back home he cut herbs, brewed them and then dried the decoction which turned into a horse pill. The effect was to be known after a whole day. The fox looked as snug as a bug in a rug sitting there on his Chesterfield sofa in front of the fire. So Mr. Nice decided to act. He thought there was more than one way to paint a fox. But it was a horse of another colour. As cool as a cucumber, he proceeded to the pond in the hopes of reasoning with the carps but they were known to be as clever as a cartload of monkeys. Catspaws riddled the surface of the pond under a slight breeze. The carps were huddled together, thick as thieves, nonchalantly gulping air. "Did you or did you not monkey with the fox?" Mr. Nice asked them, in an equally nonchalant manner. They were as meek as lambs: "We didn't do anything," cried they with one voice. "Don't try to pull the wool over my eyes! Confess!" roared Mr Nice. The carps were lying through their teeth. "I cant stand here rabbiting with you all day!" exclaimed Mr. Nice. So he went to buy some truth serum at the local CIA retail store. Back to the pond, the carps were going ape. "No! No! No! Don't do that!" He emptied the whole bottle, smirking. "So now... Trapped as a bird in a cage! Speak the truth or die, no, lie forever!" blurted out Mr. Nice. Who was no longer nice. He was ready to tackle the bull by the horns. The carps, seeing this, surrendered and said: "Yes, we did it!Some of us had a whale of a time tormenting him after years of listening to his arctic tales. But most of us wanted to summon the snow!" And that is the end of the cock and bull story.

Jeu de la semaine: Cadavre exquis au goût de poisson (Merci à Caro!)


Il se sentait comme un poisson dans l'eau, sur cette plage déserte, malgré le récent naufrage du bateau de croisière. Il allait devoir apprendre à vivre sans filet. Cette perspective lui était finalement assez réjouissante. Il vivait de baies sauvages, regardait des couchers de soleil magnifiques sous son abri de fortune, une vieille plaque de tôle à la peinture écaillée. Et cette étendue, de sable et de temps infinis. Un bonheur brut, une égoïste retraite tant convoitée. Que de péchés pour en arriver là ! Naufrage du bateau, tout le monde mort sauf lui...il n'avait plus qu'à buller en attendant les secours qui mettraient des semaines avant d'arriver! Tuer le temps... Écrire... Mais avec sa mémoire de poisson rouge, il ne savait même plus comment on fabriquait du papier à base d'écorce de palmier... Il se prit donc à gratter l'intérieur de l'écorce avec l'arête d'une pierre tranchante, inventant du même coup un nouvel alphabet. Cela lui permettrait peut-être de faire de sa vie de requin de la finance un nouveau conte de fée... Mais il y avait baleine sous gravillon. Parfois comme un ronronnement vibrait dans l'air paradisiaque de l'île. Il devait tirer ça au clair. Comme le vent dans les voiles, il furetait, cherchait à appâter ces idées qui lui trottaient dans la tête. Il avait une bonne ouïe, mais il n'était pas certain que le bourdonnement vienne du "dehors". Assis sur ce banc, face à la mer et à son fils Éole, l'heure du bilan semblait avoir sonné. Une vie à l'horizon se pâmait d'incertitudes. Une certaine mélancolie semblait l'envahir. Rien ne servait de tourner comme dans un bocal mais il ne pouvait s'en empêcher. Il devait agir, et vite. Pourquoi agir d'ailleurs ? Quelques gouttes de raison, un rêve en papillote, un zeste de folie... et un territoire infini de pensée, quel festin! Une idée semblait surnager dans cette soupe: rester. Il n'était pas né pour vivre dans une boîte à sardine en ville. Il avait l'espace, le temps. Il avait enfin le choix, de frayer ou non, au fond de ses pensées. Pas de contraintes et pas d'à priori... un avant-goût de paradis. Soudain, il vit au loin le panache de fumée d'un navire. Il n'allait pas mordre à l'hameçon. Il prit ses jambes à son cou et s'enfuit dans la jungle. Les mailles du filet commençaient à se rompre... et c'était tant mieux! Mais voilà, il allait tout de même falloir survivre. Il devrait se prémunir des navires de passage pour ne pas se faire harponner en plein bonheur, et aussi assurer sa survie. Le tour de l'île il fit et se nourrit en chemin de trois exquises et juteuses papayes. Quelle joie de penser à la tête de merlans frits de ses collègues, ces zombis de la finance s'ils le voyaient à cet instant, la bouche gavée de papaye, le cheveu long et la barbe rêche, ils en seraient médusés! Et sa deuxième femme, cette morue qui ne pensait qu'à la pension alimentaire de son inculte rejeton... il ne put retenir un sourire de contentement... car il n'accosterait plus jamais dans ce port-là. Ni dans aucun autre d'ailleurs... Il se sentait désormais si léger qu'aucun plomb ne pourrait jamais plus lester cette solitude enfin retrouvée.

Manuel quotidien de résistance acharnée à l'usage de tous ceux qui luttent parfois contre eux-mêmes #4


Aujourd'hui, il n'était ni en avance, ni en retard. Il ne fit ni ses ablutions, ni un geste envers celle qui ne partageait pas que sa couche. Il ne vit pas les parures vermillons de l'horizon, ni ce disque rougeoyant qui se dévoilait minute après minute; pourtant, il ne se pressa pas. Il ne prêta aucune attention au vol d'oies sauvages qui coupa un ciel sans nuages. Il ne conduisit ni prudemment, ni imprudemment. Il ne se gara pas à sa place habituelle. Il ne dit mot à ses deux collègues qui ne s'y feraient jamais. Il ne parla point et pourtant il ne fit pas que son travail ce matin-là. Les yeux absents, dans le vague d'un rapport parfois, il ne se déconcentra pas, ni n'arriva à se connecter à ce qu'il faisait.
Aujourd'hui, il ne remarqua pas la demoiselle qui papillonna des paupières en lui tendant son ticket de caisse, n'espérant pas qu'un regard, qu'un sourire, qu'un au-revoir appuyé, reconnaissant. Il ne se dépêcha en rien. Il ne dégusta pas son sandwich bio, ni même sa salade de fruits d'été bio. Il n'arriva pas à satiété. L'eau qu'il but ne le désaltéra pas. Il ne téléphona pas à son amie, ni ne décrocha lorsqu'elle ne put faire autrement que de l'appeler. Il ne resta pas au bureau pour déjeuner.
Aujourd'hui n'était pas un autre jour, n'était pas un jour dans les règles de l'art. Il ne semblait plus y avoir de règles d'ailleurs. Il n'était ni maussade ni enjoué. Il n'avait goût à rien mais ne détestait pas son métier, bien au contraire. Il n'avait pas l'impression qu'aujourd'hui était un jour sans. Il ne s'emporta pas contre Michel qui ne le lui fit pas remarquer, mais ce dernier ne se priva pas d'en toucher deux mots à son martyr de collègue. Rien n'était une bonne ou une mauvaise nouvelle. Rien ne lui était égal. Il n'avait aucune patience mais rien ne l'énervait.
Aujourd'hui, il n'avait pas que la gueule de bois. Il n'y avait pas qu'un vide dans sa poitrine. Il n'y avait pas qu'une attente sourde, souterraine, sournoise. Pas d'autre choix que d'avancer, que de marcher vers demain. La lassitude n'était pas la seule à le malmener et il ne savait que faire de ses deux bras.
Aujourd'hui, il n'était pas prêt à affronter le monde dans cet état-là. Il lui manquait quelque chose, ou bien , il ne se l'avouait pas totalement, il avait quelque chose de trop.

Silly little details

  You said it was the way I looked at you played with your fingertips drowned in your eyes starving your skin you felt happiness again your ...