Monday 22 October 2007

La nuit en manches de chemise

L’air est moite des grondements

de tonnerre qui illuminent la plaine

On entend les gouttes de pluie

tomber tristement, comme aux soirs

d’enfance qui n’en finissait plus,

dans une quelconque flaque

formée là pour la nuit pour l’occasion

on entend faiblement le gloussement

d’une gouttière bouchée par les

feuilles de l’automne dernier

tomber son eau en trop-plein

dans le ruissellement qui dévale

la colline détrempée, comme filtré

par les fenêtres entrouvertes

de la cuisine. Les grondements se rapprochent

et l’air irrespirable en monolithe

impossible d’accéder

aux bronches et un, puis deux, éclairs

et l’air n’est toujours pas mieux –

la nuit va être longue.

R.B. 24/03/05 Tours (tard dans la nuit)

Le peuple de la nuit

Le peuple de la nuit, bruyant et délétère,

Ce peuple de Paris dans les cafés se terre.

Nous, gens de province, ne savons leurs coutumes

De faste, de princes, de strass et de costumes

Qui dès que l’astre noir, ce soleil mortifère,

Disparaît de leurs nues tristes et somnifères,

Apparaissent et laissent au visiteur incrédule

La sensation d’avoir perdu un pédoncule.

Ce peuple de Paris, altier et sépulcral,

Aussi ne comprend pas le rythme provincial

Et sa tranquillité toujours mal assurée,

Ses étals clos si tôt, ses nues deséclairées,

Sa vie sourde, son absence de moules-frites,

Sa vaine volonté d’être cosmopolite,

Son parler différent, la santé des pigeons,

Ses nuages blancs, l’impression d’aller en rond.

Dans le Paris d’Hugo on voit là quelque trogne

Qui servit de billot à quelque autre charogne :

On voit aussi que ce poëte s’est trompé,

Aussi grand fut-il, et si adextre à dompter

Rime et pied : il n’a vu que d’un côté Paris

Et de l’autre les égouts. L’illusion partie

Il ne reste bien sûr qu’un gigantesque égout

Paris le ventre à l’air et sens dessus dessous.

Un Paris retourné, sa honte aux yeux de tous,

L’infamie dévoilée, la géhenne qui pousse,

Les asticots aux fronts des rats et des cadavres,

Les vomis, les étrons, les souillures – un vrai havre

Méphistophélique pour toutes pourritures –

Boas faméliques, crocodiles aux dents dures,

Mygale et tarentule ou bien croquemitaines

Ou diverses crapules aux rapines hautaines –

Les égouts de Paris d’Hugo sont bien plus sains

Que la ville aujourd’hui pourrie par le larcin ;

Les égouts de Paris d’Hugo sont bien moins noirs

Que ses rues fétides, ses logis sans espoirs,

Son assemblée trahie, ses petites gens mais

Paris reste Paris et cela je l’admets,

Sans pour autant que mon avis soit unanime,

Ce peuple de Paris est bien pusillanime.

R.B.17/04/05 Paris 03h00

(Enième) Formulaire de déception (E134)

Je suis, tout simplement, déçu. Déçu par vous,

Messieurs les ronds-de-cuir, le vide de vos mots,

Le mirage douteux filigranant bagou,

Circonvolutions tristes dépourvues d’os,

Manifestations éthérées du langage ;

Toutes nos paroles comme prêtées sur gage.


Oui, vous m’avez déçu. Profondément déçu.

L’administration, fondée monolithique,

Née souche de bois et pétrie d’hypocrisie,

Maelström centrifuge dépourvu d’éthique,

N’est d’une nébuleuse où sens est hérésie.

Dans le froid pétrifiant de vos circulaires

Chacun a l’impression d’y observer son suaire.


L’ironie du bureau « relations humaines »,

Officine vidée de tous ses occupants,

Luxe véritable en l’économie sereine

Que vous faites sur nous et aussi notre argent ;

De celles-ci reste un huis noir de quatre murs

Dont la porte scellée retient les procédures.


Et pourtant, elle tourne ! cette administration…

Et chacun vaque à ses tristes occupations.

R.B. 14/03/06 (matin, Tours)

Les Fouilles

Des enfants entament des fouilles

Au pied du rivage ;

Y trouveront-ils un compas rouillé,

La hune desséchée par le sel

D’un galion par la mer recrachée

Il y a quelques longtemps déjà.

Dans l’imbroglio du fracas des vagues,

Des cris stridents montants jusqu’au ciel,

Des vents ballotants les chevrons blancs,

Une étoffe d’artimon sans doute

Mise à jour dans le sable gras

Et ce soleil surplombant les parasols

Et les vagues inlassables s’échouant.

Certaines mains cherchent la fraîcheur

Du sable frais et crissant ;

D’autres plus fébriles creusent, pellettent,

Charrient coquillages brisées, algues cassantes,

Oxydations attirant l’attention

Puis un pleur

Que l’on ne reconnaît pas mais qui ramène

A la réalité de creuser plus profond,

Plus loin, d’explorer les entrailles du passé.

L’après-midi devra bien toucher à sa fin.

Carène, proue, misaine : tout sera découvert.

Sur la grand-vergue un squelette de nautile

Cramponné encore dans son geste de désespoir.

On cure les ongles des grains insidieux

Et la chasse reprend dans la chaleur hostile.

Une perle, un bijou, une monnaie battue

Par les tempêtes et les Gamas –

On ne rejette que le sable, le sable, le sable

Et l’étuve continue sans grand changement,

Autre que l’orbe blanchissant les nues.

Le cœur battant de découvertes

Qui n’arrivent pas, pas encore.

Bientôt la chaleur n’arrive plus au fond du trou

Et les frissons se partagent :

Le pressentiment du trésor

Et l’engourdissement des doigts.

Les enfants jouent avec leurs pelles et leurs seaux.

Il fait bon vivre à l’ombre de la tonnelle

Et l’eau mentholée fraîche et sucrée

Et un roman fermé ayant la capacité d’être lu.

Dans l’ombre tiède rien ne bouge.

Le vent de-ci de-là effleure les coins de serviettes

Et modèle des dunes de fourmis.

Rafales de sable à l’échelle un millième.

Ils s’imaginent que les passants s’intéressent

Un peu trop à leurs cailloux, leurs cordes élimées,

Les fragments de coques –

Lentement le bruit est retombé,

Les vagues ont chevauché l’horizon,

Les ciels se sont rosis, le froid insinué.

On finira par porter une petite laine.

Les enfants un à un seront rappelés.

On pourra humer les grands pins noirs.

Il ne finira par rester qu’un seul parasol.

Et une grande fosse béante.

Les traces de pas indiquent la grande ferveur

Qu’a suscité la fouille. Il y a eu découverte.

Pelles et seaux remplis de conques, d’astrolabes,

De cauris, de yatagans et d’armillaires.

Brisés ou non, rouillés ou non,

Ces objets racontent tous une histoire.

Jonchant le sol des cadavres d’épaves

Et, parfois, dans la bataille des estimations,

Une rareté qui finira ensevelie de nouveau.

Un squelette de nautile prit pour un banal coquillage.

Les rires d’enfants comme en écho

Sur la plage où seules les traces de pas

Font preuve de l’existence du lieu.

Il faudra plier bagage, ranger le livre,

Plier la serviette et le parasol, prendre la bouteille.

Il y aura comme un vent triste

Soufflant sur les dunes,

Un sentiment de frustration

A ne pas avoir prêté plus attention

Aux exagérations qui eurent lieu sur place.

Il a manqué quelque chose, encore.

Il faudra frotter les derniers grains de sable,

Ceux qui restent collés de sieste sur les joues,

Sur les mollets. On regardera le lointain bleu et rose.

On soupirera. Par curiosité on inspectera

Cette fameuse cavité qui a attiré maints regards,

Maintes interpellations.

Du bout de l’orteil on pourra déceler un de ces objets,

A-demi ensablé déjà, puis, en se penchant,

La peau tiraillée et grésillante

Gorgée de lumière et rougie,

Ramasser l’étrangeté marbrée.

On repensera à ces après-midi de clarté

Et de clameurs et de bruissements qui réconfortent.

A la tiédeur molle des eaux,

Au chatouillement du monde inconnu

Sous les vagues : crabes, algues, poissons, vers.

Et pourquoi pas autre chose.

On pourra repenser à tous ces corps

Qui enfin se libèrent des étoffes étouffantes.

Un sourire aux coins des yeux

On se rappellera un visage, des jambes,

Un maillot qu’un malin hasard mit de guingois.

Puis les lèvres retrouveront leur mise triste.

Pour se consoler on dévisagera le bibelot,

Sous toutes les spirales, puis

Un moment de lassitude mal interprété,

On fera ce qu’on a déjà fait, il y a trop longtemps déjà.

Il faudra apposer son oreille

Sur la bouche du nautile

Pour entendre le silence d’église

Résonner dans toutes les loges,

Ce silence particulier, rémanence,

Acouphène maritime

Ce silence qui se fit entendre

Au tréfonds de l’excavation –

Les Magellans de la plage de saint-Michel

L’entendirent et comprirent qu’ils devraient

L’oublier.

R.B. Dorceau 18/02/07 après-midi

Le Roi - majestueusement illustré par Chabada

Le roi

L’enfant qui voulait être roi

Brandissait une épée de bois.

Il combattait seul des armées

Sur son fabuleux destrier,

Et d’un geste pouvait occire

Les vastes cieux sur les empires.

Heureusement il était roi

Et bien sûr n’aimait que la joie.

Pourtant chaque jour il partait

Contre quelque vilain jouter.

De son épée il fendait l’air

D’un vieil ennemi éphémère.

Brandissant son épée de bois

Il pourchassait les hors-la-loi

Qui ne s’assujettissaient pas

Et il y en avait des tas.

Il parcourait maintes contrées,

Ne s’effrayait d’aucune bête

– Eût-elle eu trois paires de têtes –

Sauvait trois vies avant dîner,

Faisait agrandir son royaume,

Venait à oublier son heaume

Dans la cuisine sur l’évier

– Il y lava ses nobles mains –

Pour le sang ennemi ôter,

Car le bon roi avait grand’ faim.

Grands comme petits ses sujets

Ne pouvait en rien contester

Le bien fondé de son pouvoir

Et si, par un brusque hasard,

Il s’en trouvait un pour conspuer,

Aussitôt il l’exécutait

Et laissait ensuite le mort

Repartir pour qu’il dise aux autres,

« C’est pas un roi de camelote ! »

Un roi n’aime pas avoir tort.

Jamais roi ne fut plus sérieux

A supprimer les rois envieux

Qu’il rencontrait sur son chemin :

Il ne peut y en avoir qu’un.

Et c’était lui qui était roi

Car il avait l’épée (en bois).

R.B. 13/03/05 Tours

Habits

I am a man of habits I got to this conclusion because I flash-realised that I am hoping that someone, someday will see the patterns the rou...