Friday 14 September 2012

Tant qu'il y en aura



Tant qu'il y aura des rivières, il y aura des bibliothèques.

Je m'explique : il existe des relations intrinsèques entre les différents éléments de notre monde, catalysés par la Nature, la culture, la société, les relations humaines, le travail, les us et coutumes, le hasard, la génétique, l'instinct, le rêve, le libre arbitre, la politique, la paix et la guerre, l'idée de l'Homme, l'obsolescence programmée et parfois quelque chose s'apparentant au destin. Tout est lié.

Ce qui me fait dire que tant qu'il y aura des rivières, il y aura des bibliothèques.
Car tant qu'il y aura des rivières, il y aura des ponts qui les enjamberont.
Car tant qu'il y aura des ponts, il y aura des néons qui les éclaireront la nuit.
Car tant qu'il y aura des néons, il y aura des papillons nocturnes qui graviteront autour d'eux.
Car tant qu'il y aura des papillons nocturnes, il y aura des épeires des fissures qui les prendront dans leur toile.
Car tant qu'il y aura des épeires des fissures, il y aura des entomologistes fascinés par elles.
Car tant qu'il y aura des entomologistes, il y aura des noms latins qui les désigneront.
Car tant qu'il y aura des noms latins, il y aura des dictionnaires qui les traduiront.
Car tant qu'il y aura des dictionnaires, il y aura des bibliothèques.

Et les bibliothèques, il nous faut les garder.

Plus de rivières, plus de bibliothèques.


Shoving & Pushing


"I long to accomplish a great and noble task, but it is my chief duty to accomplish humble tasks as though they were great and noble. The world is moved along, not only by the mighty shoves of its heroes, but also by the aggregate of the tiny pushes of each honest worker."

Helen Adams Keller, lecturer and author (1880-1968)

Thursday 13 September 2012

Le contemplateur



Passant ! ne perturbe pas le trait de mes cercles. J'ai assez du vent qui disperse le grain de ma craie.

Où cours-tu ainsi ? Tu me dis que la guerre est venue jusqu'à nous. Peu me chaut. Si je dois servir notre Roi, je ne le ferais que parce que la guerre donne des occasions de savoir, parce que l'imminence de la mort ou l'impérieux de l'urgence force l'esprit à voir différemment. Va, passant, va, et ne perturbe plus mes cercles.

Philosophe ! ne perturbe pas la courbe de mes cercles. J'ai assez des hommes qui émiettent mon savoir comme du pain aux pigeons.

Où que tu cours, mes cercles sont plus importants que toi ou moi. Ce qu'ils entourent dépasse l'entendement. Tu devrais le savoir : personne avant moi n'a osé défier pareille orbite. J'ai auparavant observé le vol des pigeons et des faucons pendant de longues journées où la lumière de l'astre coulait sur moi comme du mercure. Tu me dis que l'ennemi est aux portes de la ville ? J'ai mieux à observer que cela. Tu me dis que je suis fou ? Et toi, la couardise t'a fait perdre la raison. Va, philosophe, va, et ne perturbe plus mes cercles.

Soldat ! ne perturbe pas la linéarité de mes cercles. J'ai déjà assez du temps qui blanchit la pierre et confond ma craie et son support.

Que restes-tu ici ? Pourquoi ne t'en vas-tu pas suivre le chemin de tes pas ?

Tirer ton glaive ne me fait point sourciller. En revanche, ton pied sur une circonférence si parfaite m'irrite. Tu lui donnes un début et une fin et ce n'est pas ce qui doit être. Je ne te crains pas. J'ai vu les hommes s'entretuer pour des parcelles de boue grandes comme la paume de ma main. J'ai vu des illettrés diriger des pays entiers vers le gouffre. J'ai vu des hommes de sciences et de raison accroître les richesses et le bonheur de leurs sujets. Tout cela en traçant mes cercles. Le monde et ses acteurs passent autour de moi, vont et viennent, naissent et meurent, mais moi seul le déchiffre, moi seul ose fouiller dans ses entrailles pour en découvrir les aruspices vérités. Tout comme le chirurgien qui a du sang jusqu'aux coudes alors qu'il sauve la vie du soldat transpercé d'une lance, j'ai de la craie jusque sur mon front alors que je résous les sombres équations du monde. Toi, tu as du sang jusqu'aux commissures des lèvres parce que tu dépeuples le monde de ses habitants. Tu crois le simplifier alors que tu le compliques.

Ah ! Le glaive que tu brandis arrêtera certes ma course, mais ni celle du monde ni celle du temps ne s'en trouveront changées. Que nous serons des os blanchis par le soleil ou réduits en poussière par les ans que le monde continuera de se déplier, de filer dans sa course folle parmi les astres. Ton bras ignore ce qu'il doit à la physique et aux corps célestes tout autant que ta tête. Alors pousse ton pied, soldat, et regarde : je te prouverai la supériorité de mes cercles sur la rectitude de ton glaive.

Frappe, soldat, frappe, mais ne perturbe pas mes cercles. Quelqu'un doit venir les achever et les comprendre.

Pour toi je me contentais de contempler le monde, je n'y apportais rien. Je lui étais inutile. Pour moi, je prenais le temps de l'expliquer, le monde, et tu avais ta place dans la grande équation. Tout comme moi. L'équation, elle, continue de s'étendre.

Va, soldat, va, et laisse-moi regarder une dernière fois mes cercles.

Dram-attic


"In the cellars of the night, when the mind starts moving around old trunks of bad times, the pain of this and the shame of that, the memory of a small boldness is a hand to hold."

John Leonard, critic (1939-2008)

Wednesday 12 September 2012

Tuesday 11 September 2012

Nombre



J'ai rêvé de toi, encore. Ton nom a, cette fois, résonné tellement fort que j'ai entendu son écho en me réveillant. L'ai-je prononcé ? Peu importe, au final. J'ai passé le mur du sommeil, vois-là l'essentiel.

Tu n'es qu'un spectre de plus que je vais traîner comme un boulet de laine, comme une pelote de plomb dans la lumière de l'après-midi d'été, une lumière lourde et coulante comme le mercure.

Alors je vais t'emmener avec moi comme on emmène son ombre, là où je dois aller, cet endroit que tu n'as pas voulu voir. Là où le soleil ressemble aux feuilles du gingko biloba. Tu ne seras pas toi, tu ne seras pas là. Seul un vestige de toi comblera la brèche, espacera le vide de ce que tu ne fus pas, gorgera l'aplat de ce que tu fus.

Une existence inattendable, en instance de disparaître. Une passante qui aurait su trahir dès le premier regard. Qui a su, qui sait.

Douée d'une connaissance intime du corps, qui sait exactement quand n'en plus rien espérer, comme si tous les corps étaient strictement égaux, comme si l'esprit de chacun ne pouvait apporter de différence cruciale, être digne d'intérêt.

Tous les gens ne sont pas légitimement moyennables. Sinon nous n'en serions pas là aujourd'hui. Il aurait fallu se souvenir de ce que nous avons en commun : nos réflexes, notre instinct, nos désirs. Tous sont singuliers. Discordants. Tu aurais donc pu percentendre notre musique, avec la même volonté que les abeilles.

Dans la cacophonie des êtres nous étions le vent, l'herbe qui ploie sous lui. Nous étions la course des nuages dans le bruit et la fureur des marées humaines. Nous étions le rêve de la vie éternelle. En une nuit nous avions acquis le pouvoir de la conspiration et la liberté de sourire. En une nuit. Si je n'en avais pas habité d'autres, je n'aurais pas suivi ce bruit de cigale.

J'ai perdu un regard sur la steppe il y a déjà longtemps de cela, je viens d'en perdre un sur la toundra, avec toi. Ne me reste plus qu'un dernier regard sur le désert, et je serai là où personne ne pensera à venir me chercher. On me pensera simplement égaré parce que je n'aurai pas laissé de lettre. Alors que je n'ai jamais su écrire.

Je serai perdu, tout simplement, marchant mains entrelacées avec l'ombre de tes jours de feu dévastant les dunes et l'écho de ton nom pour seul lever de soleil.

Monday 10 September 2012

Tempus fugit


"Our perception that we have "no time" is one of the distinctive marks of modern Western culture."

Margaret Visser, writer and broadcaster (b. 1940)

Sunday 9 September 2012

Wordless


"Our expression and our words never coincide, which is why the animals don't understand us."

Malcolm De Chazal, writer and painter (1902-1981)

Friday 7 September 2012

Lay me back down



Lay
Lay with me
Like we used to
I'm so sorry
There, stay
Please let's hold hands
In the dark of us
We could pretend
To ignore the mess.

Lay me
Lay me open
To the wilderness
To the misshapen
There, lay me
Please stay
And remain for a while
Where I'll lay
With you I could smile.

Lay me back
Like an object in a shop
Deemed futile – to rest –
Lay me back and
Bring me what I lack
I need it to make it stop
To bring it all to waste
Please lay me back where I belong
Where together we used to be strong.

Lay me back down
On the sand
Fold my hands
Lay me back down
Just wash my face
Off any disgrace
Time has wreaked on me.
I wasn't an enemy.
Please lay me back down.

Lay me back down quietly,
Your hand cupped around
The nape of my neck, silently –
I know you'd have nursed the wound
Hadn't I been spellbound –
Keep your other hand where
You let the knife pound,
Where my heart and soul were –
That place which I thought unknown
There did you stab, pretty saboteur.

Now,
                   could you
                                           lay me
                                                                back
                                                                                     down.

thirty thousand people

The day was torn and grim birds yet began to sing as if they knew nothing’s eternal and old gives way to new that man, one day, will fall t...