Il n'y a pas qu'une raison pour laquelle Varanasi est considérée comme LA ville sainte en Inde. Il y en a mille. L'une d'elles réside dans le fait que c'est une des villes les plus vieilles d'Inde (même si la plupart des habitants clament haut et fort que c'est la plus vieille ville du monde, j'en suis fort désolé, mais leur superbe cité n'a "que" 6000 ans tout au plus - Damas est assise au même endroit depuis 11 000 ans), et on le sent lorsqu'on atteint Godaulia, le coeur de la ville. Ruelles étroites et labyrinthiques, petites échoppes à l'arrière des venelles, cette impression que rien n'a changé depuis des lustres. Mark Twain l'a parfaitement résumé : "Older than history, older than tradition, older even than legend, and looks twice as old as all of them put together." (Plus vieille que l'histoire, plus vieille que les traditions, plus vieille même que les légendes, elle a l'air deux fois plus vieille que toutes celles-ci mises ensemble.)
Surnommée la "ville lumière", la "ville des temples" ou encore la "ville sainte d'Inde", fondée selon la légende par Shiva, Varanasi est considérée comme un tirtha, un passage vers l'autre monde, libéré du cycle de naissance et de mort. Le Gange, qui la borde, y est pour quelque chose : se baigner dans ses eaux est censé purifier le corps autant que l'âme. Je ne rentrerai pas dans la polémique, mais il faut savoir que le fleuve reste pollué par autre chose que les carcasses d'animaux, les déchets ménagers, les déjections humaines et les restes calcinés des incinérés.
Car oui, on vient de partout en Inde, et certains de plus loin encore, pour mourir à Varanasi. Le touriste y vient pour la soie, les brocards, les saris, les tapisseries, le bronze, l'argent, les pierres précieuses. L'hindou vient y expirer et y faire brûler sa dépouille. Toujours cette histoire de tirtha. J'ai refusé, contrairement à la plupart des touristes, de prendre des photos des deux ghats spécialisés dans la crémation (comme Manikarnika). Des centaines de corps y sont brûlés quotidiennement, et des dizaines de tonnes de bois servent de combustible.
Bien qu'il y ait près d'une centaine de ghats, ou escaliers / marches menant à un point d'eau, il y a toujours foule pour s'y laver, faire ses ablutions, laver son linge, entre autres choses et dès le lever du soleil, bien en face de la ville.
Ce que j'ai beaucoup apprécié également, c'est cette mixité religieuse : hindouisme, bouddhisme, sikhisme, jaïnisme, catholicisme, judaïsme. C'est ici que Siddhârtha Gautama Bouddha a délivré son premier sermon. Rien que ça !
J'ai découvert beaucoup d'aspects de la ville grâce à un sâdhu (un saint homme, un ermite) que j'ai rencontré le premier jour et avec qui j'ai sympathisé : Uday Singh était (est) son nom. Vous le verrez apparaître sur plusieurs photos, car le brave homme aimait bien l'objectif (et encore, je n'ai pas tout mis). Nous avons beaucoup discuté, abordé des thèmes aussi variés qu'incongrus (en gros, de la théologie au croissants français en passant par Alexandre le Grand et ses gymnosophes) et marché, déambulé, flâné. Il connaît beaucoup de monde à Varanasi et m'a présenté à diverses communautés, notamment à celle attachée à un temple sikh. Je le remercie encore - c'est un sâdhu un peu particulier qui a une adresse internet.
Pour clore le chapitre et vous laisser regarder les photos, Varanasi est une ville où il faut se laisser perdre pour mieux l'apprécier, pour en retirer tout ce qu'elle a offrir. La plupart des touristes que j'y ai rencontré y était déjà venus, certains en faisaient un lieu de pèlerinage. J'admets : la ville reste un lieu incontournable, embrumée de mystères et empreintes d'une sainteté palpable, prégnante, sensible à la lumière particulière que le Gange fait miroiter ou, parfois, semble absorber dans ses eaux mordorées.
Toujours aussi sympa tes photos ! Et ton nouveau pote Georges (Moustaki) a une bonne bouille.
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