Dans le lointain de ténèbres le fanal
scintille
comme une étoile trouant les nuages
le voyage s'achève à l'orée du canal
les mains, crispées au bastingage,
font les cent pas, intranquilles,
il n'a rien perdu, rien trouvé,
s'en est allé conquérir les cartes
pour revenir au point de départ
le navire usé, lui l'échine courbée
la voilure claque comme une vague de
nuit
et le vent et le ressac ne peuvent
cesser
ni les mers d'huile ni les vagues
scélérates
rentrer au plus vite, au plus court,
le pressentiment plus fort que le
sommeil
retrouver ceux qu'il sait déjà morts
le courrier passé par une frégate
son bélandre bas en eau, chargé de
négoce,
il le voudrait rempli de plus encore
de ces draperies lourdes de Damas,
de ces écorces d'or du pays noir
de ces gemmes bleues du Sri Lanka,
de ce bois précieux de Sumatra,
pour envoyer par le fond, vain sabord,
la folie de cette course et de ces
trésors
il voudrait lui-même plonger dans
l'abyme
finir dans la vase du temps
mais ce dont la mer ne veut pas, d'une
grime
elle le laisse en sillons sur l'estran
toujours cette impression, rentrant
d'un ailleurs toujours plus distant,
que le port arrive à lui, et non
l'inverse
en bon marin que seul le roulis berce
il sait que c'est la terre qui se
déplace
la mer, elle, en apesanteur,
immobile, fronde le temps,
contient les continents
met de l'espace là où on voit du vide
il a laissé les albatros dans les
champs de houle
là-bas où l'air, rare et livide,
vient à manquer, à marquer de son fer
rouge,
où le sel conserve et ronge,
où la vie se mêlant aux souvenirs
où le jour se mêle au songe
fait plonger les matelots en des
plaines herbues
dans les rires tristes et sans sourires
de ceux qui pour oublier ont trop bu.
Alors, dans ce canal d'ennui où le
jour poind à peine
il sent sa peine traîner comme la nuit
de pierre
basse et sourde comme un battement de
tonnerre
dans la trajectoire de l'horizon de
sirène,
il se sent le cœur au bord des lèvres,
mais la carène vogue et au matin blême
il foulera ce sol affalé de dilemme,
écoeuré de gisement et affamé de
déferlantes,
ce corps assagi qui ment, le large
perlant
aux coins de ses yeux, relent de sel
amer
au fond de sa gorge que rien ne fait
passer
la démarche mal assurée sur le ferme
l'oreille à l'affût du moindre écho
égaré
d'un goéland ou d'un cliquetis de
cabestan
figuré au mitan d'une brume d'embrun
qu'aucun sextant ne saurait vaincre
encordée à l'ancre des mirages
long filin qui amène à la plage
attendant un pardon
que la mer adonne ou non
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