Sunday 27 February 2011

Venezia

 
Là-bas, j'étais à ma place.
Je m'y sentais bien.
Deux jours de déjà-vu, de déjà-vécu.
Comme si j'y avais habité,
que trente années m'en séparaient
et que je redécouvrais la ville.

Je l'ai belle et bien redécouverte pour la première fois.

Là-bas, ça sentait l'eau et le repos.
Ça sentait le basilic et la sieste.

Ça sentait le destin à plein nez.

J'y ai senti les lignes naître, les histoires se tramer.
Mes histoires autant que mon histoire.

Je reconnaissais les rues sans les avoir
jamais vues, jamais foulées, jamais senties.

Déambulant dans ses venelles,
la ville s'offrait à moi, et moi à elle.

Il y a quelque chose de formidable à vivre sur une lagune,
sur des pilotis qui ont tout de la fortune.

Du bout des doigts j'ai touché ses pierres, ses murs,
ses églises, ses maisons, ses palazzi,
effleuré ses lierres, ses marbres, ses bastings,
ses campi et campielli, ses fissures,
foulé ses ponti.

                         J'ai observé ses habitants
et j'ai senti sourdre la vie de l'acqua alta,

J'ai vu les aurores du monde se lever
et ses crépuscules mourir dans sa lagune.

Parfois on sent la ville trembler,
comme si derrière ses murs d'eau
une bocca di leone grondait,
un murmure, un complot –
Alors que la ville semble somnoler dans la torpeur.

L'espoir a bâti cette cité.
Il la maintient à la surface des flots.
Sur des madriers de chêne il s'attelle
soudain à fonder la mienne.

Cent et mille pieux plantés dans les chairs alluvionnes,
chaque arbre mort pour ériger la nécessité humaine –
Mais un spectacle et une prouesse sans pareil –
La cité au rang d'art –
La Sérénissime –
Dort et ne dort pas.


Il faut quelque chose de plus pour être vénitien,

quelque chose d'adamant comme ses pilotis pétrifiés
de louvoyant, de méandreux, de souple.


Ici la beauté des églises, là l'arrogance des masques.
Moins haute qu'altière, elle sait rester humble sous le regard de Dieu
et payer son tribut à la mer.



Deux jours d'un pressentiment indéfinissable.

Comme si la Venise du dessous était miroitée par celle du dessus,
comme si elle invitait à se mesurer à elle, à percer ses secrets
comme si chacune de ses églises abritait une relique capable de changer la face du monde
comme si dans chacune des fresques dans chacune de ses églises couvait un symbole à décrypter
comme si chaque carreau de mosaïque sur chacune de ses fresques dissimulait un mécanisme de porte
comme si chaque porte dérobé ouvrait sur un escalier s'enfonçant dans les profondeurs, de l'autre côté du miroir de l'eau,
comme si chacune des profondeurs vénitiennes recélait une réponse
comme si la ville entière était contenue dans chacun des atomes de ses pierres,
comme si la vie prenait sa source, là-bas.
 

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