Friday 16 November 2012

Le sablier



j'ai toujours aimé contempler
l'écoulement du sablier
je peux y passer
des heures
c'est insensé
des heures entières
le sable autant que son verre
la même matière
égrenant le passé
forçant l'avenir
dans son étroit goulet
sans ralentir
ni faiblir
patiemment
gravement

ce rêve qui me tire de ma jeunesse
ce goût de sable entre le palais et la langue
la tristesse coincée entre les dents
comme un éclat de laitue sur l'émail

je sais que bon an mal an
mon regard glace le sang
de ceux qui croient
cracher le plus loin
je m'y emploie parfois
inlassable et j'aime bien

pour aller faire mes courses je coupais par le cimetière
de grandes nappes de soleil et de vent souvent
balayaient les rites funéraires et les allées de sable
et les stèles riaient à marbre déployé
certains noms ne cachaient rien de leur déception
d'autres arboraient des moues passablement défaites
renfrognées ou dédaigneuses
ce qu'il faut faire parfois pour ne pas mourir

entre les fissures des nuages
invisibles et imaginaires
les particules qui n'ont pas d'âge
défient les scrutateurs de l'air
alors qu'on croit tout immobile
tout s'active
tout dérive
tout s'enroule et tout s'empile
tout et rien et tout ou rien
tout est rien
et ceux qui croient cracher plus loin
en réalité ne crachent rien

j'ai vu les monts opaques comme griffant le ciel
les mers comme d'air liquide en constant mouvement
j'ai vu les déserts onduler comme des vagues
les hommes habiter les sabliers comme des maisons
j'ai vu nombre de regards perdus
déchirés ou vendus ou acheteurs ou déchirants
tristes ou rêveurs ou ripailleurs ou extatiques
sincères ou fourbes ou tranquilles
je n'en ai vu qu'un qui m'avait retrouvé
et la foule l'a emporté

depuis j'attends que le retournement
du sablier me ramène ce regard
que je n'ai pu oublier malgré les ans
ces yeux couleur de sable et de hasard

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