Saturday, 18 December 2010

Malaisie - semaine 1

 
Première semaine en Malaisie. Première semaine dans ce pays qui a fasciné Joseph Conrad au point d'écrire l'un de ses meilleurs romans, et probablement l'un des meilleurs du siècle dernier.

Comme vous le savez, j'y suis de mon plein gré – parfois contre l'avis de certains, parfois avec la mise en garde de plusieurs – souvent avec vos encouragements. Je l'ai déjà écrit : partir est difficile. J'ai tellement attendu ce moment, et l'attente de ces dernières semaines fut pénible parfois. Combien de fois me suis-je projeté dans telle ou telle situation, dans ce pays que je redécouvre. Il se trouve qu'y être est une autre paire de manche. Je dois batailler ferme. Batailler contre un bon vieux rhume de derrière les fagots français, que le chaud-froid des climatisations et de la chaleur grésillante du dehors n'arrange pas. Batailler ferme contre ce sommeil qui ne vient que si je l'amadoue avec force persuasion. Batailler ferme pour ne serait-ce que passer ce maudit entretien. Je ne peux pas encore vous dévoiler grand-chose concernant mon « travail », puisque je suis pour le moment officiellement non-officiel, puisque rien n'est fait et que je ne veux rien promettre ou compromettre. Mais soyez assurés que je vous donnerai de plus amples informations en temps et en heure. Sachez seulement que je me suis déjà attelé à la tâche pour laquelle je suis venu – à savoir l'Institut Paul Bocuse – même si rien n'est officiel – je ne peux rester les deux pieds dans la même tong. Primo je ne sais pas si vous avez déjà essayé, mais c'est très inconfortable – voire dangereux – pour marcher, et secundo on se voit mal porter autre chose que des tongs par un temps pareil – sauf pour le travail, bien entendu. Dieu que j'aime le bruit de ces chausses, bruit qui leur a donné en anglais leur nom, par hypallage. Des flip-flops.

Flip-flop, flip-flop, flip-flop. Semelle cognant le talon quand on relâche l'appui.

Nous voilà donc samedi, une semaine après cet atterrissage, ce vol de manière générale, sans encombres dans la capitale malaisienne. Récupéré dimanche par mon ami Yeow Wei à la sortie de la résidence universitaire où il m'avait gentiment réservé une suite – et j'insiste sur le terme. Depuis ce temps, je suis guidé plus que materné, aidé plus qu'assisté. Après tout, je suis un grand garçon. Toujours est-il qu'il n'est pas aisé de partager sa vie (je « travaille » dans la même université que lui et loge chez lui) pour une durée que j'ignore moi-même. Un subtil mélange de prise en charge et d'autonomie. Bref. Revenons à nos flip-flops.

Je suis donc allé flip-flopper dans un petit morceau de jungle équatoriale juste derrière l'appartement, sorte de parc, sauf que dans ce parc les singes, perroquets, hévéas, serpents et Dieu sait quoi encore de rampant, de velu et de gluant sont dans leur habitat naturel – c'est vous qui les dérangez. On sent vraiment que l'on emprunte un chemin, littéralement. Les singes ne se poussent que parce qu'ils savent que la semelle de nos flip-flops ne se mange pas – et donc indigne d'intérêt. Je ne résiste pas à l'envie de vous remettre cette photo pourtant prise au mois de février – la première fois où j'étais venu (et cela me semble si loin déjà) – d'un singe sur le pont de cordes dans les hauteurs du parc.


Merci Val de m'avoir rappelé à l'ordre !

Entre autres flip-floppations nocturnes, j'ai fait un tour du quartier. J'y ai découvert des restaurants ouverts 24h/24, des marchés qui s'achèvent à 23h pour recommencer le lendemain à 5, une activité humaine qui n'a rien à envier à l'activité naturelle. Ça foisonne, ça se grouille, ça grouille. Ça s'active indépendamment du temps. Il n'y a qu'à voir la taille des arbres, leurs branches de la taille d'un chêne. Les banyans plongeant leur réseau de racines aériennes loin dans le sol, pour ressortir des mètres plus loin. L'arbrisseau hier devenu adulte en quelques mois. Ça pousse à une vitesse hallucinante – et pourtant je n'ai pas vu une seule goutte de pluie jusqu'à maintenant. Je sais pertinemment que lorsque la pluie viendra, notre drache ou notre arnapée fera pâle figure, sera de la roupie de sansonnet comme on dit chez moi (et ailleurs). Mais il y a de l'orage dans l'air. Ceux qui suivent le blog d'un œil savent que le dernier orage remonte à peu de temps.
J'écris « temps », même si celui-ci s'étire à outrance – peut-être est-ce dû au décalage horaire, au jetlag, au fait que mes nuits sont aussi courtes qu'un jour sans pain est long. Une semaine que je suis là et j'ai déjà l'impression d'y être depuis des lustres, de le connaître et pourtant de le découvrir à chaque coin de rue, de l'habiter tout en étant encore étranger à sa langue (oui, je sais, j'habite une langue, mais vous conviendrez que c'est toujours mieux que d'habiter un orteil). Je sais, ..., qu'il faut donner le temps au temps. Je m'y efforce.
Alors pour le passer, le temps, je bavasse pas mal avec mes nouveaux collègues de « travail », des gens fort sympathiques, aussi chaleureux que leur pays, aussi généreux que les étals de marché, aussi souriants que l'est leur soleil. Je découvre tellement de choses qu'à aucun moment je ne me suis couché plus bête que la veille – enfin « couché » est un bien grand mot par les temps qui courent. J'aimerais bien prendre le temps de flip-flopper avec eux, dans un cadre moins formel.

Hier soir, vendredi, concert baroque organisé conjointement avec l'Ambassade du Mexique. Étaient présents l'Ambassadeur du Mexique of course, celui d'Espagne, celle du Pérou, celui du Japon, la directrice de l'Institut Cervantes et j'en pense et des meilleur(e)s. Eh bien le croirez-vous, pas un seul, je dis bien pas un seul, Ferrero Rocher © ! Il y avait plus d'ambassadeurs au mètre carré que de musiciens (pas qu'ils furent mauvais, loin de là : une belle performance au clavecin sur Couperin, et une adaptation fort audacieuse de Bach à la flûte), et pourtant pas un seul de ces succulents chocolats en vue...donc pas une vraie soirée chez l'ambassadeur. Pourtant la soirée fut très bonne : dîner fort sympathique avec un acteur d'Hollywood (Edward Olmos : il jouait le Lieutenant Castillo dans Deux flics à Miami et le détective Gaff dans Blade Runner), les musiciens, le président et la directrice de l'université (qui a aidé à organiser et qui crée un programme d'enseignement avec la boîte de production d'Olmos). Cette fois sans ambassadeur.

Donc voilà à quoi ressemble ma première semaine, en très gros. J'ai zappé les midis à manger des trucs trop bons pour moins de deux Euros, les soirées et les nuits à écouter les bruits de la ville, du petit bout de jungle derrière chez mon ami Yeow Wei, le chant du muezzin à cinq heures du matin appelant les fidèles à la prière, le bruit des flip-flops si différents des autres - parce qu'on est entre la veille et le sommeil - à quatre heurs du mat' en allant manger un roti telur parce que ni Yeow Wei ni moi ne dormions. Et je n'ai pas dit un rôti ! Le roti est une sorte de naan (aussi indien) mais la farine est différente – de la farine d'atta, je ne sais pas encore ce que c'est – et telur signifie œuf en malaisien. NDLR : le roti est indien, le roti canai est malaisien. Même pain, nom différent – comme beaucoup de choses ici ! Je vous réserve le roti (canai) Channa pour la semaine prochaine !

Je n'ai pas dit non plus que je pense beaucoup à certain(e)s d'entre vous, et que seuls le décalage horaire et ma prochaine facture de téléphone (jamais vu un SMS aussi cher de ma vie !) m'empêchent de vous donner des nouvelles individuellement comme je le préfèrerais...

Toujours est-il que celles et ceux qui veulent venir me voir, ou simplement voir ce coin du monde, patientent encore un peu...je devrais « normalement » devenir professeur « officiel » lundi après-midi, avec un statut et surtout un ou des postes définitifs.

Je vous envoie donc de « bons baisers de » Malaisie, bien chauds en ces périodes de disette solaire, et vous dit à bientôt via le blog. N'hésitez pas à m'envoyer des nouvelles par mail, pigeon voyageur, Skype (pas de signaux de fumée, il y a un peu de monde sur la ligne entre la France et ici)...bref, tout ce que les nouvelles technologies peuvent offrir.

Selamat tinggal!
 

7 comments:

  1. Je mets donc mes commentaires directement ici... Je disais donc: c'est super de suivre ton quotidien, on a un peu l'impression d'y être avec toi!Vivement les photos! (je note que je n'ai pas vu la photo du singe que tu dis avoir ajoutée)

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  2. Merci Val de m'avoir rappelé que j'avais oublié de mettre la photo ^^

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  3. Ca me faisait rêver ton histoire, le muezzin d'autant plus.
    T'as tout foutu en l'air avec Olmos... ^^

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  4. Très contente d'avoir de tes news et que les réceptions de l'Ambassadeur soient presque réussies (bon sang, les ferrero quand-même !)
    Ta vie en Malaisie débute très bien :)
    Lundi je pars à Milan, je penserai bien à toi et j'aurai en tête ton texte relatant ton voyage en avion... Je boirai une bouteille de whisky pour tenir le coup, j'aime pas l'avion.
    Tout plein de bises !

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  5. Antoine ESNAULT

    Ah Mr j'ai appris votre départ, comment je suis content pour vous même si vous allez me manquer! ;D

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  6. Vivement lundi!!!!!
    Contente de te lire mon p'tit macac... ;-)))
    Sarah pop

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  7. Salut Rodolphe

    En te lisant,(chose que j'aime pas trop,je parle de lecture bien entendu),je reste pensif,tu me fait penser à un explorateur,partant à l'aventure,ne sachant pas trop ce qu'il va decouvrir,mais l'exitation est si grande qu'il ne peut faire marche arrière.
    La question que je me pose...pourquoi est t'il parti si loin de la France,est-ce une déception amoureuse,ou l'envi de tout de tout recommencer à zéro.
    En tout cas,quel que soit tes envies,je te souhaite sincèrement,du courage et la réussite dans tes projets.
    Bonne aventure.
    Cordi@lement
    Anicet.
    Au fait,j'ai trouvé chaussure à mes pieds (krav)peut-être que cela me permetra de te suivre à la trace
    :-)),les protèges tibia aussi ont fait le bonheure d'un élève. ;-)

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