Sunday 28 December 2008

Opus #16

22 décembre,
Deux nuits sans sommeil. À redouter le rêve. À boire du café à réveiller un mort pour ne pas sombrer. Je suis sorti un peu, mais tous ces gens qui achètent leurs cadeaux, qui sourient, qui braillent ou qui pleurent me donnent la nausée. On fête la naissance du plus épouvantable meurtre de notre civilisation, à savoir le fils de Dieu, Dieu lui-même. On ne fête pas sa mort. Il y a des saints patrons pour tout et n'importe quoi, mais personne pour fêter les bourreaux. Ou alors je ne fréquente pas la bonne civilisation, le bon siècle, la bonne réalité. Tellement de paraître et de faux-semblant que ça me rend malade. Une bonne occasion pour s'en foutre plein la panse, pour bouffer boire baiser et surtout oublier notre condition, notre quotidien, notre calvaire. Mascarade. Pantomime. Voilà que je m'énerve. J'en tremble.
Il fait beau. Quelques flocons s'attardent dans le vent, jouent avec les rayons de soleil qui percent les fines écharpes de nuages blancs. Les passants pressent le pas, de la vapeur s'échappe en volutes de leur bouche. Les bras encombrés d'achats qui ne servent à rien. Pressés d'en finir mais contents de n'en être que là. Pas envie d'aller rejoindre cette engeance-là, mais pas non plus envie de rester ici. Je crois que je vais sortir, au risque d'être pris pour l'un d'entre eux, au risque d'être pris en flagrant délit de sourire. Des fois, on se laisse aller à être humain.
Rien ne sert de montrer sa haine, encore faut-il la consommer. Se laisser consumer par elle. C'est un bien beau déballage de sentiment, l'amour, l'amitié, la compassion ou le partage. Tout ce qu'on peut trouver sur les étals pendant les fêtes de fin d'année. Alors qu'il n'est rien de plus grand, de plus beau et de plus terrifiant que la haine et ses inévitables conséquences. Pourtant l'amour force des choses en soi, pousse des verrous, comme si malgré tous ces siècles de barbarie, ces millénaires à assouvir ses passions, ses désirs de pouvoirs, de conquêtes et de supériorité il ne servait à rien de ne pas aimer. Je ne sais pas ce qui m'arrive. Comme de la nostalgie. Il faudrait que j'aille me coucher mais je sais que je ne trouverais pas le sommeil. Alors je vais devoir sortir. Il le faut.

22 décembre, fin de soirée. Il fallait que ça arrive. Je tremble de la tête aux pieds. L'envie qui me dévore, qui fait des nœuds dans mon ventre. Elle était là, devant moi, tout sourire. Je me suis laissé approcher par cette vendeuse, la peau tendue de son cou me donnait envie de la déchirer avec les dents, de sentir un sang épais couler comme une fontaine dans ma bouche. Elle me parlait, mais je n'avais qu'une idée en tête mais le cœur n'y était qu'à moitié. Et puis soudain, tout à coup, sa voix est parvenue jusqu'à moi. Suave, pleine de miel. Un rien rocailleuse. Fume-t-elle? Je vois ses yeux se promener sur moi, s'arrêter, reprendre leur course. Elle me désire. Et je me prends à jouer son jeu. Sa voix ne me demande pas si je veux quoi que ce soit. Je ne regardais pas les étals de la galerie, mais les gens. Elle ne peut l'ignorer. Elle ne me demande rien. Elle est là, parle, attend patiemment mes réponses. Glousse. Mon dieu. Elle glousse comme une collégienne et voilà que j'ai envie de lui arracher ses vêtements rouge et vert de noël, de lui donner ce qu'elle me demande du regard. Jamais auparavant je n'ai eu cette envie si forte et elle me prend par la main, me demande si je vais bien. Je transpire. Je dois être livide. Je suis tendu. Je vois son décolleté s'ouvrir à moi, palpiter presque. Je ne vois pas ses jambes mais je les imagine longues, un rien rondes. Appétissantes. Elle ne détache maintenant plus ses yeux verts des miens. Pour un peu j'ai failli oublier le monde autour et la prendre violemment sur son comptoir. Je ne sais pas ce qui m'arrive. Je suis parti en courant alors qu'elle faisait le tour pour me rejoindre. Elle aurait vu mon érection, je n'aurai pas pu me contenir. Je ne suis pas assez prudent. Mais j'ai envie de la revoir. De lui faire payer cette faiblesse. De la prendre en rêve puis de la tuer. Ma tête tourne, mes mains sont moites et dans le bas-ventre une douleur douce qui ne laisse aucun répit et qui demande satisfaction. Elle l'aura. Ce soir, j'ai bien peur d'avoir découvert quelque chose qui va donner une autre orientation à mes crimes.

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