Friday, 24 December 2010

Malaisie - Semaine 2

 
Selamat tengah hari!

Une semaine de plus, qui ne ressemble pas vraiment à une semaine, étant donné que j'ai dû travailler samedi et dimanche pour les journées portes ouvertes (le but étant d'observer mes collègues qui présentaient le programme afin d'en connaître les moindres détails), et enchaîner comme si de rien n'était. Bref.

Revenons à nos moutons – oui, j'ai laissé tomber les flip-flops, je vous dirai pourquoi dans quelques lignes. Je vous ai donc laissé le vendredi soir, après la soirée avec les ambassadeurs (NB j'ai bel et bien vu des Ferrero rochers © dans une grande surface, il y a donc deux solutions : soit ils s'en foutent complètement et préfèrent petits fours, bouchées et autres sushis, soit leurs publicités ne sont pas les mêmes que les nôtres). Toujours est-il que je me suis retrouvé samedi matin, pas trop frais mais dispo, dans le hall de l'université pour accueillir des centaines et des centaines d'étudiants impatients de venir étudier les arcanes de l'omelette à la française...en fait presque personne n'est venu, vu que le programme vient à peine d'être lancé. Un peu de pub (justement, maintenant qu'on en parle...) ne fera pas de mal.

Il a fallu donc passer le temps en tailler diverses bavettes de-ci de-là. J'ai rencontré pas mal de gens très sympathiques, dont un croate que je décrirai comme – et vous me passerez ce petit caprice, c'est pas tous les jours que je peux utiliser ce mot – pétulant débonnaire. On se marre bien. Je suis aussi allé « écouter » ce cher Edward Olmos qui présentait sa compagnie – même si « aller voir » est plus approprié, comme aller voir tel ou tel film. Un vrai show à l'américaine, mais un type sympa au final, assez simple. Bref, je ne vais pas vous refaire ces deux jours par le menu, même si une anecdote vaut le détour.

Le décor est simple. Une table nappée de rouge juchée sur une estrade et entourée de tables similaires, des brochures, ma collègue de programme Hospitality et moi-même, assis à bavarder. Un monsieur – la déférence s'impose vu ce qui va suivre – un monsieur donc arrive et la première chose qui me frappe en le voyant est qu'il a plus de cheveux sur et dans les oreilles que sur la tête. Il s'avance vers notre stand, le sourire fendu jusqu'aux-dites oreilles. Un subtil coup de pied sous la table et ma collègue se lève. Je m'exécute. Je dois apprendre à présenter le programme des arts culinaires. Tout ce que je réussis à apprendre sur l'instant, c'est à me contrôler. C'est déjà ça. Durant les onze minutes de l'entretien, je prends bien le temps d'observer...les-dits cheveux. Toujours par déférence pour ce monsieur, je ne décrirais ni leur support ni leur qualité, mais plutôt leur organisation générale, leur...leur...arrangement. J'écoute ma collègue qui connaît son sujet sur le bout des doigts. J'observe. Il y a quelque chose qui me chiffonne dans ces cheveux. Je n'arrive pas à mettre le doigt dessus, je l'ai sur le bout de la langue, je me crêpe le chignon tout seul à force de me triturer les méninges. Je coupe les cheveux en quatre, et soudain je reprends le fil et me rends compte que c'est tout bête, que ce n'est même pas tiré par ces splendides cheveux : ils le sont justement, splendides. Luisants. Gominés. Propres comme des sous neufs. Peignés. Oui, mesdames et messieurs. Cette conclusion s'impose d'elle-même. À bien y regarder, il n'y a plus aucun doute possible. Cet honnête homme assume une pilosité qui ne doit pas être qu'auriculaire. Il y a bien une petite voix en moi qui hurle : « Crévindiou ! », mais une autre dit en souriant que finalement il n'y a pas de quoi se moquer, et que c'est bien mieux qu'une touffe de poils hirsutes et gris, empelottée autour du tragus et des lobes supérieur et inférieur. Notez quand même que l'effet de surprise est de taille, presque à vous les faire dresser sur la tête – ou sur les oreilles, ou où que vous les ayez.

Weekend bien rempli donc, qui nous a laissé sur les rotules – mais pas tant que ça. Il se trouve être quatre heures lorsque les portes ouvertes se ferment pour nous (une heure plus tard pour d'autres, pas de veine). Une idée nous effleure : pourquoi ne pas profiter des quelques heures de soleil qu'il nous reste ? Ni une ni deux, nous fonçons à l'appartement nous changer – chaussures de randonnée, short, t-shirts, sac à dos, bouteilles d'eau, et appareil photo – et nous voilà partis à Hulan Lipur Kanching, Selangor, accompagnés de Kaï, un ami de Yeow Wei que j'ai rencontré la veille au soir.

Alors c'est l'histoire d'un finlandais, d'un français et d'un malaisien....qui partent dans un parc à moins d'une heure de route au nord de Kuala Lumpur. Un Recreational park, comme on dit ici. Pour une récréation, on est servis. Peu de voitures sur le parking en terre brune, mais beaucoup de monde autour des tables et des bancs en bois. Des stands de boissons, de glaces, de snacks en tous genres. Un jeune homme qui propose de vous prendre en photo avec l'un de ses perroquets. Des singes à la pelle. Et quand je dis à la pelle, c'est qu'ils sont partout : sur les toits des voitures, sur les poteaux et les fils électriques, les toits des boutiques, dans les arbres (un peu normal, vous allez me dire), sous les bancs à attendre non pas que la nourriture tombe, mais que vous tourniez la tête pour vous la chiper.

Seulement les singes ne constituent pas l'attraction principale de Hulan Lipur Kanching, mais les cascades. En plein milieu de la forêt coule une rivière (étrange, non?) qui se détache, sur sept paliers, en retenues d'eau plus ou moins grandes. Une petite photo pour vous aider à comprendre, vu que je m'exprime comme un pied.



Comme rien n'échappe à votre perspicacité, vous aurez remarqué l'utilisation du mot hutan qui signifie « forêt » (ce qui nous laisse, ergo, avec lipur, « cascade »). En fait, le premier mot que j'ai appris en malais, il y a de cela des années, était orang-outan. L'homme de la forêt. Correctement orthographié, ça donne orang hutan. Pas dur de trouver le mot pour « homme » – enfin, techniquement, il signifie « personne ». Et juste un dernier mot parce qu'il m'amuse beaucoup : air en malaisien signifie « eau ». J'arrête là la lipur de mots nouveaux.
 

C'est sous une chaleur étouffante, palpable, bien humide, que nous commençons notre grimpette. Les chemins sont balisés, les gens nombreux. Destination dominicale. Tout le monde se baigne, suce des glaçons, mange des glaces, prend le frais comme il peut.

Les marches sont relativement hautes, ça grimpe sec. Plus on passe de paliers et moins il y a de gens. Traversée au niveau du palier trois, sous les conseils de Yeow Wei, qui connaît bien le coin. Petite pause au quatrième palier. Plus grand monde ici, quelques jeunes qui se prennent en photos, t-shirts mouillés sur poitrines imberbes.


S'ensuit non plus une bonne petite grimpette dominicale pour papy et mamie, mais une ascension en bonne et due forme. On cherche encore le chemin (normal, il est de l'autre côté de la rivière). Des lianes qui ressemblent à des racines, des racines qui se confondent avec des lianes, des arbres qui s'enchevêtrent, qui s'entortillent autour d'autres arbres, des feuilles de la taille d'un parasol, de la boue, des insectes, un tapis de feuilles moins brunes que la terre, une lumière parfois diffuse, le bruit des cascades qui nous parvient étouffé – et quelques flèches rouges que la mousse finira bientôt de recouvrir, parfois un morceau de rubalise qui fut blanc et rouge, pour signaler une direction.





Le plaisir de la marche qui me fait oublier tout le reste, qui me fait même oublier pourquoi je grimpe. Il faut s'accrocher aux lianes, aux arbres, aux pierres, faire attention à ne pas glisser. On se surprend à se demander si dans un instant on ne va pas resserrer la main sur quelque chose de plus froid et de bien plus vivant qu'un morceau de bois. Si on ne va pas trébucher sur quelque chose de long et de brun qui se confondrait presque avec le sol.


Je suis seul, peut-être devant, les autres sont peut-être derrière, sur un autre chemin. Je ne les entends pas. Il faut parfois s'enfoncer profondément dans la forêt, escalader des rochers, ou au contraire passer très près d'une cascade. Assurer ses appuis. Plus de flip-flops possibles ici. En arrivant au palier cinq, j'ai mis un peu de temps à m'apercevoir qu'il y avait eu du monde il y a peu, un peu comme de ces gens qui gravent leur nom et la date dans l'écorce ou la roche. J'ai souri en les voyant.



Atteindre le palier six a demandé considérablement moins d'efforts, et nous nous sommes rejoints, finalement. Le débit de la cascade à ce palier est plus important. Pas encore de vue sur la vallée.



Il fait chaud, la transpiration pique un peu, on a l'impression qu'un moustique vient chercher de quoi nourrir ses petits. Échange de peu de mots. Chacun apprécie le moment en lui-même. J'ai parfois l'impression de voir défiler une succession d'arrêts sur image. À ce moment précis, je ne pense pas à grand-chose. Il y a de quoi grimper, alors je grimpe. Je ne sais pas encore que ce n'est pas tant la vue d'en haut, un peu brumeuse dans ce couloir de forêt, ni même la taille de cascade et de la retenue d'eau qui me marquera le plus, mais la montée.


La deuxième place revient à la fraîcheur de l'eau sur ce septième et dernier palier. Je me souviens alors que c'est pour ça que nous avons gravi cette colline. Sentiment d'avoir bien fait alors que je me rends compte que le contact de l'eau me donne la chair de poule. Il fait diablement chaud. Tout le monde se met à l'eau et il ne faut pas plus de quelques secondes pour s'accoutumer à la froideur de la baignade. La curiosité nous pousse, Kaï et moi, à nous aventurer un peu plus haut. En fait pas plus haut, car le sol est relativement plat. Sûrement le sommet – plus de cascades, mais la rivière qui serpente entre les arbres, des trous d'eau, des bras morts pour le moment, car ils renaîtront à la prochaine pluie, des têtards qui flemmardent dans un rayon de soleil.

Je passe sur la descente, sur la fin de journée où tout le monde pliait bagage, même le jeune homme aux perroquets – il fera néanmoins un geste pour Kaï qui a bien voulu se faire prendre en photo avec non pas un, mais quatre perroquets. Bêtes bien dociles, car aucune n'est attachée. Elles pourraient à tout moment reprendre cette liberté qu'elles ne semblent plus vouloir, dont elles semblent avoir oublié l'existence. Il ne me reste plus qu'à conclure ce récit hebdomadaire en passant également les divers dîners, les rencontres, les réunions, le repas de Noël de l'université qui fut précédé d'une joyeuse tombola, le passage béni chez ce coiffeur indien qui a dû apprendre à masser  le cuir chevelu chez des lutteurs gréco-romains ou des ex-agents du KGB, le passage chez le médecin, rendu obligatoire grâce à ma première sinusite (qu'est-ce que ça fait mal cette saleté-là), le grand gecko tout gris qui vient fouiner tous les soirs dans la poubelle de la cuisine, la redécouverte du nasi lemak (timbale de riz (nasi) blanc cuisiné dans du lait de coco, surmontée d'oignons grillés, friture de poissons minuscules, cacahuètes grillées, sauce chili (même pas peur, mais bien relevée quand même, faîtes gaffe), pilon de poulet pané, tranches de concombres, moitié d'œuf dur et une sorte de chips).



Il ne me reste plus qu'à vous souhaiter à toutes et à tous de bonnes fêtes de Noël (bien blanc, à ce que je vois sur CNN qui en fait ses choux gras), riches en cadeaux et en plaisirs gustatifs de toutes sortes. Je pense bien à vous. Je pense que vous n'avez pas besoin de moi pour vous dire de profiter pleinement de ce moment en famille, entre amis, seul ou à deux, ici ou là-bas. Alors je ne vous le dis pas.


Selamat Hari Natal! Joyeux Noël !


P.S. Je vais décaler un peu le rythme des publications. Je vais désormais publier le récit de la semaine le lundi, histoire d'inclure le week-end et de me laisser le temps de vous concocter de meilleures histoires – petite faiblesse en ce moment, mais « le bon Homère sommeille quelquefois » a dit  Horace...J'écris juste ça pour souligner le fait qu'on ne peut pas être bon tout le temps – me comparant sûrement plus à Homer qu'à Homère.
 

3 comments:

  1. Ce que tu ne dis pas, c'est si enfin tu es officiellement prof de l'université???J'en déduis que oui vu tes activités...

    Sinon, toujours aussi captivant, j'aime beaucoup

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  2. Horace disait aussi que "sur les flots, sur les grands chemins, nous poursuivons le bonheur. Mais il est ici, le bonheur"

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  3. Cher Rodolphe,
    En vous lisant, en voyant les photos, je me sens juste frustrée de ne pas SENTIR les odeurs et surtout ENTENDRE le bruit de l'eau et de la forêt...

    Bien à vous,
    Sandrine

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