Thursday, 28 June 2012
Wednesday, 27 June 2012
Where the heart is
"Méfiez-vous
des gens dont on dit qu'ils ont le coeur sur la main. Comme ce n'est
pas sa place, demandez-vous ce qu'ils peuvent bien avoir à la place
du coeur."
Pierre-Jean Vaillard, chansonnier, écrivain, comédien de théâtre et de radio (1918-1988)
Long time no quote
"Many who have spent a lifetime in it can tell us less of love than the child that lost a dog yesterday."
Thornton Wilder, writer (1897-1975)
Tuesday, 26 June 2012
Westbound
Your alarm clock shows 4:48.
You must be fast asleep on Echo Hills.
Riding clouds of dreams in ethereal
plains.
The wind winding through your dark mane.
Nothing there not at your will.
Nothing there spelling my name.
Can you imagine a future for the two of us
When you couldn't with the best of men?
You stare at the rising sun.
Your horse sweating from the ride.
In the distance mountains shape the
world.
I intend to catch the last rays of
sunlight.
Walk I must in a country I know nothing
of.
You will wake up any moment now.
And then I will be gone.
4:49 and time passing like a cloud.
Drifting away. Every minute you draw
further
away from me, in the dust slanting
under sunshafts.
I wish there were words to redefine
what has been lost.
I wish I had met you before.
A smile upon your face, looking out to the West.
PS: Poem dated July 2010...
Monday, 25 June 2012
Undómiel
La
première étoile du soir brille devant moi et je ne peux suivre son
cap,
Non
pas que les nuages l'obscurcissent à ma vue;
La
nuit est claire, l'horizon dégagé.
Les
lames éperonnent le navire dont je suis le capitaine,
Mais
il n'y a aucun vent; nos voiles semblent des suaires.
Mes
instruments ne réagissent pas au contact de l'astre.
Elle
jette ses lumières mordorés à la face du monde,
alors
qu'au dehors, la nuit terrifie les plus courageux.
Comme
si, pour une fois, elle aimerait
Que
l'on suive un cap autre que le sien.
Elle
ne sait pas qu'elle n'y en a pas d'autres.
Alors
elle aveugle, désoriente, fait douter.
Tout
le monde sur le pont susurre, de peur d'éveiller
Quelque
malédiction enfouie dans les eaux noires.
Il
y a comme un grand vide autour d'elle qui ne s'explique pas.
Elle
reste suspendue, comme veillant ou attendant.
Il
y a peu nous étions sereins. Je l'étais.
Je
regardais les pages du livre de bord,
Rien
n'annonçait ce désastre.
Elle
est l'unique page blanche qui ne se peut écrire.
On
lui a donné mille nom, cents offrandes,
On
lui tout donné parce qu'on lui doit tout,
Mais
elle ne reçoit rien, inatteignable.
Elle
ne voudrait être que pour un et pas pour tous,
Pour
celui qui guide nos jours.
Cent
yeux tournés dans ma direction, alors que nous devrions,
Tous,
avoir le visage rivé au ciel car cette nuit,
Comme
toutes les autres d'ailleurs, il n'y a pas d'autre chemin
Que
par son éclat.
"Parfois,
la nuit,
le
simple fait de regarder une étoile
me
fait tourner la tête."
PS : Vieux poème daté de juin 2010 dont je ne retrouve aucune trace sur le blog...c'est donc que j'ai oublié de le poster.
Sunday, 24 June 2012
Varyanerillë
J'ai cru voir, dans vos
yeux désintéressés,
Une lueur orange, bien
étrange,
Un rien pressée,
Comme si, tout-à-coup,
vous hésitiez.
Est-ce à dire qu'un
trouble vous étreint ?
Voyez-vous double dans les
vitres du train ?
Les feuilles roulant au
vent font un bruit de pluie,
Pourtant il n'y a que vous
qui tendiez la main.
Alors sortons sous la
pluie, ensemble,
Parce que plus d'un devant
elle tremble.
Sauvez ou damnez les
hommes, mais avant tout :
Protégeons-vous, vous et
moi, de vous, ensemble.
J'ai cru lire, dans vos
mots las et cassés,
Une crainte qui ronge,
Un rien cachée,
Comme si, après tout,
vous abandonniez.
Je vous donne, chère
amie,
Une poignée de feuille,
Sans condition ni écueil,
Une poignée de pluie.
à celle qui s'absente.
Friday, 22 June 2012
Got me thinking
"Although the connections are not always obvious, personal change is inseparable from social and political change."
Harriet Lerner, psychologist (b. 1944)
Tuesday, 19 June 2012
Some palatable bits of Friedrich
“A pair of powerful spectacles has sometimes sufficed to cure a person in love.”
“And those who were seen dancing were thought to be insane by those who could not hear the music.”
“You must have chaos within you to give birth to a dancing star.”
“Whoever fights monsters should see to it that in the process he does not become a monster. And if you gaze long enough into an abyss, the abyss will gaze back into you.”
“The man of knowledge must be able not only to love his enemies but also to hate his friends.”
“A casual stroll through the lunatic asylum shows that faith does not prove anything.”
“We have art in order not to die of the truth.”
“What labels me, negates me.”
“What does your conscience say? — 'You should become the person you are'."
“That which is done out of love is always beyond good and evil.”
“The thought of suicide is a great consolation: by means of it one gets through many a dark night.”
“Without music, life would be a mistake.”
Friedrich Nietzsche, german philosopher, poet, cultural critic and classical philologist (1844-1900)
Sunday, 17 June 2012
Saturday, 16 June 2012
Mister Nélé
*** Histoire élaborée à partir d'illustrations d'Olivier Aubin il y a de cela quelques années (et proposée à plusieurs maisons d'éditions, sans succès), en collaboration avec lui. Les noms ainsi que les personnages (Mister Nélé, King Nunu et Madame Truchotte) sont directement empruntés de son univers, et restent sa propriété. L'histoire, quant à elle, reste de ma facture. ***
***Regardez les illustrations avant de lire l'histoire ! ***
« Mister
Nélé ! Fresh de Zanzibar ! Que me vaut le plaisir de ce
coup de téléphone si matinal que même moi je ne suis pas encore
levé ?
_ King
Nunu, je suis désolé de vous déranger si tôt, mais la machine est
encore en panne...
_ Nom d'une
corne de mammouth en bois ! C'est pas possible ! Ça fait
trois fois cette semaine et on n'est que mardi !
_ Désolé...
_ Bon,
c'est pas grave, j'arrive dès que possible Mister Nélé !
Fresh de Zanzibar ! »
Appeler ou
rendre visite à King Nunu trop tôt le matin prenait toujours des
tournures bizarres.
Mister
Nélé raccrocha lentement le téléphone. Il soupira. King Nunu ne
serait pas là avant une bonne demi-heure, il avait donc le temps de
se faire un thé. Il traîna des pieds jusqu'à la cuisine, tout en
bâillant et s'étirant. Il mit la bouilloire en route, sortit un mug
et un sachet de thé, prit un sucre. Il y avait quelque chose qui
clochait mais il n'aurait su dire quoi. Tout était rangé à sa
place, bien aligné. Les casseroles en rang d'oignons sur le mur,
tout comme les pots de beurre de cacahuètes dont il raffolait. Rien
n'avait bougé, ne pouvait
avoir bougé. Il scruta chaque détail : la pièce carrée, la
table et ses trois autres chaises inutiles, les placards, les cadres
avec les photos de ses vacances. Il versa l'eau dans son mug. Oui, il
y avait bien quelque chose de louche, de pas normal. Il se leva,
regarda par la fenêtre. Un insecte était posé sur le
rebord...mouais, peut-être pas... en fait c'était – Ouch !
Il s'était brûlé ! Il avait trop attendu, occupé à
rêvasser, et le thé était bouillant. Oui, décidément, rien ne
tournait rond.
La nuit
avait été longue et laborieuse. Il avait essayé tant bien que mal
de réparer cette fichue machine mais il lui manquait des pièces,
des outils et surtout la patience.
Il
laissa son
thé refroidir un peu et décida de prendre une douche pour être
présentable devant King Nunu, qui était LA référence en matière
de réparations. Tout le monde dans la ville faisait appel à lui
lorsqu'un appareil tombait en panne.
« Bon,
Mister Nélé, je n'pense pas que ça soit bien méchant. Cette
machine est pas si compliquée que ça, après tout. Vous avez gardé
le mode d'emploi ?
_
Je crois oui, il doit être dans le tiroir de ma table de chevet. Je
vais vous le chercher. »
King
Nunu, suant à grosses gouttes, se demandait comment ne pas perdre la
face devant une telle schgrogneugneu de machine à la noix. Il y
avait des leviers partout, des boutons à droite, à gauche, des
valves, des soupapes ; il en passait et des meilleurs –
comment tout cela fonctionnait ? Ce devait être encore bien
pire dans le ventre de la machine. Il entendit le pas lourd de Mister
Nélé, qui revenait de sa chambre à l'étage. Il fallait trouver
une échappatoire, et vite.
« Merci
Mister Nélé. Fresh de Zanzibar ! Alors, que dit ce mode
d'emploi.......... mmmmmoui........logique, oui.............ok
ok.................d'accord...............mmmmh.............bon !
Eh bien c'est pas si grave, docteur ! Par contre, j'ai pas ZE
outil qu'il faut. Je fais un aller-retour flash-éclair à l'atelier
et on remet la machine sur pied !
_
Merci beaucoup, King Nunu ! Vous êtes vraiment le meilleur !
_
Fresh de Zanzibar ! »
Heureusement
qu'il existait quelqu'un comme King Nunu dans cette ville. Mister
Nélé put donc reprendre ses recherches, l'esprit plus léger. Mais
avant de se lancer, il alla dans la cuisine se faire deux tartines de
beurre de cacahuètes, histoire de se donner un peu d'entrain avant
une longue journée de travail.
Mister
Nélé s'était, depuis peu, lancé dans l'imprimerie. « Depuis
peu » parce qu'il n'avait pas
toujours fait cela. Avant il travaillait à la mairie, il y archivait
des dossiers. Du matin au soir, il classait des dizaines et des
dizaines de dossiers, se battait avec les souris pour qu'elles ne
grignotent pas les plus anciens, avec les cafards pour qu'ils
n'infestent pas tous les rayons. Certains jours, il y avait vraiment
de quoi devenir marteau. Et c'est ainsi qu'une nuit il rêva. Ce
n'était pourtant pas dans ses habitudes : il se réveilla en
sursaut, ne sachant qu'en penser. On dit que tout le monde rêve,
chaque nuit, mais qu'on ne s'en souvient pas forcément.
Cette
nuit-là, il rêva d'une presse rotative, comme celles pour imprimer
les journaux. Il n'en avait jamais vu avant mais il se dit que ce
devait en être une grosse. Il était si perturbé par cette aventure
d'un goût nouveau qu'il en fit un plan sur une feuille de papier.
Les choses restèrent ainsi quelques temps. Mais chaque nuit il
rêvait de la machine. Il la voyait fonctionner, la multitude de
vérins, de pistons, de roues sans fin en action. Puis un beau jour
il décida de s'abonner à une revue d'imprimeur, y trouva enfin ce à
quoi il rêvait chaque nuit : LA presse rotative. Il passa des
nuits entières à se documenter, à réfléchir, à apprendre, à se
demander quoi imprimer. Il trouva des idées, beaucoup, tellement en
fait que dans les premiers temps il devait avoir en permanence un
petit calepin sur lui pour noter toutes les idées qui lui passaient
par la tête, et il lui en passait comme sur une autoroute.
Puis il
commanda une presse à papier, quitta son travail à la mairie et
lança sa petite entreprise d'impression. Il se rendit compte que
tout le monde avait besoin de ses services : pour faire une
affiche vantant les mérites de tel ou tel produit, des faire-parts
de mariage ou de naissance, pour imprimer les manuels des écoliers,
les publicités.
On lui
livra la machine et déjà celle-ci tournait à plein régime depuis
plusieurs semaines – jusqu'au jour fatidique, hier, où la presse
rotative ne voulut plus rien savoir. King Nunu avait réussi à deux
reprises à refaire fonctionner le système, y passant plusieurs
heures, mais cette nuit-là il s'était passé quelque chose...il
avait tripatouillé là où King Nunu avait tripatouillé mais rien
n'y avait fait. Tous ses espoirs résidaient maintenant dans ce
personnage haut en couleurs. Il avait entièrement confiance en lui,
aussi lorsque ce dernier arriva, fier comme Artaban, avec son outil
qui ressemblait étrangement à un cric, cet étrange appareil pour
lever les voitures, il ne put que sourire : il était indéniable
que King Nunu tenait là le remède au mal.
Le
réparateur ne pouvait faillir à sa mission : Mister Nélé
comptait visiblement sur lui. En chemin, il avait feuilleté
fébrilement le mode d'emploi pour finalement trouver ce qui lui
semblait être le cœur du problème. En cet instant, King Nunu
n'était pas si sûr de lui que cela, mais sa voix ne chevrota pas,
elle était même étonnamment assurée :
« Je
vais devoir démonter pas mal de choses et je n'pense pas avoir fini
ce soir. Mais vous inquiétez pas, j'ai la situation bien en main !
_ Faîtes
ce qu'il faut, King Nunu, je m'en remets à vous !
_ Fresh de
Zanzibar ! Pas de souci ! »
Effectivement,
King Nunu y passa le plus clair de la journée et de la nuit. La lune
trônait fièrement dans le ciel étoilé lorsque King Nunu, éreinté,
décida de s'arrêter là et d'aller dormir un peu. Il fit un signe
de la main à Mister Nélé qui le regardait partir sur le pas de la
porte, dans la lueur des phares. Il rota. Décidément, les sandwichs
fromage de chèvre et beurre de cacahuètes n'étaient pas son fort.
Mister Nélé
regarda le camion de King Nunu Enterprise s'enfoncer dans le noir de
la nuit. Il faisait de son mieux, il n'y avait pas de doute
là-dessus. Il resta un moment sur le pas de la porte, à regarder
les étoiles, la lune, les nuages qui passaient lentement et qui
plongeaient parfois la ville dans les ténèbres. C'était beau. Il
faisait plutôt chaud pour un début d'automne. Une sauterelle ou un
insecte du genre se mit à chanter. Déjà les feuilles tombées des
arbres dessinaient une mosaïque colorée dans les rues. Un léger
vent emporta quelques feuilles à ses pieds. Il y avait quelque chose
de...surnaturel dans ce bruissement. Il frissonna.
Il allait
se retourner lorsqu'il vit une ombre passer devant la lune. Une
forme, une silhouette, quelque
chose. Pourtant rien, pas un bruit. Pas un chat. Pas un oiseau.
Il resta encore à observer, puis il se dit qu'il devait être très
fatigué et qu'il était grand temps d'aller se coucher. Ce qu'il fit
d'ailleurs, après avoir jeté un dernier coup d'œil sceptique à la
machine presque entièrement démontée. Il y en avait partout. Il
soupira.
Le
lendemain matin, il ouvrit les yeux avant la sonnerie du réveil.
Cligna à plusieurs reprises. Le soleil du petit matin illuminait
toute la chambre : il avait oublié de fermer les volets. Il
s'étira, son grand lit grinça. Tout à coup il tendit l'oreille :
il y avait du bruit en bas. Il se leva précipitamment, empoigna sa
batte de base-ball cachée derrière la porte et sans faire de bruit
descendit l'escalier. Il se posta à l'angle de la cuisine, sentit
du bout de la trompe...rien. Il ausculta ainsi chaque coin et recoin
du rez-de-chaussée. Cela venait donc du sous-sol, où il y avait la
machine. Il descendit prudemment les marches. Il entendait marmonner
et puis...un autre bruit, plus ténu. On touchait à sa machine.
Peut-être même était-ce un voleur de machine, ou d'idée. La forme
dans le ciel. La raison pour laquelle rien n'allait droit, rien ne
tournait rond. Il se posta à l'angle du mur, près de la porte. Le
bout de sa trompe se mit à frémir. Il y avait bel et bien
quelqu'un. Il allait voir ce qu'il allait voir, ce voleur ou
ce...truc : il
remonta son pantalon de pyjama, fronça les sourcils et, levant la
batte bien droit en l'air, il se précipita dans la pièce.
« Yaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhh !
_
Aaaaaaaaaaaaaaaaaahhhhh ! Nom d'un p'tit bonhomme en bois !
Mister Nélé !
_ King Nunu
! Qu'est-ce que vous faîtes ici ?
_ Fresh de
Zanzibar ! Hébé je répare votre machine ! Vous avez
oublié de fermer la porte à clef, alors je me suis dit que j'allais
vous laisser dormir et que je pouvais bien commencer sans vous.
_
...Euh..merci...je suis désolé, je vous avais pris pour un voleur.
_ Vous
m'avez fichu une frousse de tous les diables !
Fiou ! Bon, bref, j'ai bientôt fini.
_ Je vais me faire un thé et des toasts, vous en voulez ? »
Mouvement de panique de King Nunu.
« Hem, euh non merci, brom, j'ai déjà pris mon
petit-déjeuner. Ou alors, juste une tasse de café. Avec du sucre,
pas de beurre de cacahuète. »
Dzzzzzzzzzzzztchekavrrrrrrrtchekavrrrrrrrrrrrrtchekavrrtchekatchekatchekatcheka
« Fresh de Zanzibar ! Je suis le meilleur !
Youhou ! »
Mister Nélé
prit King Nunu dans ses bras et ils sautèrent de joie ensemble,
alors que la machine débitait les affiches pour le cirque qui devait
s'installer en ville la semaine suivante. Tout allait pour le mieux.
Pour
remercier King Nunu, il imprima gratuitement des dizaines d'affiches
avec la photo de celui-ci devant son atelier, qu'il placarda aux
quatre coins de la ville.
Le
sentiment qu'il y avait quelque chose de louche dans l'air s'estompa,
pour finir par disparaître complètement.
Une semaine
s'écoula.
Tchekatchekatchekatchekakstchekakskstchekakskskskskskstchekaksksksksksksksks
Le mercredi
suivant un papier vint à se coincer dans le dernier des cylindres.
Mister Nélé, sur le qui-vive, appuya sur le bouton d'arrêt
d'urgence et extirpa la feuille coincée. Elle avait été
complètement écrasée, froissée. En la sortant elle se déplia
légèrement, prit une forme bizarre puis, au fur et à mesure, prit
celle d'un origami : il représentait un cygne parfait.
Il s'apprêtait à appeler King Nunu lorsqu'une pensée lui traversa
l'esprit : rien n'allait droit. Il y avait eu trop de signes
pour qu'il les ignore maintenant. Il se tritura les méninges, finit
par comprendre, et après quelques essais, tours de manivelles et
réglages de boulons, ne réussit pourtant point à reproduire le
cygne. Il se rendit compte que chacun des essais, loin d'être
infructueux, donnait un origami original,
comme un avion, une maison ou une étoile etc...Il tenait là une
idée géniale. Il décida donc de proposer à ses clients des
messages-surprises dans la forme qu'ils souhaitaient.
L'idée
plut à tant et tant de monde que bientôt toute la ville fut envahie
d'origamis. Sous cette forme, les commerces distribuaient des bons de
réductions, les écoles des bons points, les gens des cartes de vœux
ou de simples lettres. On demandait souvent le secret de ses origamis
à Mister Nélé, mais celui-ci vous remerciait, un sourire
énigmatique aux lèvres et vous disait qu'un secret devait le
rester.
Dans les premiers temps, il n'avait pas osé demander à King Nunu
d'intervenir sur la machine, les origamis marchant très bien, mais
l'idée que le système tombe en panne effleura un matin le
pachyderme. Toute une liste des conséquences possibles défila
devant ses yeux.
« Allô, King Nunu, c'est Mister Nélé !
_ Fresh de Zanzibar ! Mon ami ! Je dois vous remercier
pour votre joli coup de pub, mon agenda est plein à craquer !
_ Bien, bien. J'ai une question à vous poser.
_ La machine va bien ?
_
Oui, très bien même. Est-ce que vous auriez changé quelque chose
dans la machine ?
_ Hébé non ! J'ai simplement remis l'axe du cylindre dans le
moyeu de connexion.
_ Et vous n'avez rien remarqué d'anormal ?
_ A part un léger bruit de...comment dire...comme un bruit de
criquet, hébé non.
_ Bon, eh bien je ne vais pas vous retenir plus longtemps. Merci
King Nunu !
_ Fresh de Zan – » Mais il avait déjà raccroché. Il
savait qu'il y avait quelque chose qui clochait, aussi il ouvrit la
machine. Le bruit de criquet se faisait entendre, par intermittence.
Tout semblait pourtant comme sur le mode d'emploi, il avait laissé
les choses en l'état. Lui les laisserait aussi.
Les origamis étaient toujours aussi demandés. La machine tournait
à plein régime. Parfois, il y avait des ratés, un origami certes
parfait, mais absolument pas du modèle demandé. Sur la quantité,
la proportion était négligeable. Mister Nélé les posait sur une
étagère, bien en évidence, les uns à côté des autres, en rang
d'oignons. Tel jour c'était un singe, tel autre c'était une grue.
Que des animaux. Un autre jour encore un lion était apparu. Il le
posa à côté de – le cygne avait disparu ! Il chercha
partout dans la pièce, appela King Nunu, la seule autre personne à
être venu chez lui. Aucune raison satisfaisante ne venait expliquer
la disparition de l'origami.
Où était-il passé ?
Un bruissement d'aile lui fit lever la tête. Le cygne était là, à
voler près du plafond. Il n'avait pas besoin d'explication, il
savait déjà. Instinctivement il regarda l'horloge. La petite
aiguille n'eut guère le temps de bouger que le téléphone sonnait
déjà.
« Allô, Mister Nélé ? C'est Madame Truchotte !
_ Oui, Madame Truchotte, que puis-je faire pour vous ?
_ Eh bien figurez-vous que ma belle-fille, à qui j'ai envoyé une
lettre en papillon, eh bien la lettre s'est envolée de ses mains.
Qu'en dîtes-vous eh bien ?
_ Je ne sais que vous dire, Mad –
_
Eh bien, eh bien, moi je vais vous dire : ce n'est pas normal qu'un
papier en papillon, enfin non, un papillon en papier, eh bien ce
n'est pas normal qu'il s'envole !
_ Je – dring – J'ai un autre appel, je vous rappelle Madame
Truchotte – Allô ?
_ Mister Nélé ! Mes invitations pour mon anniversaire
prennent la poudre d'escampette ! Il y en a partout, ils
cavalent n'importe où, je ne sais pas quoi faire !
_ C'était quoi ?
_ Des chevaux ! Mister Nélé ? Mister Nélé ? »
Il fallait agir, et vite. Mais que faire ?
Alors Mister Nélé eut une idée. Il ne perdit pas un instant. Il
prit sa boîte à outils et s'attela à la tâche. Il devrait se
passer de King Nunu qui, il s'en souvenait à présent, devait
sûrement batailler avec une horde de cartes de visites en forme de
rhinocéros. Il prit les plus grandes feuilles qu'il avait, calibra
la machine, desserra des boulons, huila des vérins et lança
l'impression. Il n'y avait pas d'autres solutions. L'impression ne
dura que quelques minutes – qui lui parurent des heures – puis,
armé d'un filet à papillon et de sa dernière création, il partit
à la chasse aux origamis, son carnet d'adresse en poche. L'étagère
était vide. Il devrait donc commencer chez lui. Il se rappela les
cinq cent cartes de visite en éléphant dans le carton ouvert, dans
sa chambre – et soupira. Il fallait bien commencer quelque part.
Il monta les marches, doucement. Un bourdonnement filtrait de
dessous la porte. Tout résidait dans l'effet de surprise. Il posa
sur le sol ce qui était en réalité un gros coffre en papier avec
une seule ouverture sur le côté. Il fallait être rapide, efficace.
Il inspira profondément, mit la patte sur la poignée, ouvrit
brusquement la porte et entra. Il y en avait partout : sur le lit, le
bureau, les étagères, dans les rideaux et, sur le sol, des
éléphants par paquets. Il n'hésita pas une seconde : il
balaya de deux grands coups de filet l'espace devant lui. Il alla le
vider dans le coffre. Il répéta l'opération, fébrilement, des
dizaines de fois, allant chercher chaque éléphant dans les moindres
recoins, sous le lit ou le bureau. En dix minutes tout était fini.
Les barrissements se faisaient entendre en sourdine à travers le
papier. Il soupira tellement fort que sa trompe en frémit, des
goutte de sueur perlait sur son large front. Bon. Il ne lui restait
plus qu'à attraper les origamis de l'étagère, du gâteau après
avoir capturé cinq cent éléphants.
Une demi-heure plus tard, il chargeait son filet à papillon dans sa
voiture – l'énorme coffre qu'il avait confectionné, trop
volumineux, sur le toit. Il entendait les éléphants barrir – sauf
qu'avec leur taille on aurait plutôt dit des piaffements d'oiseaux.
Il se rendit directement chez son ami King Nunu. Les néons à
l'extérieur du magasin clignotait en plein jour. Il entendit des
cris, des barrissements, des jurons aussi, des bruits de casse. Il
poussa la porte mais des débris l'empêchaient de s'ouvrir. Il
poussa plus fort.
« Mister Nélé ! Fresh de Zanzibar ! C'est la
cata ! On arrive à les prendre mais ils restent pas dans les
boîtes !
_ J'ai ce qu'il faut ! Il faut les mettre dans le coffre, je
vais le chercher ! » Lorsqu'il revint, ce fut une
véritable bataille rangée. King Nunu se jetait à plat ventre sur
le sol, son sac en toile tendu à bout de bras. Il n'avait aucune
pitié pour les rhinocéros en papier, qui barrissaient de plus belle
en voyant le sac se refermer sur eux. Mister Nélé en attrapait
quinze à la douzaine. Ils en dénichèrent cachés ça et là dans
l'atelier, puis ce fut le calme plat. Il ne fallait pas se reposer
sur ses lauriers, il devait y en avoir partout dans la ville à
l'heure qu'il était.
King Nunu se chargea d'organiser la capture des origamis. Perché
sur le toit de la voiture de Mister Nélé qui conduisait, il
demandait aux gens en hurlant dans son porte-voix de se munir d'un
filet à papillon ou d'un sac solide et d'attraper « toutes les
bestioles en deux coups de cuillère à pot, et venez les mettre dans
le coffre, fresh de Zanzibaaaaaaaaar ! » Ils avaient
attelé une remorque et mis le coffre dedans. Les habitants sortaient
au fur et à mesure de leur passage. Tout le monde donnait un coup de
main et, finalement, c'est tout une file de gens qui suivaient dans
le sillage de la voiture. Cela donnait du cœur à l'ouvrage aux deux
comparses. Il leur arrivait d'arrêter la voiture et de prêter main
forte aux commerçants qui étaient souvent dépassés par les
événements. Il faut avouer que capturer trois cent vaches en
origamis 21x29.7, ça n'arrive pas tous les jours.
Le clou du spectacle se déroula au zoo de la ville. Mister Nélé
et King Nunu venaient de nettoyer la ville et le coffre était plein.
Ils avaient dû l'attacher avec des cordes pour qu'il ne s'envole
pas. Un bruit assourdissant de piaillements, piaffements,
miaulements, barrissements et autres beuglements et chevrotements,
presque à se couvrir les oreilles accompagnait celui de la voiture.
Toute la ville ou presque les suivaient et chacun y allait de son
commenta ire. Mais tout ce joyeux tintamarre n'était rien à côté
de l'énorme rugissement qui les accueillit et les pétrifia tous :
Mister Nélé appréhendait ce moment depuis qu'il s'était souvenu
de la commande inhabituelle du directeur du zoo. Ce dernier voulait
« un gros lion, avec plein de couleurs, un peu comme un
arc-en-ciel, mais avec des dents. » Et ça il y en avait, des
dents. La plus belle de ses œuvres, et maintenant la plus
terrifiante. Il faisait exactement trois mètres de haut et quatre de
long, de la pointe de la queue au bout de la truffe. Par chance
l'origami avait été cloué au sol, à la demande du directeur, afin
d'éviter tout vol. À présent cette mesure évitait le pire.
Mister Nélé, durant le trajet, avait pensé à la façon de se
débarrasser des origamis et en avait fait part à King Nunu :
« Il va falloir les prendre un par un et les déplier, je ne
vois que cette solution pour ne pas leur faire de mal. On ne peut pas
les brûler ou les découper, ce serait inhumain, il ne reste donc
que cela à faire.
_ Fresh de Zanzibar ! Ça n'risque pas d'être pas un peu long
ça, Mister Nélé ?
_ Il n'y a pas d'autre solution ! J'ai beau retourner le
problème dans ma tête, je ne vois pas ce que l'on peut faire. Et
c'est le plus simple : ils ont été créés comme ça, nous
devrons les défaire de la même manière. » Ça allait être
une autre paire de manches avec le lion.
Le principe de la capture était simple : comme le lion était
trop gros pour le mettre dans le coffre, il fallait le déplier dès
maintenant, en commençant par la queue. Ce fut le plus facile, en
fait. Ce qui suivit, les pattes, le corps, la crinière et pour finir
la gueule, leur prit le restant de la soirée. Ils durent user de
mille et un stratagèmes et à chacun d'eux la foule, qui assistait à
la prise du siècle, vivait le combat. Elle agrémenta d'un
« ooooooh ! » la tentative de diversion avec un
autre origami attaché au bout d'une cordelette, d'un « aaaaaaah ! »
la course effrénée de King Nunu tout autour jusqu'à ce que le lion
en ait le tournis ou encore d'un « iiiiiiiiih ! » le
lancer du lasso de fortune de Mister Nélé autour de cette gueule
énorme qui donnait des coups de dents et qui, en claquant, faisait
un étrange bruit métallique pour du papier.
Le sol était jonché de grandes feuilles de papier
froissées...Mister Nélé et King Nunu, éreintés, au milieu de la
pagaille, dansaient et riaient aux éclats. La foule ne tarda pas à
les rejoindre. Chacun plongea la main dans le coffre, prit puis
déplia un origami. En quelques minutes tout le monde avait un petit
bout de papier de couleur dans la main et l'on improvisa des danses,
des chants et l'on fit la fête et au petit matin la ville
ressemblait à un lendemain de carnaval, les rues comme couvertes de
confettis.
Ils avaient vraiment vécu quelque chose d'extraordinaire. Les
journalistes qui les avaient suivis tout au long de leur chasse les
décrivaient comme de véritables héros. Ils faisaient la une de
tous les journaux, en photo, bras dessus bras dessous, le coffre d'un
côté et la gueule du lion en train d'être dépliée de l'autre. Il
y avait même des photos d'eux en train d'essayer d'amadouer le
félin. Mister Nélé en avait découpé plusieurs et les mettait
dans des cadres. King Nunu posa la boîte de clous à ses pieds
pendant qu'il accrochait la dernière photo de leurs exploits. Sur
cette boîte il y avait écrit, en gros sous le dessin de trois gros
clous, « Made in Zanzibar ».
Dans un recoin, près de la presse, une ombre minuscule longea le
mur en faisant de petits bonds, sauta sur le rebord de la fenêtre
ouverte, puis d'un dernier bond criqueta dehors.
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Silly little details
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