Il ouvrit la porte et du seuil lui lança:
« Que fais-tu là à cette heure-ci?
_ Bonjour monsieur Virgule!
_ Si tu savais lire tu saurais que moi c'est Virgile, pas virgule. » À la mine déconfite de la fillette il sut qu'il lui avait parlé sèchement, sur son ton « à casser de la porcelaine » comme disait sa femme. « Excuse-moi, je ne voulais pas être méchant. Que fais-tu là?
_ Ben j'attends que ça ouvre!
_ Certes. (soupir) C'est ta mère qui t'envoie? L'ouvrage ne lui convient pas?
_ Elle dit qu'elle a toujours mal à la tête.
_ Je lui ai bien spécifié que cela prendrait un certain temps, environ aux deux –
_ Oui mais elle a fini le livre et ça va toujours pas mieux!
_ Voilà qui est inhabituel. Entre. » La fillette passa devant lui. Il referma la porte. « Et ne touche à rien!
_ Oui, monsieur Vergile.
_ VIRgile, que diable! On ne t'apprends pas à lire à l'école?
_ Si! Mais maman dit que j'ai la mémoire tellement comme une passoire que je retiendrais même pas les nouilles.
_ Amis de la poésie, bonjour.
_ Hein?
_ Rien. Dis-moi, ta maman m'a bien dit qu'elle n'avait pas le temps de lire?
_ Oui, mais elle a bien aimé votre livre et elle l'a commencé dès en arrivant et elle l'a fini hier au soir. Mais rien. Elle a toujours ses mitaines.
_ MiGRAInes! Mais c'est infernal ça! Bon, il faut que je réfléchisse deux minutes...et si tu pouvais te taire dans ce laps de temps je t'en serai reconnaissant. »
Encore le ton cassant, mais il lui fallait réfléchir. Elle avait aimé l'Écume, mais il n'y avait pas eu de changement...moui...peut-être celui-ci. « Voilà, ça devrait faire l'affaire. Dis à ta maman de ne pas se fier au titre, ça a beau être de la médecine étrangère, elle est tout aussi efficace.
_ Autant que l'autre? Bon. Ferdytruc?
_ FerdyDURke! Bon sang! C'est pas possible d'entendre une chose pareille! Reste là. Je vais te prescrire un livre pour corriger ça.
_ Mais maman m'a donné que –
_ Celle-ci est pour moi, cadeau de la maison. Ta maman me remercia quand ça aura fait son effet, ça suffira. Je te les mets dans un sac en papier, comme ça. Quand ils sont finis, et si la boutique est fermée, il faut les déposer dans le sac dans la boîte aux lettres située sur la porte.
_ On peut aussi attendre que vous ouvriez.
_ Non, car il est toujours possible qu'il y ait une urgence et que j'aie besoin de l'ouvrage au plus vite. Donc dès que le livre est fini, hop, dans la boîte.
_ Parce que vous avez pas deux fois le même livre ici?
_ Bien sûr que non. » À ces mots, il vit dans le regard cyclopéen de la fillette une lueur d'étonnement. Il lui sembla percevoir, au fin fond de cette pupille cerclée de bleu, comme une certaine tristesse. « Je disais donc: voici le livre pour ta maman, et voici le tien.
_ La Gloire de mon père. Mouais.
_ Tu vois! Ça fonctionne déjà! Pourquoi tu fais la moue?
_ Parce que mon père on sait pas où il est. Il est parti un jour et il est pas revenu.
_ Ça arrive. Tu sais, des fois, c'est mieux comme ça. Au fait, tu ne devrais pas être à l'école?
_ J'ai pas cours le mercredi.
_ De mon temps on vous trouvait toujours quelque chose à faire à l'école.
_ Ben là ils sont à court d'idées on dirait. » Elle déposa la monnaie sur le comptoir, se fendit d'un « en revoir » et sans attendre de réponse ouvrit la porte et démarra en trombe dans la rue, zigzaguant au milieu des premiers passants.
Pour lui-même il marmonna « AU revoir ». Elle n'avait pas un mauvais fond, cette gamine.
Monday, 14 September 2009
Sunday, 13 September 2009
Monsieur Virgile #2
« C'est l'édition de 1947, vous m'en direz des nouvelles!
_ Des nouvelles, Ah ah ah! Décidément, monsieur Virgile, vous jouez sur les mots aujourd'hui!
_ Que voulez-vous, je dors mieux. Bref. Cette édition est un petit bijou, madame Désibert, aussi voudrez-vous en prendre le plus grand soin.
_ Je -
_ Je ne voulais pas vous froisser, chère madame, veuillez me pardonner. Jamais vous ne m'avez rendu un ouvrage ne serait-ce que écorné! C'est simplement que je tiens à cette édition de Mallarmé comme à la prunelle de mes yeux.
_ J'en prendrai grand soin, tranquillisez-vous. Le dernier ouvrage de Chateaubriand que vous m'avez prescrit m'a fait le plus grand bien. Je pense que je pourrais enfin me passer de vos bons et loyaux services, après toutes ces longues années.
_ Madame Désibert, vous allez me manquer.
_ Nous nous reverrons, ne vous inquiétez pas, d'une manière ou d'une autre. »
Il la regarda sortir, puis marcher contre le vent vers le coin de la rue où elle disparut finalement. Comme à chaque fois où un client le quittait parce qu'il avait réussi à le soigner, il se prit d'un bouffée de nostalgie teintée de fierté. Son père avant lui soignait les gens avec des livres. Il avait repris le flambeau sans même se poser de question. Cela allait de soi. Les gens avaient besoin non d'ordres, mais de direction, il fallait simplement leur indiquer le chemin qu'ils devaient emprunter. Il n'était pas un donneur de leçon, ni même un philosophe détenteur des réponses que les gens ne venaient de toute façon pas chercher, même s'ils l'ignoraient eux-mêmes. On venait le voir parce que la médecine moderne avait des limites. Le corps parfois continuait de souffrir après la guérison; parfois les plaies étaient refermées mais la langueur subsistait. Parfois même le corps allait bien, c'était l'esprit qui faisait des siennes. Il intervenait donc, un livre à la main, pour soulager les maux de l'esprit. La plupart tu temps un seul livre suffisait à tout remettre dans l'ordre. Il ne lui fallait que quelques instants pour jauger une personne, pour voir son tempérament, ses attentes, ses manques. Il prescrivait alors l'ouvrage qui guérirait, celui qui ferait grandir l'âme et soignerait l'affliction, si bénigne ou au contraire si formidable soit elle. Il avait soigné des dépressifs, des agélastes, des tocqués, des névrosés. Il avait allégé les douleurs de cancéreux lorsque leur corps assimilait la morphine comme un verre d'eau. Il ne pouvait rien – aucun livre ne pouvait rien – contre les maladies graves de l'homme: cancer, tumeurs, maladies orphelines, déficiences en tous genres. Là où seul l'esprit pouvait atteindre et faire violence, là seul le pouvoir du livre atteignait. Bien entendu il y avait eu des miracles, ceux dont son père racontait les histoires extraordinaires à la fin des repas dominicaux. Mais ni lui ni son père n'en avait vu de leur propres yeux ou même été l'auteur. Occasionnellement une personne rentrait dans sa boutique et « posait problème », comme il disait à sa femme de son vivant, c'est-à-dire qu'elle avait beau lire et lire les prescriptions, rien n'y faisait. Cela prenait parfois des années – comme dans le cas de madame Désibert – mais il ne lâchait jamais prise, jamais. Aussi lisait-il sans relâche, nuit et jour depuis le décès de sa femme, tous les auteurs possibles afin d'élargir son champ de connaissance, et donc de guérison. Il conservait chaque ouvrage soigneusement, l'inventoriait, le classait, le prescrivait sous forme de prêt ou les clients pouvaient ne payer que la visite et se procurer ledit ouvrage à leurs frais, ailleurs. Mais les gens avaient confiance en son jugement et en la qualité des œuvres entreposées sur les rayonnages de bois patinés par les ans. Il y avait là beaucoup de livres. Des milliers, peut-être même des dizaines de milliers. Du sol au plafond, sur les deux étages de la mezzanine; même chose au troisième étage, la partie où il logeait. Tous en rang d'oignons, à sa place. Tous les jours ou presque venaient s'ajouter un ou deux ouvrages et inlassablement il reclassait, dans l'ordre alphabétique des auteurs, décalant d'autant la longue file vers la droite. Un jour, se disait-il souvent, il n'y aura plus de place sur les rayons. Un jour il devra faire aménager la cave. Mais il y avait assez de place pour voir venir – enfin juste assez pour passer le flambeau à Pierre, son fils. Il était jeune, il lui laisserait le soin des gros œuvres. Oui, c'est vrai qu'aujourd'hui je joue sur les mots, se dit il.
Il était tard. La nuit était d'un noir d'encre et plus personne ne passait plus, malgré les quelques lampadaires. Bientôt il monterait, en baillant, les escaliers de bois menant au dernier étage. Il ferait réchauffer la soupe de tomates de la veille et continuerait son livre et s'endormirait, comme à son habitude, sur son fidèle chesterfield marron, un plaid sur lui. Pour l'instant il baissait le rideau de fer, ne pensant à rien de précis. Le lendemain matin en le rouvrant il découvrirait un œil bleu le fixant avec toute l'impatience du monde.
_ Des nouvelles, Ah ah ah! Décidément, monsieur Virgile, vous jouez sur les mots aujourd'hui!
_ Que voulez-vous, je dors mieux. Bref. Cette édition est un petit bijou, madame Désibert, aussi voudrez-vous en prendre le plus grand soin.
_ Je -
_ Je ne voulais pas vous froisser, chère madame, veuillez me pardonner. Jamais vous ne m'avez rendu un ouvrage ne serait-ce que écorné! C'est simplement que je tiens à cette édition de Mallarmé comme à la prunelle de mes yeux.
_ J'en prendrai grand soin, tranquillisez-vous. Le dernier ouvrage de Chateaubriand que vous m'avez prescrit m'a fait le plus grand bien. Je pense que je pourrais enfin me passer de vos bons et loyaux services, après toutes ces longues années.
_ Madame Désibert, vous allez me manquer.
_ Nous nous reverrons, ne vous inquiétez pas, d'une manière ou d'une autre. »
Il la regarda sortir, puis marcher contre le vent vers le coin de la rue où elle disparut finalement. Comme à chaque fois où un client le quittait parce qu'il avait réussi à le soigner, il se prit d'un bouffée de nostalgie teintée de fierté. Son père avant lui soignait les gens avec des livres. Il avait repris le flambeau sans même se poser de question. Cela allait de soi. Les gens avaient besoin non d'ordres, mais de direction, il fallait simplement leur indiquer le chemin qu'ils devaient emprunter. Il n'était pas un donneur de leçon, ni même un philosophe détenteur des réponses que les gens ne venaient de toute façon pas chercher, même s'ils l'ignoraient eux-mêmes. On venait le voir parce que la médecine moderne avait des limites. Le corps parfois continuait de souffrir après la guérison; parfois les plaies étaient refermées mais la langueur subsistait. Parfois même le corps allait bien, c'était l'esprit qui faisait des siennes. Il intervenait donc, un livre à la main, pour soulager les maux de l'esprit. La plupart tu temps un seul livre suffisait à tout remettre dans l'ordre. Il ne lui fallait que quelques instants pour jauger une personne, pour voir son tempérament, ses attentes, ses manques. Il prescrivait alors l'ouvrage qui guérirait, celui qui ferait grandir l'âme et soignerait l'affliction, si bénigne ou au contraire si formidable soit elle. Il avait soigné des dépressifs, des agélastes, des tocqués, des névrosés. Il avait allégé les douleurs de cancéreux lorsque leur corps assimilait la morphine comme un verre d'eau. Il ne pouvait rien – aucun livre ne pouvait rien – contre les maladies graves de l'homme: cancer, tumeurs, maladies orphelines, déficiences en tous genres. Là où seul l'esprit pouvait atteindre et faire violence, là seul le pouvoir du livre atteignait. Bien entendu il y avait eu des miracles, ceux dont son père racontait les histoires extraordinaires à la fin des repas dominicaux. Mais ni lui ni son père n'en avait vu de leur propres yeux ou même été l'auteur. Occasionnellement une personne rentrait dans sa boutique et « posait problème », comme il disait à sa femme de son vivant, c'est-à-dire qu'elle avait beau lire et lire les prescriptions, rien n'y faisait. Cela prenait parfois des années – comme dans le cas de madame Désibert – mais il ne lâchait jamais prise, jamais. Aussi lisait-il sans relâche, nuit et jour depuis le décès de sa femme, tous les auteurs possibles afin d'élargir son champ de connaissance, et donc de guérison. Il conservait chaque ouvrage soigneusement, l'inventoriait, le classait, le prescrivait sous forme de prêt ou les clients pouvaient ne payer que la visite et se procurer ledit ouvrage à leurs frais, ailleurs. Mais les gens avaient confiance en son jugement et en la qualité des œuvres entreposées sur les rayonnages de bois patinés par les ans. Il y avait là beaucoup de livres. Des milliers, peut-être même des dizaines de milliers. Du sol au plafond, sur les deux étages de la mezzanine; même chose au troisième étage, la partie où il logeait. Tous en rang d'oignons, à sa place. Tous les jours ou presque venaient s'ajouter un ou deux ouvrages et inlassablement il reclassait, dans l'ordre alphabétique des auteurs, décalant d'autant la longue file vers la droite. Un jour, se disait-il souvent, il n'y aura plus de place sur les rayons. Un jour il devra faire aménager la cave. Mais il y avait assez de place pour voir venir – enfin juste assez pour passer le flambeau à Pierre, son fils. Il était jeune, il lui laisserait le soin des gros œuvres. Oui, c'est vrai qu'aujourd'hui je joue sur les mots, se dit il.
Il était tard. La nuit était d'un noir d'encre et plus personne ne passait plus, malgré les quelques lampadaires. Bientôt il monterait, en baillant, les escaliers de bois menant au dernier étage. Il ferait réchauffer la soupe de tomates de la veille et continuerait son livre et s'endormirait, comme à son habitude, sur son fidèle chesterfield marron, un plaid sur lui. Pour l'instant il baissait le rideau de fer, ne pensant à rien de précis. Le lendemain matin en le rouvrant il découvrirait un œil bleu le fixant avec toute l'impatience du monde.
Plaine vélique
– Silence des feuilles malgré le boréal –
La plaine ocre du soir sous l’empire du souffle
S’est immobilisée dans l’haleine hiémale –
– Rien n’évolue ici ; même le temps s’essouffle –
Le vent, rien que le vent dans les statues de sel
Jonchant simple fétus le sol dur tels les cœurs,
Le vent, plus que le vent figeant le triste ciel
– Plus d’amour, de peine ; plus d’envie ou de peur –
Régisseur d’espace, profileur d’horizon.
Un seul son entendu dans le morne éthéré :
Le râle déchirant, la lente exhalaison
De l’oraison du vent ratissant de ses rets
Invisibles les mers des hommes, et la plaine –
Voilà pourquoi ce vent m’emplit de tant de peine.
La plaine ocre du soir sous l’empire du souffle
S’est immobilisée dans l’haleine hiémale –
– Rien n’évolue ici ; même le temps s’essouffle –
Le vent, rien que le vent dans les statues de sel
Jonchant simple fétus le sol dur tels les cœurs,
Le vent, plus que le vent figeant le triste ciel
– Plus d’amour, de peine ; plus d’envie ou de peur –
Régisseur d’espace, profileur d’horizon.
Un seul son entendu dans le morne éthéré :
Le râle déchirant, la lente exhalaison
De l’oraison du vent ratissant de ses rets
Invisibles les mers des hommes, et la plaine –
Voilà pourquoi ce vent m’emplit de tant de peine.
Le visionnaire dans l’ombre d'une cave
Délateur grandiose amené dans le sombre
Par ses mots délicats émergés de l’obombre,
Le voici croupissant dans le fond d’une cave :
Il est bien Ezéchiel, l’homme à la voix si grave.
Amené en terre de la page inhumée.
Proclamé régisseur de la voix de Dieu –
Nautonier cénotaphe anonyme exhumé,
Et bien plus ; Ezéchiel, fatigué et vieux,
Expire silencieux de l’incompréhension
Des hommes ; le message est passé sans passion.
L’impétus des verbes étranglé dans les gorges
Par le fer ambiguë né du noir feu des forges.
Regrettant ses visions se lamente Ezéchiel –
Tant d'hommes insensés – il contemple le ciel
Du caveau infâme, et d’un coup, il pardonne.
Par ses mots délicats émergés de l’obombre,
Le voici croupissant dans le fond d’une cave :
Il est bien Ezéchiel, l’homme à la voix si grave.
Amené en terre de la page inhumée.
Proclamé régisseur de la voix de Dieu –
Nautonier cénotaphe anonyme exhumé,
Et bien plus ; Ezéchiel, fatigué et vieux,
Expire silencieux de l’incompréhension
Des hommes ; le message est passé sans passion.
L’impétus des verbes étranglé dans les gorges
Par le fer ambiguë né du noir feu des forges.
Regrettant ses visions se lamente Ezéchiel –
Tant d'hommes insensés – il contemple le ciel
Du caveau infâme, et d’un coup, il pardonne.
Friday, 11 September 2009
Monsieur Virgile #1
« Mmmh, ce dont vous avez besoin…c’est d’un bon Queneau. Pourquoi pas Exercices de style ? Vous m’en direz des nouvelles. » A ces mots, il extirpa d’une étagère en hauteur, perché en équilibre du fait de sa petite taille sur une échelle de bois patiné, un ouvrage neuf à la couverture luisante. « C’est une belle édition, vous verrez. Vous vous sentirez beaucoup mieux ensuite. Pour le retour, glissez simplement l'ouvrage dans la boîte qui se trouve sur la porte d'entrée. Au revoir, madame. » Il l’emballa dans un sac en papier marron. La dame, visiblement satisfaite du diagnostic et du traitement, posa l’appoint sur le comptoir vieilli puis poussa la porte de la boutique. La clochette tinta à l’ouverture puis, doucement, comme cherchant à reprendre son souffle, tinta sourdement à la fermeture. Le vieil homme se pencha sur un immense livre. « Mmmh, madame Désibert ne devrait pas tarder. Elle a lu tous les Hugo…mmmh…peut-être que Borges en traduction lui irait…ou alors du Chateaubriand si elle n’aime pas la médecine étrangère. » Du bout des doigts il prit une plume, la trempa dans un encrier et inscrivit d'une main sûre la prescription qu'il venait de délivrer, le nom de la cliente, la date et le prix. Il tira ensuite un trait, proprement, en prenant garde que l'encre ne bave pas. Il leva les yeux, scruta la rue derrière la vitre. Des années qu'il regardait ces mêmes pavés, ces mêmes passants lui semblait-il. Le monde n'allait pas mieux. Il sentait la douleur, sourde, vibrante, du monde. Tout autour de lui se trouvait la solution – ou plutôt les solutions – chacun la sienne. Il y avait forcément une solution, parce qu'il y avait problème. Chaque livre ici il l'avait lu, l'avait patiemment répertorié pour tel ou tel problème. On venait le voir de loin, de très loin parfois, pour se faire soigner. Il prodiguait conseils et sourires, délivrait ses prescriptions, réconfortait, racontait, à l'occasion, des anecdotes ou des histoires. On l'écoutait avec attention, monsieur Virgile.
Du doigt il passa en revue la liste des personnes susceptibles de venir. Non, plus personne à part madame Désibert. Seul le hasard pourrait faire entrer quelqu'un d'autre aujourd'hui. Il faisait gris. Les gens passaient, engoncés dans leur manteau au col relevé, la mine maussade. La rue fut passante, autrefois. La zone commerçante s'était étendue, les gens s'étaient créés d'autres besoins, donnés d'autres priorités. Mais en fin de compte son activité avait beau avoir ralenti, le bouche à oreille fonctionnait toujours. Et puis il y avait les habitués, et les récalcitrants. Ah, s'il n'y avait pas ceux-là...il – quelqu'un arriva du coin de la rue et semblait chercher son chemin. Ce n'était pas madame Désibert, elle était plus...La personne leva la tête, s'avança. Il vit la femme rentrer, tenant la main de sa fille. Elle ne devait pas avoir plus de neuf ou dix ans. Ce n'est pas qu'il n'aimait pas les enfants, mais bon, ça ne se soignait pas de la même manière que les adultes. Ce qu'il fallait avant tout, c'était les éduquer. Bien entendu, il avait les livres pour ça, pour les enfants et pour les parents. Celle-ci avait un bandage sur l'œil droit, derrière des lunettes aux montures rouges un rien trop voyantes. Sa mère se présenta comme ayant de violents maux de tête. Classique.
« Tellement que ça me réveille la nuit.
_ Ah? Bon, je ne pense pas qu'il faille s'inquiéter outre mesure. Vous lisez souvent?
_ Euh...eh bien en fait, je, je n'ai pas trop le temps, avec le travail, ma fille...
_ Vous savez que je ne peux rien pour vous si vous ne prenez pas le temps de vous soigner.
_ Oui...je, c'est une amie qui m'a dit, je ne pensais pas –
_ Écoutez, il n'y a pas de mal à essayer. Vous verrez. Je vais vous donner une édition facile à lire, pas trop encombrante et assez rapide. Juste une question: quel genre de livre préférez-vous? » Il baissa les yeux, se concentra sur les informations qu'il inscrivait, bien droit, sur une seule ligne. Il attendit quelques instants puis, devant le mutisme de la femme, il releva la tête.
« Quel genre de – »
Il ne vit pas le visage cramoisi de la mère, mais aussitôt ce fut l'absence de la fillette qui lui sauta aux yeux. Il tourna la tête vers le fond de la boutique. Rien. Il fit le tour du comptoir.
« Hélène! Viens ici! Je suis désolée, elle n'a touché à rien j'en suis sûre. Hélène! » Il trouva la fillette au beau milieu d'un rayon. Elle avait le bras en suspension dans l'air, le doigt touchant presque l'un des volumes. Il sentit son pouls s'accélérer subitement. Elle rougit, devint écarlate, presque autant que la monture de ses lunettes. Elle baissa la tête et s'avança. Passa devant lui, sous son regard sévère. Il n'aimait pas que l'on fouine, que l'on furète. Il retourna au comptoir à la suite de la fillette. La mère se confondait en excuses, était devenue de la même couleur d'andrinople que sa fille. Il n'écoutait pas, repassa derrière le comptoir. Il s'arrêta net. Il avait dû poser sa plume trop vivement pour aller voir où se trouvait la petite. Peste. Il y avait trois gouttes, oblongues, nettes, se détachant nettement sur le blanc un peu passé de la feuille. C'en était trop.
« Madame, je vais vous donner le titre de l'ouvrage qui vous soignera, puis je vous demanderai de partir. » Il prit un longue inspiration. « Lisez L'écume des jours, de Boris Vian. Les maux de tête ne cesseront pas tout de suite, il faudra que vous attendiez les deux-tiers du livre pour constater une amélioration. Si malgré tout rien ne s'arrange, je vous prierai de vous tourner vers la médecine conventionnelle. Au revoir madame. » A ces mots, il tourna les talons et fit mine de s'occuper avec la couverture d'ouvrages à réparer. Il entendit, après quelques instants, le double tintement de clochette. Il soupira. Il avait su garder son calme. Après tout, ce n'était pas si grave. Et puis si, justement. Elle lui avait fait perdre le fil et il avait taché son grimoire à cause d'elle. Elle avait pourtant un joli oeil bleu.
Du doigt il passa en revue la liste des personnes susceptibles de venir. Non, plus personne à part madame Désibert. Seul le hasard pourrait faire entrer quelqu'un d'autre aujourd'hui. Il faisait gris. Les gens passaient, engoncés dans leur manteau au col relevé, la mine maussade. La rue fut passante, autrefois. La zone commerçante s'était étendue, les gens s'étaient créés d'autres besoins, donnés d'autres priorités. Mais en fin de compte son activité avait beau avoir ralenti, le bouche à oreille fonctionnait toujours. Et puis il y avait les habitués, et les récalcitrants. Ah, s'il n'y avait pas ceux-là...il – quelqu'un arriva du coin de la rue et semblait chercher son chemin. Ce n'était pas madame Désibert, elle était plus...La personne leva la tête, s'avança. Il vit la femme rentrer, tenant la main de sa fille. Elle ne devait pas avoir plus de neuf ou dix ans. Ce n'est pas qu'il n'aimait pas les enfants, mais bon, ça ne se soignait pas de la même manière que les adultes. Ce qu'il fallait avant tout, c'était les éduquer. Bien entendu, il avait les livres pour ça, pour les enfants et pour les parents. Celle-ci avait un bandage sur l'œil droit, derrière des lunettes aux montures rouges un rien trop voyantes. Sa mère se présenta comme ayant de violents maux de tête. Classique.
« Tellement que ça me réveille la nuit.
_ Ah? Bon, je ne pense pas qu'il faille s'inquiéter outre mesure. Vous lisez souvent?
_ Euh...eh bien en fait, je, je n'ai pas trop le temps, avec le travail, ma fille...
_ Vous savez que je ne peux rien pour vous si vous ne prenez pas le temps de vous soigner.
_ Oui...je, c'est une amie qui m'a dit, je ne pensais pas –
_ Écoutez, il n'y a pas de mal à essayer. Vous verrez. Je vais vous donner une édition facile à lire, pas trop encombrante et assez rapide. Juste une question: quel genre de livre préférez-vous? » Il baissa les yeux, se concentra sur les informations qu'il inscrivait, bien droit, sur une seule ligne. Il attendit quelques instants puis, devant le mutisme de la femme, il releva la tête.
« Quel genre de – »
Il ne vit pas le visage cramoisi de la mère, mais aussitôt ce fut l'absence de la fillette qui lui sauta aux yeux. Il tourna la tête vers le fond de la boutique. Rien. Il fit le tour du comptoir.
« Hélène! Viens ici! Je suis désolée, elle n'a touché à rien j'en suis sûre. Hélène! » Il trouva la fillette au beau milieu d'un rayon. Elle avait le bras en suspension dans l'air, le doigt touchant presque l'un des volumes. Il sentit son pouls s'accélérer subitement. Elle rougit, devint écarlate, presque autant que la monture de ses lunettes. Elle baissa la tête et s'avança. Passa devant lui, sous son regard sévère. Il n'aimait pas que l'on fouine, que l'on furète. Il retourna au comptoir à la suite de la fillette. La mère se confondait en excuses, était devenue de la même couleur d'andrinople que sa fille. Il n'écoutait pas, repassa derrière le comptoir. Il s'arrêta net. Il avait dû poser sa plume trop vivement pour aller voir où se trouvait la petite. Peste. Il y avait trois gouttes, oblongues, nettes, se détachant nettement sur le blanc un peu passé de la feuille. C'en était trop.
« Madame, je vais vous donner le titre de l'ouvrage qui vous soignera, puis je vous demanderai de partir. » Il prit un longue inspiration. « Lisez L'écume des jours, de Boris Vian. Les maux de tête ne cesseront pas tout de suite, il faudra que vous attendiez les deux-tiers du livre pour constater une amélioration. Si malgré tout rien ne s'arrange, je vous prierai de vous tourner vers la médecine conventionnelle. Au revoir madame. » A ces mots, il tourna les talons et fit mine de s'occuper avec la couverture d'ouvrages à réparer. Il entendit, après quelques instants, le double tintement de clochette. Il soupira. Il avait su garder son calme. Après tout, ce n'était pas si grave. Et puis si, justement. Elle lui avait fait perdre le fil et il avait taché son grimoire à cause d'elle. Elle avait pourtant un joli oeil bleu.
Thursday, 10 September 2009
Thrène
Garde mon souvenir lorsqu’en des jours lointains
Tu verras l’avenir dans l’oubli de tes mains,
Tu verras les demains dans le marbre porphyre
De ce tombeau serein désormais mon empire.
Lorsqu’en des jours lointains, gardant mon souvenir,
Voyant le feu éteint de mon las devenir,
Un large sourire sur tes lèvres carmin
Seul devra m’écrire les mots de ton chagrin.
Peut-être que demain on ouïra retentir
Le sanglot du tocsin annonçant mon périr
Mais rien ne doit franchir le seuil de tes yeux bruns,
Ni larme, ni soupir de tes lèvres nadirs
Car je mourrai très loin dans le royaume éteint
Durant des jours lointains parmi tes souvenirs.
Tu verras l’avenir dans l’oubli de tes mains,
Tu verras les demains dans le marbre porphyre
De ce tombeau serein désormais mon empire.
Lorsqu’en des jours lointains, gardant mon souvenir,
Voyant le feu éteint de mon las devenir,
Un large sourire sur tes lèvres carmin
Seul devra m’écrire les mots de ton chagrin.
Peut-être que demain on ouïra retentir
Le sanglot du tocsin annonçant mon périr
Mais rien ne doit franchir le seuil de tes yeux bruns,
Ni larme, ni soupir de tes lèvres nadirs
Car je mourrai très loin dans le royaume éteint
Durant des jours lointains parmi tes souvenirs.
Wednesday, 9 September 2009
Monographie
L’agitation vaine de ces quelques heures
ploient les fleurs d’herbe assoupies
sur les quatre-vingt vents polymathiques
des hommes et des femmes de papier
que nous sommes au bord du drame
langagier des voies mortes ou éteintes
L’homme est foncièrement hors de propos
En fin de compte rien n’est acquis
Ce que la mer ne reconnaît pas
elle l’abandonne au sable du rivage
laissé à notre médiocre disposition
faméliques charognards oublieux de la raison
par les dimensions enconstellées comme autant
de myrmidons
L’homme
n’a de destin hors l’ombre
hors la poussière lierreuse des ans
Nous avons bien peur que cela soit nos limites
Ultimes pantomimes silhouettées dans la brume
les paupières ruisselant de crachin
ou bien est-ce de chagrin universel
ou la joie d’être – néanmoins transients –
argile primordiale aux pieds d’airain scellés au sol
Aux pleurs d’une mère perdue
Aux vêpres d’une enfance sacrifiée
En l’autel de l’atavisme
hagiographie des Terribles
Rien de plus ou de moins qu’une somme
infinitésimale d’atomes X Y Z et T
qu’une chair frissonnant sous la rosée estivale
sous le feu réchauffant une engelure
une gorge déployée par le rire idiot
par l’oreille sourde aux appels de fausset
L’homme est né hypocrite et meurt solitaire
L’amour ne se peut plus au fur du
ressentiment de l’injustice
gnomon des idées massacrées par le fait
baromètre social de l’instabilité du temps
Il n’y a pas de construit plus social qu’un point à la ligne
se substitue à la peur de n’être plus
dans le sens de la marche d’une ellipse
tronquée d’une boucle lacée autour d’un hiatus
méconnaissable en regard glacé d’une pupille
noire béante dans laquelle tout
devient un néant de plus
dérivant en un espace creux
fluide et clapotant telle une rivière en furie
L’homme s’embarque sur la crue
pour y sauver non des rameaux
des hommes monstres d’indigence
pourris de hargne, d’envie, de fatuité
indignes de malchance
plèbes charnues défilant en moëbius
restes étiolés de voyageurs traînant la semelle
sur le tranchant des pierres jonchant
les sillons symboles de l’utilité
à mauvais escient édictée par la main lippue
par la bouche avide de puissance cornucopéique
Le ciel, lui, défile ses nuages sans consigne
La pluie décerne ses couronnes d’argent
Le pied-de-vent étire en silence son arc-en-ciel
Le sang coule sur les plaines et rouille les ramures
Les minutes s’égrènent eu égard à la photosynthèse
Les agonies râlent dans les poitrines ouvertes
Bientôt la mousson fertilisera les plaies
temps bénis de placidité
pourtant l’ennui maîtrise tout en ses tentacules.
ploient les fleurs d’herbe assoupies
sur les quatre-vingt vents polymathiques
des hommes et des femmes de papier
que nous sommes au bord du drame
langagier des voies mortes ou éteintes
L’homme est foncièrement hors de propos
En fin de compte rien n’est acquis
Ce que la mer ne reconnaît pas
elle l’abandonne au sable du rivage
laissé à notre médiocre disposition
faméliques charognards oublieux de la raison
par les dimensions enconstellées comme autant
de myrmidons
L’homme
n’a de destin hors l’ombre
hors la poussière lierreuse des ans
Nous avons bien peur que cela soit nos limites
Ultimes pantomimes silhouettées dans la brume
les paupières ruisselant de crachin
ou bien est-ce de chagrin universel
ou la joie d’être – néanmoins transients –
argile primordiale aux pieds d’airain scellés au sol
Aux pleurs d’une mère perdue
Aux vêpres d’une enfance sacrifiée
En l’autel de l’atavisme
hagiographie des Terribles
Rien de plus ou de moins qu’une somme
infinitésimale d’atomes X Y Z et T
qu’une chair frissonnant sous la rosée estivale
sous le feu réchauffant une engelure
une gorge déployée par le rire idiot
par l’oreille sourde aux appels de fausset
L’homme est né hypocrite et meurt solitaire
L’amour ne se peut plus au fur du
ressentiment de l’injustice
gnomon des idées massacrées par le fait
baromètre social de l’instabilité du temps
Il n’y a pas de construit plus social qu’un point à la ligne
se substitue à la peur de n’être plus
dans le sens de la marche d’une ellipse
tronquée d’une boucle lacée autour d’un hiatus
méconnaissable en regard glacé d’une pupille
noire béante dans laquelle tout
devient un néant de plus
dérivant en un espace creux
fluide et clapotant telle une rivière en furie
L’homme s’embarque sur la crue
pour y sauver non des rameaux
des hommes monstres d’indigence
pourris de hargne, d’envie, de fatuité
indignes de malchance
plèbes charnues défilant en moëbius
restes étiolés de voyageurs traînant la semelle
sur le tranchant des pierres jonchant
les sillons symboles de l’utilité
à mauvais escient édictée par la main lippue
par la bouche avide de puissance cornucopéique
Le ciel, lui, défile ses nuages sans consigne
La pluie décerne ses couronnes d’argent
Le pied-de-vent étire en silence son arc-en-ciel
Le sang coule sur les plaines et rouille les ramures
Les minutes s’égrènent eu égard à la photosynthèse
Les agonies râlent dans les poitrines ouvertes
Bientôt la mousson fertilisera les plaies
temps bénis de placidité
pourtant l’ennui maîtrise tout en ses tentacules.
The man made of haiku
#1
a bent head
lying on the side of a breastbone
sweating under the rain
#2
a left foot
supporting a bleeding right foot
limp and in the shade
#3
a left hand
spasms running along its fingers
end protruding
#4
a right hand
at long last still as if dead
motionlessness
#5
wind blowing wildly on the skull
wild hair
the mound wet with rain
#6
carving through skin and flesh
remnants of voyages
unpared toenails
#7
mighty and mysterious
a shiny veiny left biceps
bemutes the ages
#8
as one of us
shivering under the angry cold stars
right elbow
#9
muscular thighs
remember adventures and fights
and sloughy darkness
#10
deeply scarred
by the damp, black, erect, thorny hair
the sad, white forehead
#11
raindrops
falling by thousands on the showing rib
soothe the blood
#12
intolerable beauty
in the delicate fold on the neck
omphalos of the world
#13
anonymous hands
piercing through and through and again
doubts and agony
#14
words banging on the
wooden carcass of the mouth
parched with thirst and glory
#15
unbeknownst to them
the sad immobility
undeciphered
#16
imbecile man
not yet dead waiting for what
– stop their agony –
#17
betrayed and naked
the lame man is leaving an
empty cenotaph
#18
beyond the words is
what this here lonely man feels
and the key to all riddles
#19
The cicadas’ cry
forgotten images of childhood
forgotten to the world
#20
the thrush’s song
in the clear resounding morning
he suddenly remembers
#21
the large cut on his
flank bleeds and bleeds and bleeds
water like Pegasus’ spring
#22
The hammered nail
Ignores bones tendons veins and blood
Wood only stops him
#23
Sweatbead, tear, rain, lymph
Wound-precipice
Shame and honour
#24
to endure as sole commandment
nothing to worry about
but the rain
a bent head
lying on the side of a breastbone
sweating under the rain
#2
a left foot
supporting a bleeding right foot
limp and in the shade
#3
a left hand
spasms running along its fingers
end protruding
#4
a right hand
at long last still as if dead
motionlessness
#5
wind blowing wildly on the skull
wild hair
the mound wet with rain
#6
carving through skin and flesh
remnants of voyages
unpared toenails
#7
mighty and mysterious
a shiny veiny left biceps
bemutes the ages
#8
as one of us
shivering under the angry cold stars
right elbow
#9
muscular thighs
remember adventures and fights
and sloughy darkness
#10
deeply scarred
by the damp, black, erect, thorny hair
the sad, white forehead
#11
raindrops
falling by thousands on the showing rib
soothe the blood
#12
intolerable beauty
in the delicate fold on the neck
omphalos of the world
#13
anonymous hands
piercing through and through and again
doubts and agony
#14
words banging on the
wooden carcass of the mouth
parched with thirst and glory
#15
unbeknownst to them
the sad immobility
undeciphered
#16
imbecile man
not yet dead waiting for what
– stop their agony –
#17
betrayed and naked
the lame man is leaving an
empty cenotaph
#18
beyond the words is
what this here lonely man feels
and the key to all riddles
#19
The cicadas’ cry
forgotten images of childhood
forgotten to the world
#20
the thrush’s song
in the clear resounding morning
he suddenly remembers
#21
the large cut on his
flank bleeds and bleeds and bleeds
water like Pegasus’ spring
#22
The hammered nail
Ignores bones tendons veins and blood
Wood only stops him
#23
Sweatbead, tear, rain, lymph
Wound-precipice
Shame and honour
#24
to endure as sole commandment
nothing to worry about
but the rain
Wednesday, 2 September 2009
Les résignés
Frêle esquif transi dans la cohorte des vagues ;
Les rames dégondées depuis presque deux jours ;
L’horizon que rien hormis les lames n’endaguent ;
Les cieux furieux dont rien n’esquisse le contour.
On cherche l’espoir derrière chaque vague,
Un bout d’atoll qui ne serait pas un écueil ;
Les bastaings que les crêtes en fouettant élaguent
Craquent sinistrement comme un vieux cercueil.
Eperonnée dix fois, et bientôt mille fois,
Notre birème nue que mille rouleaux rague
S’éboule sous les eaux d’un titanesque poids ;
Et nous accrochés à quelque débris qui vague,
Nous attendons que la tempête enfin se calme,
Ou que la mort soit plus clémente avec nos âmes.
Les rames dégondées depuis presque deux jours ;
L’horizon que rien hormis les lames n’endaguent ;
Les cieux furieux dont rien n’esquisse le contour.
On cherche l’espoir derrière chaque vague,
Un bout d’atoll qui ne serait pas un écueil ;
Les bastaings que les crêtes en fouettant élaguent
Craquent sinistrement comme un vieux cercueil.
Eperonnée dix fois, et bientôt mille fois,
Notre birème nue que mille rouleaux rague
S’éboule sous les eaux d’un titanesque poids ;
Et nous accrochés à quelque débris qui vague,
Nous attendons que la tempête enfin se calme,
Ou que la mort soit plus clémente avec nos âmes.
Subscribe to:
Posts (Atom)
This is no longer home
On the train back to the old place unsure if any memory is left there Surely there must be an old cigarette burn hissing embers fusing ...
-
There's a thread on Facebook and all over the Internet that goes: "Shakespeare said: I always feel happy. You know why? Because I...
-
Mon weekend parisien, mis à part l'exposition "L'or des Incas" à la Pinacothèque , une petite expo sur Théodore Monod au...
-
J'ai eu un peu de mal à le prendre, celui-ci...avec un peu de patience, et surtout sans trembler (les deux pieds bien vissés au sol, he...