Sunday 28 December 2008

Revenir

Je ne reviendrai pas hanter les terres natales.
Tu me demandes d’attendre et j’obéis.
Mais tes yeux de montagne sont mon pays
Et rester l’habiter me serait plus que fatal.

Je ne reviendrai pas chanter la gloire des quidams
Qui jalonneront mon sentier de terre battue.
Tu m’as dit de m’éloigner de tes mains qui me tuent
Et lentement me laisses mourir sans autre état d’âme.

Je ne reviendrai pas frapper à ta demeure.
Je serai dans une contrée ignorée de tous,
Où les hommes se perdent et les sens ne s’émoussent
Que pour laisser place à une douce torpeur.

Je ne reviendrai pas te dire que je t’aime encore.
Quitter les lieux communs pour fuir la souffrance,
Pour ne pas voir l’amour laissé en errance
Alors qu’il aurait pu sans aucun effort prendre corps.

Je ne reviendrai pas d’où je suis parti.
Parti de tristesse et rongé d’amertume.
D’amertume noyée de mer et d’écume.
L’écume aux yeux, cœur serré, j’ai consenti.

Je ne reviendrai pas finir ma course à l’amour.
Manquant de souffle et pantelant de tristesse
Je marcherai seul dans les déserts sans cesse.
Je ne reviendrai pas, même après mille détours.

Je ne reviendrai nulle part sauf si tu m’aimes.
Mais ne serai-je pas parti trop loin dans l’horizon
Que ta voix n’y puisse me toucher ? Est-ce déraison ?
N’est-ce pas folie que de partir si tu m’aimes.

Reviendrons me hanter tes sourires de perle
Au matin de rosée pourpre sur les champs de sable,
Tes regards d’ébène aux vêpres des terres arables.
Tes longs cheveux de jais sur les moussons déferlent.

Je ne reviendrai pas te dire que je t’aime toujours.
Que ton souvenir a forcé chaque nuit la veille,
Que je touchais ta peau, tes cheveux dans ton sommeil,
Que je sentais la douceur de ta peau, de tes mains le jour.

Je ne reviendrai pas dire que je suis hanté.
Que le souvenir de ton corps sur mes doigts
Lu en braille sur les collines des mois
Me poursuit sans cesse de sa douce cruauté.

Je ne reviendrai pas par un long matin blême.
Je ne parcourrai pas les distances du monde
Pour revoir ton visage qui sans bruit inonde
Les vastes plaines de mes pensées quand bien même
Je ne reviendrai pas te dire que je t’aime.

R.B. Chartres 8-9 septembre 2007

L'envol du condor

Condor du haut de ta cime de béton
tu prends ton envol.
Sous tes plumes battant au vent
mille et cents paires d'yeux
te contemplent dans tes mornes cieux.

La clameur confuse te parvient à peine
alors que de ta bissectrice aérienne
tu rayes le ciel en offrande.
Tes vénérées tectrices chassées
puis adulées de nouveau fendent
l'air tourbillonnant par-dessus l'eau.

Ta silhouette ne disparaîtra pas
derrière l'enclume étincelante des nuages.

Ton envol enveloppé de mystères
chacun y lit un message
en claire-voie de plumes.

Il y a bien encore quelques faucons, quelques aigles
pour disputer une légitimité royale
mais tous ont les yeux rivés sur toi
comme lorsque jadis tu prédisais aux aveugles,
qu'on te bâtissait des temples, des autels,
qu'on érigeait des lignes de pierres parallèles
pour signifier à ceux d'en haut les limites
de ton royaume.

En bas en ce jour pas de stèle
pas de sacrifice mais une foule vrombissante
un air chaud et vibrant
un peu comme celui des Andes
où tu naquis et mourus presque.

Pour l'instant sous tes serres un poing de cuir,
dans l'attente d'un ordre auquel tu consens.
Dette éternelle d'avoir la vie sauve.

Pour l'instant les cris d'admiration surfaits,
les pleurs et les rires d'enfants.
Le bassin scintillant sous l'astre.

Pour l'instant le souvenir des montagnes,
de l'air frais fouettant l'erg nuageux,
de verts plateaux, d'une vague solitude triste,

Pour l'instant la liberté d'un vol ininterrompu,
le plaisir de la chair fraîche, entre le ciel et la terre.

Mais pour l'instant, tu prends ton envol.
R.B. (27.04.08, sur la route de Chartres)

Tuesday 13 May 2008

Opus #15

20 décembre,

[Il a froid. Il doit marcher le long de cet interminable couloir, même s'il ignore pourquoi. Il le doit. Il marche depuis des heures dans ce large passage au sol rocailleux. Parfois au loin puis parfois étonnamment près, de l'eau coule goutte à goutte dans une flaque. À un rythme régulier. Comme un métronome. Ploc. Ploc. Ploc. Ploc. Une main courant sur la surface rugueuse de la paroi il arpente les distances. Il n'y voit rien. Pas grand chose. Pas assez à son goût. Pas une source de lumière. Il pourrait distinguer un tant soit peu s'il y avait quelque chose à distinguer. Il a l'impression de monter, de descendre, d'aller de tout côté sauf d'arriver au but. Plus il avance et plus l'obscurité s'épaissit. Plus la moindre faille dans l'ombre. Plus que le ploc ploc et la main rivée au mur. Ses pas sont mesurés. Il a cessé de les compter depuis longtemps. Pas la moindre bifurcation, c'est déjà ça. Impression étrange. Des ombres dansent devant ses yeux, au rythme de ses pas, comme en suspension dans l'air. Des marionnettes aux fils invisibles. Il tend la main tout en sachant que cela ne sert à rien. Intouchables car trop vives. Mais il y en a une qui a l'air plus lente alors il la pourchasse mais sa main doit rester sur le mur au risque de ne plus savoir comment aller de l'avant. Il peut presque la toucher. Elle semble fatiguée, molle, défaitiste. Il l'a. Presque. Tenter un brusque pas en avant pour la surprendre – quelque chose retient son pied. Il trébuche. Il met les mains devant lui mais sa tête cogne le sol dur comme de la pierre. Toujours dans le noir il tâtonne. Il a un mal de chien. Ne parvient pas à retrouver le mur. Comme s'il se trouvait dans un espace ouvert. Mais il se sent étouffer et le ploc ploc qu'il avait oublié revient de plus belle. Il tend les bras mais rien que le vide de l'ombre. Il crie et sa voix résonne; pas de mur sur lequel rebondir. Son cri meurt bientôt, sonne désespérément creux. Il n'a plus qu'à se diriger tant bien que mal, à quatre pattes sur le sol comme un chien, vers le ploc ploc qui lui donne soif. Sa tête le fait souffrir. Peut-être saigne-t-il. Au moins une belle bosse. Ploc ploc plus près. Pas si loin que ça mais pas sous la paume de la main. Il s'énerve. Il a la tête comme une vraie caisse de résonance et sa bouche est pâteuse comme un lendemain de cuite. Bon dieu. Il en a assez de se ridiculiser de la sorte. Les ombres continuent leur ballet, comme pour le narguer. Ploc. Ploc. Pourtant il ne se donne pas en spectacle, il n'y a pas de public. Mais il se sent le jouet de quelque chose, de quelqu'un qui doit avoir le sourire aux lèvres. Il a l'impression de tourner en rond, de ne pas avancer droit. Il s'arrête, retient sa respiration. Ploc. Ploc. Ploc. Ploc. Il tenterait bien de se relever mais il a peur de retomber. D'ailleurs, sur quoi a-t-il trébuché? Putain de merde où est la sortie. Et ça danse encore devant ses yeux. Le ploc ploc lui donnera au moins un point de repère. Ou pas. Il serre les dents. Ploc. Ploc. Ça grince. Il a soif. Il a froid. L'humidité est invivable, transperce les os, pénètre les chairs comme s'il n'eût pas eu de peau. Ses vêtements frottent, s'accrochent, se déchirent; ses paumes et ses doigts sont griffés. Il a mal. Ploc. Ploc. Puis soudain sa main droite plonge dans la flaque. Il ne réfléchit plus, avale à grosse gorgée, ne parvient pas à boire correctement: l'eau est trop consistante, trop épaisse. Il a toujours soif mais ce qu'il boit lui fait froid dans le dos. Il hésite, voudrait se réveiller parce qu'il doit bien être dans un rêve, non? Ploc. Ploc. Assourdissant. Les ombres semblent vouloir lui faire monter le regard, mais il n'y a rien à voir. Il lève la tête. Tend les bras. Sent quelque chose que son expérience lui figure immanquablement comme un pied. Il remonte et c'est une jambe puis un corps qui se dévoile à son toucher. Ploc. Ploc. Un corps pendu. De larges plaies s'ouvrent sur les cuisses et la poitrine. Il a soif, mais tout à coup il répugne à boire ce sang frais. C'est de l'eau dont il a envie, dont il a besoin, qu'il a cru entendre depuis qu'il s'est retrouvé là. Et puis c'est trop facile. Qui l'a tué ce bonhomme? Pas lui. Mais ce n'est pas la véritable raison. Il n'en a tout simplement pas envie. Ploc. Ploc. Ce qu'il veut, par dessus tout, c'est sortir de ce rêve à la con. Se réveiller et aller travailler. Peut-être tuer. Voir de la lumière, le jour. Ne pas avoir à s'avouer que oui, ici, il a peur.]

Saturday 29 March 2008

Opus #14

19 décembre,

Je remercie le saint patron des assassins, qui n'est pas encore reconnu en ce bas monde, d'avoir fait appeler la mairie et de m'avoir donné deux jours de congés pour me reposer. J'immolerai un corps en son honneur. J'ai passé la journée d'hier à dormir du sommeil du juste, sur mes deux oreilles, à poings fermés. Personne n'est venu troubler ce silence de mansarde. Et me voilà ce matin comme au plus beau des matins, le jour à peine levé sur le monde, revigoré, serein, satisfait. Comme jamais. Et ce n'est pas le fait que ce matin aucun journal ne chantera une de mes oeuvres exposée au grand public qui me fera croire le contraire. Parfois, même le bon Homère se repose.

Thursday 27 March 2008

Opus #13

17 décembre,

Il a fallu qu'on reparle de moi ce matin dans le journal. Cette nuit fut faste, je l'avais prédite, mais je n'avais aucune idée qu'elle arriverait aussi tôt dans ma vie. Je laisse la place à la coupure de presse qui fait les gros titres qui, soit dit en passant, n'est pas trop mal écrite, pour une fois. Comme quoi, ça sert de se donner du mal. Moi je vais prendre une petite douche.


CARNAGE RUE DU PANIER FLEURI

Tôt ce matin la police a été appelée sur les lieux de ce que les badauds ont commencé à surnommer en quelques heures « rue de l'abattoir ». Selon les premiers éléments de l'enquête, une première victime aurait été abordée par le tueur en série qui semblait vouloir jouer profil bas depuis quelques temps. Celui-là même qui a sévi d'un bout à l'autre de la France semble avoir élu domicile ici, là où tout a commencé. C'est probablement alors qu'il dépecait la jeune demoiselle – seules des radiographies dentaires pourront identifier la malheureuse – qu'un passant – vraisemblablement un jeune homme de couleur – alerté par du remue-ménage est arrivé dans la rue sombre pour n'y trouver qu'une mort brutale et sans nom. A partir de là le mystère s'épaissit. Les habitants de la rue, très choqués, jurent leurs grands dieux qu'ils n'ont pas entendu plus de bruits que d'habitude. Le quartier est connu pour ses frasques de sorties de bars et rien ne laissait présager la macabre découverte par un employé communal venu balayer la rue tôt ce matin. Toujours est-il que les corps de trois autres victimes gisent épars le long de cette rue maudite, les murs maculés de sang témoignant d'une violence dépassant l'entendement et, signature tristement célèbre, plusieurs membres manquants au morbide puzzle. Le tueur en série, qui échappe depuis plusieurs mois déjà aux filets de la police qui a pourtant déployé un arsenal des technologies des plus avancées, a encore frappé. Il faisait les gros titres, puis il est tombé dans l'oubli, la vigilance des habitants retombant dans le quotidien qui se rassure de l'accalmie comme d'une fin. Tôt ce matin, il s'est fait un nom, et ce nom fait froid dans le dos. Suite page 3


Rien de tel qu'une bonne douche pour se remettre de ses émotions. Il vont voir ce qu'ils vont voir. Un simple coup de hasard, comme si Dieu lui-même les mettait sur mon chemin comme de beaux et gras moutons de Panurge. J'en tremble encore. Jamais je n'ai ressenti cela encore: comme un diapason qui résonne en permanence à la même intensité démente. L'instinct qui commande de tuer alors même que je n'ai fait qu'apercevoir ce jeune noir, puis ce couple, puis cette jeune fille du coin de l'oeil. Comme si cela n'avait plus d'importance que je sois surpris ou non dans mon labeur. Je suis prêt. Il va de soi que la préparation en amont ne doit pas être négligée et qu'il faut toujours s'attendre à l'inattendu, mais qu'est-ce qu'il est grisant de voir ce mélange d'horreur et de résignation dans leurs yeux alors que ceux-ci s'accoutument à l'obscurité et qu'ils découvrent le sang, les entrailles, les muscles, les lambeaux de peau. Un battement de paupière plus tard et ils savent. Tout. Ils ont la vérité imprimés sur leur rétine et au fond de leur cerveau pendant un instant. Ils savent par exemple qu'on ne peut crier la gorge béante, fendue comme un fruit bien mûr. Qu'on n'échappe pas à son destin, parce que même si on n'était pas passé par là ce soir-là précisément, nos chemins se seraient croisés tôt ou tard. Il n'y a pas d'autres alternatives et cela, ils le savent. Je suis fatigué. Je vais profiter de ce qu'ils m'ont donné mon après-midi pour me remettre de mes émotions pour faire une petite sieste. La police n'appellera pas. Ils ont mes empreintes alors que je n'en ai laissé aucune, mon emploi du temps mais je suis au-dessus de tout soupçon, mon adresse mais ils ne trouveront rien de cohérent avec les autres assassinats. J'ai les paupières lourdes. Le sommeil vient enfin tranquillement sonner à ma porte, ne le laissons pas en reste.


Leaves

Leaves


Leaves swirling in the wind like birds

Covering up the sky with their dance

Leaves airborne and ebbing in the wind

Covering paths that were meant to be trodden

Leaves blowing inadvertently in people’s feet

Erratically following an invisible path

Leaves gathering upon the gutter

Damming last night’s pounding rain

Leaves rustling sadly in the breeze

Cartwheeling untold and shining distances

Leaves colour-constellating plains

And gardens and parks and avenues

Leaves fading in the autumn of years

Sepia memos of forgotten moments

Leaves burying unrememberable memories

Blessing the idiots and people of tears

Leaves stretching a shade past our existences

Unbeknownst to a rampaging world

Leaves leaving in the night starwards

And though earthbound like us meant to be

Leaves sensing a peace we may have forgotten.

Wednesday 26 March 2008

Opus #12

16 décembre,

(On se dit chercher l'homme au plus profond de ses entrailles, des nôtres aussi. Entrailles aruspices et entrailles assassines. L'homme n'est pas né assassin, il l'est devenu par l'inertie de ses sentiments et parce qu'il est de son devoir de faire des choix [et que ses choix l'affectent lui et son entourage – ne serait-ce que momentanément]. Pourtant, il faut bien répondre à cette satané question, non? Si l'on ne cherche pas, l'on ne trouve rien n'est-ce pas? L'homme est capable de tant de choses, et s'il se connaissait mieux, s'il était plus au fait de ses moteurs, de ses faiblesses, de la nature de ses sentiments – combien grandes et magnifiques seraient ses oeuvres! Ah! Dieu qu'il aimerait parfois à converser de la sorte avec un ami assassin, sirotant un thé vert de Chine délicat et parfumé. Passer une excellente demi-journée ensoleillée à échanger ses points de vues, ses impressions, ses expériences. À parler de littérature médiévale, de cantates inachevées, d'économie ou de politique. Au lieu de cela il n'avait que le sordide du monologue qu'il jetait de temps à autre à cette figure décharnée du miroir, le bouillon clair et insipide d'un thé en sachet périmé, la cradeur d'un bouge qui empestait le sang froid comme un appartement de vieux fumeur. Au lieu de cela il n'avait que ces collègues impavides et abrutis et sans autre intérêt qu'ils croiseraient un jour son chemin. Un jour il devrait commettre tant de meurtres qu'il en serait ivre. Quelle belle connerie que les relations humaines.)

Tuesday 18 March 2008

Opus #11

15 décembre,

Il m’a fait signe de la tête, comme si implicitement il acceptait que je me repaisse de son corps. Qu’aurait-il bien pu vouloir signifier d’autre, par ce geste ? Reconnaître l’utilité de mon métier n’est pas dans les habitudes du genre humain; non ce n'est pas ça. Me saluer en tant que compatriote ? Très improbable étant donné mon statut social, et l’angle d’inclinaison de sa tête. Sa mine défaite. L’heure de la journée. La tête lourde de souci. Toujours est-il qu’il m’a convié, que la satiété est bien présente, que les tremblements se sont arrêtés. Que nous sommes tous les deux apaisés à présent.

Monday 17 March 2008

Opus #10

14 décembre,

[Rêve étrange. Obscure labyrinthe qu’est la mémoire. Panique nocturne. Réveil en sursaut à l’intérieur même du rêve. Conscience dans la conscience. Du sang sur tout le corps, sur le visage, du sang qui transpire de sa peau. Qui s’échappe comme de la fumée, qui vient s’enrouler comme des tentacules autour de lui. De sa bouche, de ses oreilles, de son nez. Son corps de la pâleur éthérée de la mort. Un cadavre conscient de sa mortalité, de l’achèvement de sa vie. Le regard vidé d’âme, perdu dans les limbes de l’oubli. Un corps intact, sans aucune blessure ; rien qui puisse expliquer tout ce sang, cette mort ou tout simplement cette blancheur de trépassé. Rien de distinctif ; à part peut-être simplement une barbe de quelques jours et des cernes entourant ce regard insoutenable. Il se fait peur. Il se voit hors d’un corps qu’il reconnaît comme le sien. Malgré l’intolérable lividité. Malgré le sang, malgré la rougeur de ce sang sur cette peau d’albâtre, presque diaphane. Les veines gonflées, battantes, regorgeant d’hémoglobine, saillant en surface. Il est et n’est pas ce corps qui souffre et meurt sans arrêt. Serait-ce la condamnation pour ses crimes ? le seul moyen de les expier ? Il sent son cœur palpiter, cogner contre ses côtes qui claquent, il le sent qui pompe un sang qui fuit, qui pompe comme on aspire par une paille percée, qu’il se fatigue, s’essouffle, qu’il emploie l’énergie du désespoir pour pomper, pomper, pomper, mais que ses efforts s’avèrent vains et que les battements se font moins intenses, moins réguliers, plus sourds et que finalement, le sang venant à manquer dans ses artères fatiguées, dans ses ventricules flasques, il s’arrête, épuisé, vaincu, passé. Puis le sang volatile, aspiré comme par enchantement par des poumons nécrosés, s’insinue dans les veines et les artères deux secondes plus tôt sèches et collapsées, insuffle une vie là où mort s’égrenait. Et la vie recommence, palpite à nouveau comme une démente, reprend possession de cette dépouille et pompe à nouveau, pour mourir de nouveau, peine perdue. Il sait que son réveil est imminent, que l’assassin est là tapi dans l’ombre de son ego prêt à bondir toutes griffes dehors. Que la phase de planification sera courte. Que l’assassinat sera bref, d’une intensité à couper le souffle, à sentir son cœur jaillir hors de sa poitrine. Qu’il devra faire attention plus que de coutume, parce qu’il avait tendance, après une période sans tuer, à devenir fébrile et à vouloir plus de sang, à voir plus de souffrance, à faire durer le plaisir plus longtemps. Il ne sait pas s’il tiendra longtemps, mais il faut respecter la méthode, sans quoi il ne sera qu’un vulgaire tueur, sans quoi ses pulsions feront de lui un ersatz d’assassin.] (Les muscles reprennent leur lourdeur; il commence à sentir l'air moite sur lui et son cœur battant à tout rompre dans sa poitrine réclame du sang.)

Habits

I am a man of habits I got to this conclusion because I flash-realised that I am hoping that someone, someday will see the patterns the rou...