J'ai rêvé de
toi, encore. Ton nom a, cette fois, résonné tellement fort que j'ai
entendu son écho en me réveillant. L'ai-je prononcé ? Peu
importe, au final. J'ai passé le mur du sommeil, vois-là
l'essentiel.
Tu n'es qu'un
spectre de plus que je vais traîner comme un boulet de laine, comme
une pelote de plomb dans la lumière de l'après-midi d'été, une
lumière lourde et coulante comme le mercure.
Alors je vais
t'emmener avec moi comme on emmène son ombre, là où je dois aller,
cet endroit que tu n'as pas voulu voir. Là où le soleil ressemble
aux feuilles du gingko biloba. Tu ne seras pas toi, tu ne seras pas
là. Seul un vestige de toi comblera la brèche, espacera le vide de
ce que tu ne fus pas, gorgera l'aplat de ce que tu fus.
Une existence
inattendable, en instance de disparaître. Une passante qui aurait su
trahir dès le premier regard. Qui a su, qui sait.
Douée d'une
connaissance intime du corps, qui sait exactement quand n'en plus
rien espérer, comme si tous les corps étaient strictement égaux,
comme si l'esprit de chacun ne pouvait apporter de différence
cruciale, être digne d'intérêt.
Tous les gens
ne sont pas légitimement moyennables. Sinon nous n'en serions pas là
aujourd'hui. Il aurait fallu se souvenir de ce que nous avons en
commun : nos réflexes, notre instinct, nos désirs. Tous sont
singuliers. Discordants. Tu aurais donc pu percentendre notre
musique, avec la même volonté que les abeilles.
Dans la
cacophonie des êtres nous étions le vent, l'herbe qui ploie sous
lui. Nous étions la course des nuages dans le bruit et la fureur des
marées humaines. Nous étions le rêve de la vie éternelle. En une
nuit nous avions acquis le pouvoir de la conspiration et la liberté
de sourire. En une nuit. Si je n'en avais pas habité d'autres, je
n'aurais pas suivi ce bruit de cigale.
J'ai perdu un
regard sur la steppe il y a déjà longtemps de cela, je viens d'en
perdre un sur la toundra, avec toi. Ne me reste plus qu'un dernier
regard sur le désert, et je serai là où personne ne pensera à
venir me chercher. On me pensera simplement égaré parce que je
n'aurai pas laissé de lettre. Alors que je n'ai jamais su écrire.
Je serai perdu,
tout simplement, marchant mains entrelacées avec l'ombre de tes
jours de feu dévastant les dunes et l'écho de ton nom pour seul
lever de soleil.
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