Wednesday, 27 June 2018
Couldn't be any more relevant than now
“Every war when it comes, or before it comes, is represented not as a war but as an act of self-defense against a homicidal maniac. In our time political speech and writing are largely the defense of the indefensible. But if thought corrupts language, language can also corrupt thought. All the war-propaganda, all the screaming and lies and hatred, comes invariably from people who are not fighting. Political language...is designed to make lies sound truthful and murder respectable, and to give an appearance of solidarity to pure wind. War against a foreign country only happens when the moneyed classes think they are going to profit from it. Nationalism is power hunger tempered by self-deception. War is peace. Freedom is slavery. Ignorance is strength. (On the manipulation of language for political ends.) We have now sunk to a depth at which restatement of the obvious is the first duty of intelligent men. If liberty means anything at all, it means the right to tell people what they do not want to hear. In times of universal deceit, telling the truth will be a revolutionary act.”
George Orwell (1903-1950), Facing Unpleasant Facts: Narrative Essays (Edited by George Packer, 2008)
Friday, 22 June 2018
Passage to the island
Passage to the island
with a three-knot
north-north-western wind
the ferry remains on its toes
the seas in this part
is known to be treacherous
passengers pacing about
unsure of what to do
impatiently looking out
perhaps they realised
if a place is accessible only by the
sea
then at the back of the mind
lies the possibility of stay
a subtle evasion, an uncharting
a rubbing oneself off the radars
a backward walk in the sand
to dupe the flies back inside the bell
jar
when you landed you described the sea
as you would have the mind
fearless, unbounded, and quiet
knowing the next tempest
would exile you out
willingly, world-quarantined.
Thursday, 21 June 2018
Taxomnesic Cognition Disorder
Back to the place which
used to matter
nothing but the people has
changed
only a handful few are
left
to tend to vivid memories.
Some unease in me I cannot
name.
The old grey yet older and
there
its presence as telluric
as the skerries.
Some who used to matter
are now dead
but it's something else
which bothers the peace.
Life was easier to handle
back then,
it didn't have the nerve
it has today.
It's hard to tell how much
more
worn out the main square's
cobblestones are
but they have to be,
like most of us.
Suddenly what's amiss as I
turn to leave –
they sawed off one of the
ancient chestnuts
behind the campanile which
forgot to ring.
I have to sit down on the
steps to the common room
weak at the knees now I've
come to realise.
The stump is hollow at the
core
I understand it had been a
necessary measure,
a huge gaping hole in a
row of sailor teeth.
A power is waning out of
memory
discarded with a half-done
shrug
or a sideways nod of the
head.
No warning could possibly
have been issued
like this shot echoing
starting the head skyward
pausing the hoe and the
breath.
We might as well never
have planted that tree
a hundred and fifty-four
years ago.
“The growth isn't worth
the end,
it was just waiting time,
wasted effort,”
that's what some thought
watching the crane operate.
Life goes on as it did
when it stopped for me
eighteen years ago,
unpickupable
for it was never dropped.
Sunday, 10 June 2018
The park at night
The light falls slowly over the park
on the last joggers on their last round
home
the obedient dog who was told he
shouldn't bark
the traffic dying out in one final
flash of chrome
So it is when most fall back to the
safety of their home
that this here vagabond tramps back to
the park
though he's tired of knowing that all
paths lead to roam
he lends the benches and the grass to
all until dark
Yet if someone loiters and paces, they
don't deserve a snark
not even a throat cleared – who
doesn't like to be alone –
he picks a discarded newspaper, watches
the stars disembark
relishing the tingles in his neck as
all his senses turn into gloam
He smiles at the prospects of the
comfort of foam
he luckily excavated not two blocks
from the park –
if the night is to be judged by its
spangling dome
he knows his dreams will be as smooth
as beech bark
Twenty years on the street and he
hasn't lost the spark
some have gone mad, some have gone to
feed the loam –
we all have an expiry date, as we all
have a postmark
but he believes it better we forget
about the metronome
Huffing on a stub he listens to the
silence over the park
with enough booze and grub to outlast
the night he calls home.
Wednesday, 30 May 2018
De la convenance de la lenteur dans le développement de la dépression à la porte de l'éternité
Il n'est pas infréquent
pour les dépressifs de constater que les abîmes varient en
profondeur d'un individu à l'autre, que les noirceurs se teintent
par rapport à celles des autres. Alors que chacun mesure le fond du
gouffre du seuil de son propre désespoir ; peu importe de fait
la profondeur, car nous sommes toutes et tous dans les mêmes abîmes.
C'est ainsi que nous
jaugeons la remontée à la qualité de la lumière au réveil,
exactement comme un plongeur qui remonterait des profondeurs
océaniques par paliers de décompression. La luminosité changeant
au fur de l'ascension, on perçoit l'eau autrement alors qu'elle
n'est intrinsèquement pas différente.
Il y a nos abysses, et
puis il y a celles des autres, ceux qui vont mal mais en fait qui
vont bien. Elles sont relatives au regard qu'on leur porte. Certaines
aident à aller mieux – elles soutiennent – alors que d'autres
génèrent plus de profondeur encore. Ces abysses-là sont de celles
qui reformulent l'idée du suicide en un principe qui réchauffe le
corps, qui apaise l'âme ; qui font qu'on contemple l'idée sans
pleurer, sereinement. Passer à l'acte n'a alors plus d'importance
parce qu'une partie de nous est déjà morte.
Parce qu'on a plongé
plus profondément, ce qui fait l'air si beau et si précieux, en
bas, dans les tréfonds où l'âme est plus sombre que les ténèbres,
nous tue. Les mots d'amitié, les mots d'amour, les gestes de
compassion. Tout précipite plus bas encore. La descente est vive, au
début, rués que nous sommes par la lumière...et au fur que les
ténèbres se font, puis s'épaississent, puis deviennent denses
comme de la mélasse, on ralentit sans être freiné, on se laisse
happer plus bas.
On se sent retomber quand
on sent les réveils plus laborieux, le sommeil nous éluder plus
longtemps, quand on ressent la fatigue du corps rejoindre celle de
l'esprit. Quand la sieste s'impose et qu'elle restaure plus que le
sommeil nocturne. Quand l'air n'y suffit plus et que la nourriture
n'apaise plus la faim.
On souffre beaucoup,
énormément, sans pour autant pouvoir nommer le mal qui nous
assaille. On décèle la douleur à un endroit, puis elle se faufile
ailleurs, inflitre chaque recoin. Puis elle devient diffuse, s'étale
avec le temps comme une dette qu'on devrait rembourser toutes les
nuits jusqu'à la dernière de notre existence.
Les mots de réconfort, à
cet instant, revigorent quelque peu, puis ils finissent sur le
bas-côté, vidés de leur substance comme un marathonien aurait vidé
d'un trait une bouteille d'eau. Ces mots-là sont derrière nous, et
dans un sens on ne voit pas qu'on a avancé, ne serait-ce que de
quelques pas. On ne voit pas le chemin parcouru parce que l'abîme
courbe l'échine, force à regarder les pieds, nous murmurant à
l'oreille que l'horizon est trop terrible à contempler, que nous
perdrions espoir à même y jeter un œil, qu'il est beau parce qu'il
est loin.
La beauté est
insupportable de perfection, car nous rêvons peut-être de voir le
monde brûler, peut-être même voulons-nous biffer de traits rageurs
ces portraits d'hommes et de femmes dont la beauté, l'effroyable
beauté, nous fait venir les larmes aux yeux. Peut-être voulons-nous
mettre en pièce tous les enregistrements de ces chansons qui nous
touchent tellement qu'on les croirait écrites pour nous. La beauté,
on s'en affranchit après un temps, mais pas parce qu'elle reste en
surface, non...parce qu'on la retrouvera plus tard. Quand on aura
appris à s'en détacher, on aura appris à l'aimer. La beauté qu'on
admire nous prend trop d'énergie ; celle qu'on accepte devient
une part de nous-même, elle fonctionne à-travers nous. La laideur
semble avoir plus d'attraits, mais on comprend vite qu'on parle de la
même chose. La beauté n'est pas encore l'abîme, mes amis.
Ces heures qui n'en
finissent de s'étirer en d'interminables pensées n'en sont pas non
plus. Ces journées qu'on fractionne en mugs de thé, en tasses de
café, en verre de vin, en siestes, en épisodes de séries, en
films...ces journées-là sont comptabilisables, ces heures-là
peuvent être décomptées. Elles seront oubliées, noyées dans la
masse, et remémorées comme un tout dans un tout, parce que chacune
de ces journées aura et n'aura pas été identique aux précédentes
et aux suivantes. L'attente, elle, n'aura rien perdu de sa qualité.
Ceci n'est qu'un palier dans la descente.
On regarde l'obscurité
parce qu'un film s'y joue, tout autour de nous, avec des scènes de
milliers de moments, vécus ou imaginés, rêvés ou vus sur un
écran. Ce film, nous y jouons, nous y avons parfois le premier rôle.
Nous y mourons souvent et ces fins nous comblent, nous rassasient.
Nous sauvons le monde parfois, nous le détruisons d'autres. Nous en
contrôlons chacun des aspects, et il nous apparaît souvent plus
bénévolent que le monde réel. Plus précis. On supporte la réalité
uniquement parce que nos sens nous y astreignent. Il arrive cependant
à l'imaginaire d'arriver à tromper nos sens pour mieux nous
imprégner de ce film, pour y goûter chacune des secondes, pour
repousser la réalité de quelques minutes encore afin de la rendre
plus supportable dans l'anesthésie. Le fond, le fond de l'abîme est
proche, mes amis.
Il nous arrive de penser
à Dieu, à l'après, que nous y croyons ou pas. On réfute son
existence mais nous lui parlons. Et quand nous nous rendons compte
qu'en fait ce n'est pas à lui que nous nous adressons, alors le fond
du gouffre est à portée de main. L'atteindre demande un dernier
coup de reins, un dernier sacrifice que la logique impose :
l'acceptation que nous sommes seuls. Alors notre présence demande de
mesurer l'impact de notre absence : qu'avons-nous fait,
qu'aurions-nous pu faire, que pouvons-nous faire. Constat, regret,
champ des possibles. On regarde les chaises vides de notre existence.
Passer de présent à absent devient non pas une évidence, mais un
choix : si, en tout état de cause nous ne pouvons plus rien
faire, si – honnêtement – nous nous rendons compte que nos buts
ont été atteints ou sont inatteignables, que nous ne pouvons nous
satisfaire de moins alors il devient de notre responsabilité de
passer le flambeau, métaphoriquement ou non.
C'est ainsi que, se
retrouvant à la porte de l'éternité de dieu, celle de l'homme
s'ouvre à nous...une éternité silencieuse certes, mais une qu'on
soupçonne plus tranquille, plus affranchie des actions, des choix,
des hamartia qui jalonnent notre vie. Car il est bien là, le
fin fond du tonneau. On y tombe en apesanteur, doucement, les
derniers rais de lumière par-dessus nous ayant disparu tout de bon,
les poumons comme en compression parce qu'on ne sait combien de temps
nous aurons à retenir notre souffle.
Au mitan des ténèbres
nos mains par-devant nous cherchent la ligne de décompression, celle
qui indique la direction de la surface car oui – il n'y a plus de
repère en bas. Plus rien ne fait sens, les sens sont abolis autant
par le manque que par l'excès : le temps s'arrête et défile à
la vitesse de la lumière ; l'ouïe s'annule par impression et
suppression ; nous voyons trop d'obscurité et il n'y a plus
rien à voir ; la proprioceptivité se bloque : ou nous
savons où nos membres sont et cela n'a aucun sens, ou ne savons pas
et le sens nous élude tout aussi bien ; la faim n'est plus
parce qu'elle est suprême ; tous les mécanismes somesthésiques
se mettent hors tension par répression et surpression, et nous ne
sommes plus rien.
Pourtant nous redevenons
tout parce que nous redevenons un. Soudainement la main agrippe le
bout : il est temps de rester tout en remontant. De remonter
dans l'immobilité la plus totale.
On réapprend alors à ne
pas se servir du même mug pendant trois jours parce que maintenant,
on en a d'autres, parce que maintenant on n'a plus à rationner l'eau
pour faire la vaisselle. On ne réutilise plus le
même sachet de thé trois fois, on ne s'en sert plus pour se
réchauffer la paume des mains. On se surprend à allumer
le chauffage parce qu'on n'a plus peur des factures. On ôte ses
sous-vêtements thermiques, son pull, sa deuxième paire de
chaussettes et ses gants parce qu'il ne fait plus 12 degrés dans
l'appartement. On replie le sac de
couchage et on range la paire de rideaux étendue sur le lit. On ne se précipite plus
sur la bouilloire pour profiter de sa chaleur.
On sait que le corps peut
tenir avec deux pains au chocolat, vingt centilitres de jus d'orange
et un bol de soupe de tomates par jour. Et de l'eau, beaucoup d'eau.
On sait qu'il tient parce que l'esprit ne flanche pas, mais on
améliore le quotidien, doucement parce que le corps n'a plus
l'habitude. Comme des paliers de décompression. On retrouve des
goûts oubliés, des textures qui relèvent de la madeleine de
Proust. Les impressions reviennent en picotant au bout des doigts. Et
on se rend à l'évidence du regard délivré des paupières que
quelque chose en nous ne doit pas être cédé aux vers de la tombe,
qu'une éternité s'ouvre au devant de nous. On se renaît poète,
alors qu'on l'a toujours été.
Les émotions
s'affranchissent de la suppression des jours aux ciels de plomb, et
on réalise que nos mots ne sont pas si vains, que le dialogue se
fait avec ceux qui ne sont pas encore nés, même si la distance
reste une barrière nécessaire à la bonne entente : tout
contact avec le poète reste dangereux. La mélancolie, la
dépression, la folie guettent. Alors on officie lorsque les autres
dorment, une main griffonnant le papier et l'autre par-devant nous au
cas où l'on vienne trop près, nous les sentinelles veillant au
grain et la tâche brûlant au creux du ventre, celle qu'on ne peut
laisser à nul autre tant elle demande de sacrifices et de garder
vigile. Ceci est notre combat.
La nourriture retrouve un
goût qu'elle n'a jamais eu parce qu'il faut bien se rendre à
l'évidence : nous ne sommes plus le même, les abîmes sont
remontées avec nous. Nous sommes remontés à la surface parce que
les ténèbres nous y ont autorisés, nous ballastant d'obscurité au
passage de l'octroi parce qu'il nous faut être lents. C'est cette
même lenteur à descendre qui garantit la qualité de la remontée,
la lenteur de l'obscurité à se faire la même que celle de la
lumière à revenir. Sans lenteur, il n'y a aucune tristesse qui
vaille, aucun bonheur qui ne tienne.
Et nous sommes ainsi ce
vieil homme qui n'a plus rien à voir, les poings sur les yeux et les
traces de colle attestant de l'absence volontaire de miroir, seul à
son deuil, la tristesse nue n'étant pas sur nous mais en
nous. La réalité est comme la peinture, plus sur les bords du
pinceau qui l'écrase qu'en son plein sillage où l'imaginaire
réside. Et ce feu qui ne projette aucune ombre, qui n'illumine
aucune ténèbre, ne réchauffe pas non plus ce corps bleu de froid,
bleu d'effroi au seuil de la mort – il nous permet cependant de
l'admirer du seuil de l'éternité, parce que c'est là, et de là,
que nous sommes : un sommet qui est un abysse qui est un sommet.
Thursday, 24 May 2018
L'orage
I
Outre les tremblements du présent
la lumière jaillit en feuilles.
Marcher suffit
un rocher, du papier, un crayon
et l'écrasante métaphore du monde à
démêler.
Le lichen plus pierre que pierre
les fenêtres ouvertes attendent
l'orage
la façade écaillée comme un vieil
iguane
avant sa dernière mue
quelques vieilles ratiches sur un coin
de friche
s'élancent poignarder le projet
d'urbanisation –
ici on reconstruit le passé
calqué sur le papir buvard du présent.
Le murmure des sacs à main en
terrasse.
Se griffer au crépi de la ville
on en connait les moindres bruits
Les lignes droites obliquées forcent
la perspective
le pas de côté pour déformer l'angle
mais le banc de la nuit reste
horizontal
l'accoudoir de la bienséance, on s'en
est accommodé
les grues en équilibre sur un pied
narguent
nuages gris, grues grèges et gravité
grisante
les diagrammes de métal échafaudent
la ruine
orchestrent l'archie et la texture du
renouveau.
L'herbe trop faible pour embrasser
l'imminence de l'ondée
le lierre, résistant didactique,
les pigeons, bien assis dans leur
royaume,
attendent eux-aussi l'orage –
pourtant le lac reste imperturbé
solide dans ses limites de juin.
Les veines aux tempes palpitent comme
l'été
la sueur au pli du coude abritant le
regard
la peau qui se pigmente au feu de la
sieste
c'est l'année de la flanelle et de la
soie.
Le matin balayé de larges lavis de
brume.
Au seuil de l'étoffe la cigarette se
consume
l'excentricité de la chair affranchie
de l'étoffe rugueuse.
II
L'orage arrive, l'air flétrissant la
torpeur
le pas des badauds pressant le pavé
la peau se grêle avant son arrivée
l'insouciant, lui, finit son discours
les ronds de mousse cerclant la paroi
du verre
l'après-midi s'étire plus encore
l'orage amène au seuil du soir.
Dans l'indolence de la digestion.
Le ressouvenir de Vergina et son air
crépitant de cigales
abasourdi de touffeur
la nuit le souffle rauque de l'air
conditionné
à aucun moment le silence
l'été débardant des stères de
lumière
dévalant les collines du Pyrée à
bride abattue
tabula-rasant pour mieux préparer la
prochaine moisson.
La chair est faible dans la poigne
estivale.
III
Le lointain tonnerre noyé dans
l'expectoration du traffic
on ne voit jamais bien que le ventre
des nuages
ondulant comme la peau de l'océan
danse du ventre aux ruminements
menaçants
ils nous rappellent à notre mortalité
les pigeons, eux, ont déserté la
terrasse
si appétissantes des touristes que
rien n'étonne
alors que le tonnerre tonne, chappe de
plomb
pressurant l'atmosphère et nos
instincts
forçant le regard à s'élever
par-dessus le champ des toits –
oui, les pigeons sont partis.
L'ouest flamboyant de noirceurs
épaisses et poisseuses, suintant de
mélancolie.
L'enfant en équilibre sur son ombre
soucieuse du gouffre
s'offre une paire d'ailes de bronze
comme le saint Michel trônant sur
l'église
rêveillant sa propre mort et sa propre
résurrection
avec d'intranquilles battements de cœur
et de paupières, le corps fléchi
et l'esprit contreplongé dans l'eau de
la forge.
Les petits romanichels au visage adulte
le sourcil constamment froncé.
IV
La ligne droite existe aussi peu que le
bleu du ciel
ou que le noir de la nuit
l'illusion entretenue par la rémanence
rétinienne,
par la permanence cristalline de la
perspective
incohérence physique de notre
physiologie
et beoins viscérale de notre esprit de
croire,
de croître en ce qu'il voit,
malgré l'impermanence des états de la
matière
malgré l'entropie et notre désir
d'équilibre
l'impossibilité du noir et du blanc
l'indomptabilité du boson,
combattre notre tendance à l'accrétion
notre préférence de la prévalence
notre vouloir être au centre d'un
tout.
La marée basse des nuages.
On se croit amarré au bonheur des
terrasses
chamarré d'impatience des devantures
d'aventures méritées en des terres au
plus loin
le malheur nous terrasse d'habitudes
millimétrées
pave nos ventricules de manque à
gagner
nous igonrons le nœud dans la gorge
en grands boustrophédons que nous
sommes.
Nous traçons donc le médian de
Schrödinger,
esquivant le déplaisant de la réalité
de comptoir
parce qu'on n'aura pas louvoyé le
grand arbre
phylogénétique pour se saborder au
vide de la tombe.
L'immédiateté du verbe.
La tension de la brèche
la fissure dans la maçonnerie témoigne
du déficit de cette tension que
l'araignée investit
qu'elle entoile non par cette peur du
vide
qui nous empoigne
mais parce que les jours comptent et
n'existent pas
entre les tremblements du présent,
entre les calques du verbe conjuguable.
Les frémissements du sens sous les
mailles du vent
dans l'échoc des silex des phonèmes.
L'étincelle de la connaissance ouvre
les bogues.
Les meules des nuages pointillent le
champ du ciel.
V
L'emprise araignée épouse
l'anfractuosité
pavés sculptés par la foudre des
talons.
La chair de l'olive est une gorgée
d'été
lorsque la soif prend
son noyau, lui, occupe la bouche
affamée de l'hiver
c'est au dehors qu'a lieu la discorde
il faut rompre la chantage de
l'équilibre
le pas ferme au milieu des ruines
et au plus près du combat
la danse à même de raviver les
braises.
Il est temps d'agir
lorsqu'on laisse le jour aux
acouphènes.
Il nous faut essarter nos consciences
même si cela doit se faire par
l'orage.
Les matins de lune insomnieuse amarrent
la volonté
accentuent la soif plus que de raison
l'ennui enfile sa cagoule noire
d'un coup d'oeil sait où la chair
est la plus tendre.
Fardé d'empoie mais le regard direct
le débardeur choisi révèle la gêne
et la blessure aux cuticules n'a pas
encore croûté.
VI
La ville, saisie à la dune de sa
torpeur,
laisse tomber son quotidien à peine
parcouru
et deux siècles intenses de lumières
rappelée à l'ordre de la barbarie
ne pouvant laisser filer une si belle
opportunité
de se dédouaner de sa propre cruauté
l'eau manque mais les bulles de savon
s'envole
en un geste éolien difficile à
comprendre
détaché de son effroyable contexte
pourtant la ville s'est construite sur
la destruction
l'acharnement à l'harnachement des
ressources
qui ont toujours été ailleurs.
L'origami du temps à oublier
la honte saisie au creux du pli
d'une forme si parfaite que la déplier
réveille la bête qui a mû le maître
l'orage surprend la fenêtre ouverte au
dehors
sans avoir pensé qu'il pouvait y
entrer.
Le coup de tonnerre semonce les
insouciants
la moitié de la ville apprend la peur
l'autre enfile veste et chapeau,
éteint les lumières
et prie un dieu qu'on détache du mur
vademecum qui surprend la poche
et du même coup la déforme.
La panique amène le cœur au bord des
livres
le moindre haut-le-cœur et finitatum
est
elle pourtant aussi experte en
enjambement
de cadavres que de raisonnements
la ville tremble, se rassemble sur la
place
où est né le sentiment de liberté
comme les animaux sauvages dans la
clairière
quand la secousse est trop grande
le toît ne protège plus et il devient
stèle,
comme le petit cherchant la mamelle
sèche
le lait y coulant parfois encore.
L'arbre retrouve sa texture et sa
divinté
la ville le rélègue dès lors aux
parcs
oublie que la forêt dort sous le
bitume
ourlant la moindre brèche de lierre ou
de lichen
dans son infatiguable et invisible
travail de sape.
Elle détruit moins qu'elle n'affirme.
Il est temps de se lever, le chemin
attend.
VII
Le vent roidit le corps déjà
engourdit de solitude.
On s'abstient de montrer la défaite du
visage
on ne croise plus le regard de peur
d'être vu
la traque continue, implacable.
Le seul nénuphar de l'étang est en
fleur,
patient, attendu et rubis sur l'ongle
ne déçoit pas le jardinier, premier
et
second à l'admirer pour boire à sa
lie
coupe fraîche d'amertume blanche
un vrai vin dyonisiaque au cœur de la
ville.
Le poète, lui non plus, n'en attend
pas moins.
La fleur de digitale, elle, émergeant
d'entre les barreaux
flétrit à vue de printemps.
L'armoise attend son tour, son heure de
gloire,
au fond d'un verre surprenant d'âpreté.
Le temps délie les langues pâteuses
l'eau manque et le noyau d'olive,
net comme un squelette de désert,
vient d'être craché d'impatience :
l'orage ne doit pas décevoir.
Les conversations se font murmures
sur le ton tragique de la confidence
l'étiage résonne comme une
malédiction
– on a pris les marques pour les
journaux intimes –
le badaud s'étonne de l'étonnement
se fait shaman, thaumaturge, druide,
présentateur météo –
le boiteux le sent dans sa guibolle
bien avant tout ce petit monde.
Il rit. Il rit dans sa barbe usée,
jaunie à la gitane,
brûlée au siècle de la grappe et du
houblon.
Il jette un dernier coup d'œil amusé
au poète
mais il a d'autres jeux à jouer,
d'autres dieux à exploiter, plus
dociles.
Le soir s'éteint au seuil du lotus
ses pétales arrangés en nuages
corollés
le messager du vent aux joues de silex
fronce son marteau, horloge déréglée
sonnant l'écart à tout-va, au
tout-venant.
VIII
Plus d'écart. Le poète respire à
peine
claquemuré dans le sourire de la
dépression
drainé des ultimes gouttes d'amour
personnel.
Il regarde la vie trépidante, goulue,
se dandiner aux fenêtres bourgeoises,
aux fenêtres des HLM, narquoise,
petits pas chassés sur la pointe des
pieds
et d'un revers de main antique
lui faire la plus pittoresque nique.
Tous ces regards tournés vers lui
qui ne le regardent pas vraiment
qui espèrent mais pas autant que lui,
la solitude comme une presse
d'imprimeur
qui aurait toujours peur de ne pas
serrer assez fort
les lettres s'encrant à chaque tour
plus profondément
pour ne pas cesser finalement leur
pression
qu'après avoir buté contre l'os.
La passion du mot brûle le cœur
sable sous les paupières de l'humanité
et les badauds se moquent, dénient,
échangent un mot, un geste vindicatif
et comme si l'illusion de leur bonheur
en dépendait, harponnent un message de
haine
sur sa porte et s'en vont, se frottant
la panse
comme après un bon repas.
Lui attend, les mains jointes au bout
des doigts,
comme laissant suffisamment d'espace
à des espaces dans des espaces
du vide dans du vide dans du vide :
le plus sûr moyen d'en avoir assez
pour créer.
La matière en suspension en puissance
les particules nécessaires créées
depuis
la grande division euclidienne –
trame de la trame – plus précisément
–
trame toujours renouvelée de la trame
usée –
bien en désordre planifié
n'attendant qu'un ultime bloc
pour façonner l'arrangement.
Il n'aurait qu'à claquer les paumes
pour entamer le long voyage
aux confins de la solitude,
comme un coup de tonnerre
dans la nuit d'ivoire
dernier refuge avant la traversée.
Devant l'absolue nécessité du vide
il appréhende chaque interaction
chaque contact avec la matière
avec une précaution de tétrodon.
IX
Il a peur. Peur.
De cette solitude magnifique
magnifiée par la douleur,
les quolibets, les qu'en-dira-t-on,
l'échec de l'impression
la débâcle sordide du baiser.
L'avoir essayé, dernier clou au
cercueil.
Il se dit qu'il peut encore attendre –
l'attente rallonge la sensation du
temps
mais n'oblige pas à vivre :
il préserve la profondeur de champ
sans contraindre à la récolte.
Oui, il se dit qu'il peut faire ça,
faire semblant d'attendre l'orage
faire semblant de tendre les filets
de rentrer au port, un noyau d'olive en
bouche,
s'attabler pour écrire, laissant le
temps s'écrouler
tout en observant ces visages attentifs
et ces nuages s'étirant à perte de
vue
cherchant l'omission dans l'oraison
muette
tout en serrant les points tout en
pleurant.
Le vent du nord, cendreux, force
l'imaginaire
des clairs-obscurs des banc publics
sur la même place où deux cents ans
plus tôt
la tête du roi tombe telle une comète
aux cris de liesse d'une foule
abasourdie.
Les groupes dansent au gré des
affinités,
des sourires timides, des regards
entendues –
grand ballet au tiré de rideau du jour
torpeur que l'herbe et la pierre
n'oublient pas –
les amoureux transis seuls sont laissés
à la tranquillité rayonnant des clins
d'œil
et le poète, parce qu'il observe,
conserve à la mémoire la joie
rassasiée
garant de la clôture indifférente du
jour
témoin de la palsiante fraîcheur
qui s'explique et pourtant qui surprend
peintre fatigué d'un tableau banal
vu mille fois à chaque porte du monde.
Sont-ils déçus, peut-être,
mais jamais les acteurs ne voient la
pièce.
X
Derniers coups de langue de lumière
lappant les vitres luisantes sur les
toits.
Au pavé soudain les peaux se grêlent.
L'hésitation de granit au frémissement
de juin
rappelle ces coups de fusil tonitruants
que personne pourtant ne semble
entendre
provenant de la grange pleine de foin
sombre.
La nuit s'est faite et la pluie
appuyée des prières les plus
pressantes
lave les toits de la ville.
L'ombre est familière dans le canevas
de la sorgue
équarrie au millimètre près par la
mémoire
alors que l'œil ne l'a pas encore
reconnue.
Les passants filent comme un ciel de
traîne
les couleurs meurent dans l'asphyxie
des briques
la foule comme des vagues qui ne
s'échouent
qu'en dehors du champ de vision
chaînes d'atomes en roue libre
impétus orbital centrifuge
axe hors des gonds sans réel contrôle
bientôt un lointain souvenir
les ouvrages de pierre et de
métal-cénotaphes.
La nuit dort contre les flancs de la
bête
la ville ceinte des torpeurs d'un été
improbable
appuie sa tête languide sur son ventre
dans cet amas de respirations lentes
le poète écoute chaque souffle pour
le conter.
Il ne reste plus qu'un pas à faire
pour saisir le seuil et sentir le suin
de la nuit laver la sueur du jour
sceller le corps dans la stupeur de
juin.
Récolter la nuit attardée sous les
pierres
dans les combes en longs filins
chanvrés
qu'on amènera à la rivière pour les
rouir,
cette nuit qui a le goût de terre
pour rien au monde on ne l'échangerait
même si on n'a pas pu en jouir.
Plus le matin est clair, plus sombre
est le thé.
Au mitan des ténèbres il est d'une
pâleur de spectre.
L'oreille collée au flanc régulier
le battement s'estompe dans l'aurore
la bête rythmant les souffles
vient d'ouvrir un œil.
Wednesday, 23 May 2018
Souffle II
Plus tard hier, il fait
nuit blanche
et l'envie de voir la mer,
forte,
tentait l'ombre de ses
doigts filigranes
elle, danseuse à
sensations,
était responsable de
cette envie
car penser à elle
retenait le temps
en courbant l'échine de
la lumière
plus tôt demain, il
faisait l'harmattan
la lueur de la page
cessait d'être alléchante
recoulait le lait dans la
jarre
chassait les corbeaux des
gouttières de toit
le courage retrouvé dans
un verre de vin
sur le plancher silencieux
du matin
vidé il y a cent ans par
pure jalousie
il n'y avait plus
d'hésitation
plus d'envie de percer les
mystères
finie la vie à songer, à
mordre
le voyage immobile n'était
plus
il fallait à présent
parcourir
insensément fini et
infini
faire fossile des ballasts
aller, laisser, vibrer le
cycle
étreindre la voie du tout
à défaut de le pouvoir
comprendre
de son rire de fin du
monde
coulait une rivière folle
comme un rideau battant
contre la tempe
emportait les équations
effaçait les souvenirs
rendait le temps et
l'espace
insupportablement présentMonday, 14 May 2018
freedom
The Truth is out
the Truth is out
the lights went south
as predicted
books no longer needed
living echoes in echoed
chambers
tunnel without walls
all connected
old life in bonfire's
embers
darkness closing in on
I have perfect vision now
I have to leave
I had to
I wasn't afraid to stay
I am unpredictable
even to myself
always wondered
where is Lara
where is Lara
riding up to no
consequence
flitting in her robe
dainty as a daisy
where is she
I wish I could talk to her
listen to her cithara
voice
even though she's here
she's here inside
as inside that enclosed
garden
it's all in here
yes everything is in here
the books the words
the memories
the sensations and the
colours
the numbers, the numbers!
piranesic bridges building
themselves
interalloverconnected –
the world can burn to the
ground
I can build it from memory
–
so I can finally know
where Lara is.
Thursday, 3 May 2018
The Letter
He
came with shuffling feet and halted gait,
He
had a message for me.
The
letter was written in black ink on black paper.
When
I asked him what it meant
He
simply shrugged – perhaps it was a shiver
but
under that hood of his it was hard to see –
And
said to follow him, and so I did
knowing
it was foolish to be candid
knowing
I would ultimately
be
made to sit down and see
what
I wanted to remain blind about –
but
there was no more time to waste,
so
I sat down, looked and was afraid,
stared
at all the mistakes that were made,
and
saw that all was beyond help.
I
wanted to unsee but couldn't, so I wept
and
with a shuffling hand and halted breath
wrote
a letter to myself in death.
Monday, 30 April 2018
Because sarcasm doesn't convey in unspoken text
"I learn that ten percent of all the world's species are parasitic insects. It is hard to believe. What if you were an inventor, and you made ten percent of your inventions in such a way that they could only work by harnessing, disfiguring, or totally destroying the other ninety percent?"
Annie Dillard, author (b. 1945)
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