Saturday 29 December 2012

De la nuit



La nuit est lourde, compacte, longue. Elle est intense, vibrante comme un ruisseau, coule comme les eaux du canal dans la mer Baltique.
La nuit est lourde. Elle s'alourdit d'heure en heure. Elle s'allonge. Devient le temps même, et repousse ses limites à mesure qu'elle grandit. Elle redéfinit elle-même ses espaces au fur de son allongement. Pourtant, le solstice est passé. Comme s'il n'avait de cesse, ayant été une fois. La nuit est intense. Elle fait battre son cœur contre la peau tendue du monde.
La nuit, compacte et infinie comme un atome, devient le cosmos, prend la place de l'espace, et ses cheveux – parce qu'elle n'est qu'un visage – obombre l'univers et notre monde devient la nuit. La nuit est le monde. La nuit est longue. Et lourde.
La nuit est lente ; elle prend son temps. Elle teinte la neige de sa noirceur d'encre, et la neige devient noire à son tour. Des paillettes étincelantes d'obscurité. Des cristaux de carbone voletant dans l'air noir. Des taches d'ombres dans l'ombre.
La nuit est rigoureuse, exigeante. Elle force l'attention. Elle pénètre par les narines et ressort par les pores de la peau – en laissant au passage un peu de ce qu'elle est au fond de nous, un peu de nuit, un grain de nuit qui pourtant change tout.
La dernière fois que nous vîmes le soleil fut également la première, avant d'entrer dans la nuit par un goulet étroit, bien plus au Sud qu'on ne pourrait l'imaginer. Ici, et maintenant, il n'est plus – il ne peut plus être tant la nuit contraint les possibles.
La nuit s'écaille en pétales noirs et froids. La nuit verticalise le regard et horizontalise le silence. Mais, avant tout, la nuit est glaciale.
Le jour peine à se lever, la nuit l'en empêche. Ses rets comme des marbrures d'obsidienne dans le ciel. Ni totalement le jour, ni totalement la nuit. Mais l'issue de l'heure est évidente. C'est bien le jour qui résiste vainement, qui suffoque, qui halète tant il est étouffé. La nuit, elle, patiente, l'œil fixe.

Entre Stockholm et Luleå, 23.12.12

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