Thursday 27 March 2008

Opus #13

17 décembre,

Il a fallu qu'on reparle de moi ce matin dans le journal. Cette nuit fut faste, je l'avais prédite, mais je n'avais aucune idée qu'elle arriverait aussi tôt dans ma vie. Je laisse la place à la coupure de presse qui fait les gros titres qui, soit dit en passant, n'est pas trop mal écrite, pour une fois. Comme quoi, ça sert de se donner du mal. Moi je vais prendre une petite douche.


CARNAGE RUE DU PANIER FLEURI

Tôt ce matin la police a été appelée sur les lieux de ce que les badauds ont commencé à surnommer en quelques heures « rue de l'abattoir ». Selon les premiers éléments de l'enquête, une première victime aurait été abordée par le tueur en série qui semblait vouloir jouer profil bas depuis quelques temps. Celui-là même qui a sévi d'un bout à l'autre de la France semble avoir élu domicile ici, là où tout a commencé. C'est probablement alors qu'il dépecait la jeune demoiselle – seules des radiographies dentaires pourront identifier la malheureuse – qu'un passant – vraisemblablement un jeune homme de couleur – alerté par du remue-ménage est arrivé dans la rue sombre pour n'y trouver qu'une mort brutale et sans nom. A partir de là le mystère s'épaissit. Les habitants de la rue, très choqués, jurent leurs grands dieux qu'ils n'ont pas entendu plus de bruits que d'habitude. Le quartier est connu pour ses frasques de sorties de bars et rien ne laissait présager la macabre découverte par un employé communal venu balayer la rue tôt ce matin. Toujours est-il que les corps de trois autres victimes gisent épars le long de cette rue maudite, les murs maculés de sang témoignant d'une violence dépassant l'entendement et, signature tristement célèbre, plusieurs membres manquants au morbide puzzle. Le tueur en série, qui échappe depuis plusieurs mois déjà aux filets de la police qui a pourtant déployé un arsenal des technologies des plus avancées, a encore frappé. Il faisait les gros titres, puis il est tombé dans l'oubli, la vigilance des habitants retombant dans le quotidien qui se rassure de l'accalmie comme d'une fin. Tôt ce matin, il s'est fait un nom, et ce nom fait froid dans le dos. Suite page 3


Rien de tel qu'une bonne douche pour se remettre de ses émotions. Il vont voir ce qu'ils vont voir. Un simple coup de hasard, comme si Dieu lui-même les mettait sur mon chemin comme de beaux et gras moutons de Panurge. J'en tremble encore. Jamais je n'ai ressenti cela encore: comme un diapason qui résonne en permanence à la même intensité démente. L'instinct qui commande de tuer alors même que je n'ai fait qu'apercevoir ce jeune noir, puis ce couple, puis cette jeune fille du coin de l'oeil. Comme si cela n'avait plus d'importance que je sois surpris ou non dans mon labeur. Je suis prêt. Il va de soi que la préparation en amont ne doit pas être négligée et qu'il faut toujours s'attendre à l'inattendu, mais qu'est-ce qu'il est grisant de voir ce mélange d'horreur et de résignation dans leurs yeux alors que ceux-ci s'accoutument à l'obscurité et qu'ils découvrent le sang, les entrailles, les muscles, les lambeaux de peau. Un battement de paupière plus tard et ils savent. Tout. Ils ont la vérité imprimés sur leur rétine et au fond de leur cerveau pendant un instant. Ils savent par exemple qu'on ne peut crier la gorge béante, fendue comme un fruit bien mûr. Qu'on n'échappe pas à son destin, parce que même si on n'était pas passé par là ce soir-là précisément, nos chemins se seraient croisés tôt ou tard. Il n'y a pas d'autres alternatives et cela, ils le savent. Je suis fatigué. Je vais profiter de ce qu'ils m'ont donné mon après-midi pour me remettre de mes émotions pour faire une petite sieste. La police n'appellera pas. Ils ont mes empreintes alors que je n'en ai laissé aucune, mon emploi du temps mais je suis au-dessus de tout soupçon, mon adresse mais ils ne trouveront rien de cohérent avec les autres assassinats. J'ai les paupières lourdes. Le sommeil vient enfin tranquillement sonner à ma porte, ne le laissons pas en reste.


No comments:

Post a Comment

Avis sur la chose en question
Feedback on the thing in question

Habits

I am a man of habits I got to this conclusion because I flash-realised that I am hoping that someone, someday will see the patterns the rou...