Tuesday 3 February 2009

Opus #21

28 décembre,
Nous nous sommes revus. Nouvel extase. Je lui ai presque brisé les os du bras droit, mais elle aimait cela. Elle m'a même confié, étendue nue sur le canapé, qu'elle n'avait jamais ressenti ça avant. Tout le monde cherchait à l'épargner, sauf moi. Que personne ne lui avait jamais fait ça avant. Le problème c'est que moi non plus je ne ressens plus les choses comme avant. J'ai l'impression de me ramollir depuis que je vois Cécile. De devenir plus humain. Si cela persiste, je vais devoir trouver une solution. La fille d'hier ne m'a pas laissé de souvenir impérissable, pas même un arrière-goût de sang dans la bouche.

28 décembre, fin de soirée.
Voir les gens non pas comme des martyrs, comme un piédestal sur lequel se hisser, comme un assemblage de viscères ou même comme un égal à nous qui vivrait, respirerait, transpirerait, digérerait. Non. Voir les gens comme des êtres capables de souffrir, de supplier même dans une agonie certaine, de changer ou de vouloir changer dans le sillage de la mort. On est forcé d'ouvrir les yeux au seuil de l'existence. Il est certainement douloureux de constater qu'il est trop tard. Une demoiselle m'a demandé une fois, dans un gargouillis de sang: « Plus de temps. » J'ai aussitôt appliqué un point de compression sur sa gorge, mais elle comme moi savions que je ne faisais assurément là que repousser l'échéance. Elle posait son regard alentours. La rue était mal éclairée, déserte. Quelques bruits de moteurs ronronnant dans la nuit. Il faisait froid malgré la saison. Les gens râlaient. Elle ne portait pas d'écharpe. Je n'avais plus eu à hésiter. Ses mains agrippaient mes manches. Elle était parfois secouée de violents hoquets. Elle essayait de déglutir mais sa langue claquait. Sa gorge sonnait creux, la prise d'air gargotait comme un évier. Elle a gardé les yeux ouverts et c'était tout ce que je demandais. Il était trop tard et c'était un beau gâchis. Devoir en arriver à cette extrémité-là pour que les gens réagissent. Un mal nécessaire qui devient un bien formateur pour les autres qui restent en vie. Il faut être violent et garder une perspective cohérente pour bien faire passer son message. Pour rallumer les consciences éteintes. Ouvrir les yeux. Mais capter l'attention de tous est une longue et lourde tâche, qui prend du temps, de l'énergie, qui entame la volonté. Bien au-delà de ça il y a la satisfaction d'avoir ôté les œillères, d'avoir donné un autre sens à la vie. Je ne dirais pas que je suis pétri d'altruisme: je me complais dans le meurtre, j'aime le goût et l'odeur du sang. Un corps mourant exsude tellement de de senteurs enivrantes...les petites piqûres d'aiguilles aux bouts des doigts alors qu'on étrangle, qu'on serre le manche d'un couteau qu'on a patiemment aiguisé chez soi...Le cœur qui bat à côté d'un autre qui s'éteint. Un sang qui bouillonne. Un esprit d'une limpidité, d'une vivacité inégalées. Un être qui se réveille au contact des humeurs, au contact de la mort. Le chef de la police n'avait pas invité – non – il avait enjoint avec véhémence la population à observer la plus grande vigilance. La vigile – voilà ce dont nous avons besoin – « pay attention » écrivait Huxley. Nous n'existons que dans la mesure où nous restons ensemble et que nous sommes vigilants à ce que nous devenons – individuellement et en tant que société. Il faut des égoïstes, des parias, des rejetés et de ceux qui rejettent, mais nous nous dirigeons bien quelque part. Nous devons faire des choix, nous méfier des conventions, des normes, de l'homogénéité. Ceux qui le peuvent ou qui le veulent, être vigilants. Les autres qui volontairement ou non ralentissent par leur passivité le reste du groupe – les faire revenir à la raison. Panurge est mort. Ses moutons restent ici et il faut leur apprendre à ne pas sauter de la falaise – certes en en faisant tomber un puis en exposant son corps démantibulé. Une cause, un effet, une leçon. Il se trouve que je prends grand plaisir à enseigner. Il faut que je mette les choses à plat. Ce soir, après le service je demanderai un congé pour les jours suivants.

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