Thursday 22 December 2011

Etude en deux temps, quatre mouvements




Évariste-Vital Luminais (1821 – 1896) – qui, au passage, porte le même prénom qu'un de mes héros de la science, Évariste Gallois – était au moins aussi lumineux que son patronyme. J'ai découvert il y a peu cet artiste, qu'on m'a présenté comme méconnu, alors que ce monsieur a été décoré à de très nombreuses reprises, notamment de la Légion d'honneur (du temps où celle-ci représentait encore quelque chose...).

La plupart de ses œuvres sont dispersées au quatre coins de France et de Navarre : Nantes, Rennes, Quimper, Dunkerque, Carcassonne, Paris (Orsay), Rouen, Moulins, Sydney (si, si !), avec une plus forte représentation dans les trois premières ville citées.

Je me suis intéressé à son œuvre la moins méconnue – Les Énervés de Jumièges (j'en vois tout de suite qui se disent : « Ah, oui...les, les quoi ? »), tout en sachant que si vous allez à la Bourse de Commerce de Paris, vous pourrez admirer son immense coupole (quelque chose comme 1500m2) représentant l'histoire du commerce sur tous les continents, peinte en partie par ce Luminais (qui s'est coltiné l'Amérique). L'histoire des énervés de Jumièges, ou plutôt la légende, pour faire court, donne ceci :
Vers le milieu du VII ème siècle, Clovis II entreprend un pèlerinage en Terre Sainte. Son fils aîné reprend le royaume, avec l'aide de sa môman, la reine Bathilde (peut-être Mathilde avec un gros rhube). Le fils prend la mère en grippe (^^) et décide de fomenter un p'tit complot avec son frère aîné contre papa/maman cum roi/reine. Cloclo reçoit un fax cum pigeon voyageur et rentre au bercail mater ses rejetons.

La punition du papa est temporisée par l'amour de la maman (merci Sigmund) : plutôt que de les passer à la potence, on va leur brûler les nerfs des jambes, histoire de leur apprendre les bonnes manières. D'où le terme « énervé », à prendre littéralement. D'ailleurs, en aparté, je peux comprendre un terme comme « dératé ». Dans la Grèce antique, on pensait que le fameux point de côté survenant en pleine course était causé par la rate. Avec force décoctions de prêles, ils tentèrent de dérater les athlètes. La rate nettoie le sang d'une partie de ses impuretés en stockant temporairement une partie de ces déchets. Sans cet organe, une personne voit sa quantité d'hématies, aka globules rouges, augmenter. Les hématies transportent l’oxygène dans l’organisme. Donc plus il y en a, plus l’oxygénation est importante. Une personne dératée a donc théoriquement un taux d’oxygène dans le sang plus élevé, et donc de meilleures capacités cardiaques, et peut-être sportives, qu'une personne ratée (la bonne blague). Ergo, courir comme un dératé. Cependant, ne tentez pas la splénectomie (ablation de la rate), vous pourriez finir complètement raté. Ergo, tout ceci restant théorique, ne vous passez pas la rate au court-bouillon et faites avec le point de côté.
Autant je ne comprends pas comment un terme comme « énervé » a pu désigner quelqu'un, dans son usage moderne, d'irrité ou dans un état d'excitation inhabituel, donc quelqu'un de nerveux, alors qu'a contrario, le terme désignait quelqu'un ayant subi le supplice de l'énervation (et pas de l'énervement, celui-là nous le connaissons tous) et donc d'apathique. Aparté terminé.

Les deux frangins, du coup un peu handicapés, demandent à être placés en monastère (la DDASS n'existait pas encore). Bathilde, qui a sûrement d'autres chats à fouetter, les balourde à bord d'un radeau sur la Seine (pas la scène). Blablabla les deux énervés, un peu écœurés, arrivent à Jumièges où ils sont reçus comme des papes par un Saint et les voilà moines. Cloclo et Baba reçoivent un mail de l'Abbaye disant qu'elle a accueilli les deux rejetons et que le nerf de la guerre, c'est l'argent et que les temps sont durs. Visite des parents, pleurs, repentance, dons, blablabla en avant Simone, c'est moi qui conduit, c'est toi qui klaxonne.
Comme toutes les légendes, quand l'histoire s'en mêle, on se rend compte qu'on a été mené en bateau. Clovis II est mort trop jeune pour que ses fils soient en âge de se rebeller contre lui, autre qu'en lui balançant leurs jouets en bois à travers la tronche. Il n'a pas non plus vu la queue de la Terre Sainte.

Reste qu'en art on se fout de l'histoire, sauf si elle croustille autant, voire plus, que la légende. Voici donc les quatre versions des énervés de Jumièges, dont on pourrait parler pendant des heures, mais comme les images parlent d'elles-mêmes, on ne fera que remarquer en silence la beauté des gestes.




Première pensée (circa 1880), huile sur toile, 
41 x 32 cm,
Musée des beaux-arts de Rouen



Etude pour les énervés de Jumièges ; figure au revers (circa 1880)
Huile sur carton, 36,5 cm x 48,5 cm,
Musée des beaux-arts de Rouen



 
Les fils de Clovis II (circa 1880),
huile sur toile, dimensions non trouvées,
Nouvelle-Galles du Sud, Sydney.



Les Énervés de Jumièges (après 1880),
huile sur toile, 1,97 m × 1,76 m,
Musée des beaux-arts de Rouen



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