Thursday, 15 August 2013

Fragment #78



Et la lune qui ne me quitte pas de son œil de marbre, frondé de nuages liserés d'argent. Elle veille sur ma veille sur un monde qui a perdu sa splendeur, son intérêt, sa saveur.
Il n'y a plus d'herbe, plus de temps, de mots.
Les lumières de la ville se sont éteintes. Les lampadaires grésillent encore, inertie de chaleur estivale.
Je suis fatigué. Tout comme les feuilles molles au fond du lit de la rivière, si basse cet été qu'on peut compter chaque pierre, qu'on voit les gardons frénétiques dans leur flaque se battre pour rejoindre le maigre courant.
J'ai donné la dernière once d'espoir. À bien y réfléchir, je n'en ai jamais réellement eu besoin. Maintenant que je suis sur le seuil de la nuit à attendre l'aube, je n'ai plus besoin de rien que le manteau des nuages. Il n'y a plus d'autre intérêt que le vol, le cheminement aérien avec les oiseaux entre les nappes de brume, les orages et les embruns. Rien de tel que de voir un éclair du dessus foudroyer le monde en bas.
Ce matin, j'ai ouvert les yeux sur le désert de ma vie, et je me suis mis en marche, une gourde d'eau à la ceinture et une poignée de dattes attrapées à la va-vite dans la poche. Ne reste plus qu'à se mouvoir à pas de loups sur les cordes du violon et à écouter le sable chanter.
L'envie de vomir passe avec l'émeute, et ce n'est pas vraiment du dégoût, mais de l'attente concentrée qui est devenue amère. On ne devrait jamais être amer. Il est bien navrant de pleurer de ces choses-là.
Je fais partie des gens laids.

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