Thursday 25 March 2010

Sunday 21 March 2010

Bagan at Sunrise


             Early light over Bagan, over the Irrawady river. The insects of the night are hovering in the still, transparent air. The first boasts dig the ancestral ridges. It is quite cold. The sizzling heat shall come; for now it is simply the blue hours. That very same bird as yesternight's glides along the valley, its dull whiteness etching a trail with the long stretch of sand in the background. We are now in the dry season. On the other side of the river, the gilded stûpa of the revered paya is almost lost in the mist, atop the hill. The sun will be rising on its hti and on thousands of other pagodas, temples, monasteries, while patiently – perhaps with a despondency or with a sadness they accept as part of their condition – the first people of the world open its shops, its huts, unfold its sarongs and display the lacquerware, the wood-carved idols, the western garments, the longyis, the bells, trinkets, knick-knacks they will sell half the price, after a good bargain or not, desperate as they are to sell, sell, sell.
 
           For now the chit-chat of the birds is only to be heard. No dust, no cart, no bus, for now. But the overcrowded, petering bus will undoubtedly come, the unsteady, clip-clopping horse cart will invariably criss-cross the innumerable paths and the unfailing thousands of clouds of sand, dust, dirt will be raised by the thousands of feet, wheels, hooves, paws, patiently or impatiently ploughing the ground. Dust is the necessary corollary to life. Not the peacocks, not the thousands of thousands of Buddhas, either standing, sitting or reclining, not even the millions of babbling, babel-ing children, haggling parents and defeatist and melancholic grandparents. No. It is without the shade of a doubt dust.
 
             As ultimately, only dust remains. Tucked in the elastic band of your socks, nested in the furrows of your brows or in the fold of your ears, nestled in the hem of your clothes. Settled at the bottom of your luggage. And found days, weeks, months later when the next pretext to leave sounds like an urge. At that time you will think of them that stayed, covered in the dust of the everyday, of those left by the edge of the road. You will remember the tracks, the dry riverbeds, the scorched land, the temples the colour of the sand. Everything was dust then. You will suppose that it still is, and will be, dust. You will remember the sun, the girl who prepared the cool thanaka for you on the kyauk pyin and who reminded you of your dead mother when she delicately put the yellow paste on your face. You will remember the long, silent nights. The tangy taste of the tamarind flakes. The mangy dogs. The noise, the bustling activity. The sharp taste of the dust.

          But, for now, the sun has risen over Bagan.

Quai Branly

 
Petite virée au musée...si vous voulez voir les photos...

Une réflexion en passant: j'ai bien peur que l'accès à la culture (autre que la sienne, quoique...) d'un point de vue occidental consiste à piller, subtiliser, troquer, marchander les "pièces de musée" devant lesquelles nous tombons en pâmoison et/ou nous interrogeons. Un grand mal pour un grand bien?

A bon entendeur...

L'horizon la nuit

Pas cadrée, pas proportionnée, mais à deux heures et demi du matin en plein vent, je ne suis pas mécontent.



Friday 19 March 2010

Haïku

 
Nyonya laksa et muezzin
Différents chants de nécessiteux - pourtant
Tout le monde est rassasié.
 

Shiva

          Aujourd'hui était différent. La gentillesse et la patience de ce moine, dans le temple des Batus Caves, y sont pour beaucoup. Pas parce que le bus m'avait amené au mauvais endroit, mais parce qu'il s'était arrêté pour me laisser monter dans un autre bus. Pas parce que je me sentais étranger dans une pays étranger, mais parce que j'y étais bien. Pas parce que je devais ôter mes chaussures dans ce temple et marcher sur un sol crasseux, mais parce qu'en définitive j'aimais cela. Sentir le froid du marbre. Marcher comme au premier jour. Je ne l'ai tout d'abord pas compris, ce moine. Je pensais qu'il voulait me présenter l'autel comme certains le font. Il bredouillait l'anglais pour touristes, me faisait des gestes saccadés en direction de l'autel, puis de la sortie. Puis, sur un signe de tête, il m'enjoignit à le suivre. Il me demanda si je voulais simplement une prière ou autre chose que je n'ai pas compris. Le faire répéter n'aurait amené que ces mêmes mots incompréhensibles. J'ai eu peur en entendant le mot « prayer », ce r roulant comme une avalanche de pierres. J'ai secoué la tête. Il me fit un large sourire, ses dents blanches contrastant avec sa peau d'indien burinée par le soleil. Il me fit signe de le suivre. Pourquoi avoir réagi comme un enfant de cinq ans qui vient de dire non? Toujours est-il que je l'ai suivi.

            Il prend alors un plateau en étain, me demande de le toucher. Quelques fleurs, un pot de cendres – je redoute déjà l'instant crucial où il me marquera de son pouce – et une bougie allumée. Pieds nus, il chante, psalmodie devant Shiva; il est un peu tourné vers moi. J'ai encore sa litanie en tête. Il stoppe brutalement, me demande mon nom. Je bredouille « Rudolph ». Il me demande forcément de répéter. C'est pourtant plus simple que l'original – mais voilà, je le répète, plus fort. Il retourne à sa liturgie, je n'entends pas mon nom prononcé, trop difficile sans doute. J'ai dû devenir « l'étranger », ou « le touriste ». J'ai toujours les doigts sur le rebord du plateau. Je suis désemparé, pour dire le moins. Il se dirige ensuite dans la guérite, chambre – faute d'un meilleur mot – qui abrite l'autel. Il m'a dit d'attendre. Je l'en remercie, sans le lui dire. Je suis muet. Il psalmodie de nouveau. Il jette des fleurs sur la divinité, une, puis une autre, tombe à terre. Il dépose ensuite, entre deux respirations, une petite banane planteur et une poire. Il fait tournoyer le plateau par-dessus le dieu qui ne sourcille pas à la flamme vacillante si près de son visage. Nous autres mortels nous sourcillerions. Alors il dépose les offrandes sur le plateau, et revient jusqu'à moi. Après deux mots très brefs, il m'enjoint à tourner autour de la chambre et de l'autel, le plateau dans les mains. Je tends les mains, instinctivement, et je m'exécute. Son regard a la profondeur noire des indiens qui ne présage que du courroux ou de l'abîme – l'un et l'autre me font peur.

          Je marche, le contact du marbre sous mes pieds nus me fait frissonner – nous ne sommes plus habitués à marcher ainsi, nous qui ne faisions que cela il n'y a pas si longtemps. Je tente de maintenir le plateau en équilibre, de ne rien renverser, de dégager mon bras de la dragonne de l'appareil photo. Comment faisait-il pour ne pas souffler la bougie? Je marche si lentement et elle vacille de tous côtés. Lui allait pourtant beaucoup plus vite. Je suis tout penaud alors que j'essaie de faire de mon mieux. Je ne suis pas habitué à prier, pour moi ou pour les autres. Je me suis dit – assez bêtement, avec le recul – que Shiva devait en tenir compte. J'achève mon tour et le moine me rejoint, met les offrandes dans un petit sac plastique rose qu'il me tend et reprend le plateau. À son invite, je repose mes doigts sur le rebord.

           Il se remet à psalmodier, quelques instants puis le moment que je redoutais tant et avais oublié arrive, en une fraction de seconde. J'ai envie de pleurer, de lui dire que je regrette, que je ne peux pas, que je ne veux pas trahir l'un de ses dieux, le plus puissant, le plus terrible dans ses châtiments, ayant déjà trahi le mien. Son pouce vient estampiller mon front comme Yahvé celui de Caïn. Je suis marqué par le tison que furent ces cendres. Il ne remarque rien, me fait signe des mains de prier devant l'idole. Il me dit que le dieu est dans les battements de mon cœur. Il met sa main sur sa poitrine, peut-être pour être certain que je comprenne bien. Me voilà donc face à mon destin. Je peux lui demander ce que je veux. Je n'hésite pas. Shiva, dans ton immense sagacité et ta mansuétude éternelle, je veux le poste à New-York. Plusieurs fois, je formule mon souhait, ne sachant comment faire. Je laisse parler mon cœur, y cherchant le dieu comme le Murugan à l'entrée des caves. Je te demande aussi de régler la situation, mon impasse de vie. Mais je me dis que tu es bien loin de moi, ou moi de toi, que c'est beaucoup demander pour une première fois, que nous n'habitons pas les mêmes terres, que je ne suis pas hindou, ni même chrétien, transfuge, bon à rien, infichu d'avoir une religion. Je ne veux pas t'offenser, je prie, les mains jointes. Je lance furtivement quelques regards – là encore tel Bouddha tu ne sourcilles pas. Et à cet instant, alors que mes yeux sont levés vers toi, je vois de la cendre tomber de mon front, de cette marque grise faite quelques instants plus tôt que je ne vois pas mais sens comme une cicatrice. Et je sais que tu m'as entendu, que tu connais la souffrance du petit garçon qui leva les yeux de la même manière et vit du sang goutter de son front, comme ces paillettes de cendres. C'était il y a si longtemps et pourtant les deux images sont là. Superposables si ce n'était qu'il y a plus de vingt ans je voyais le bout de la rue, les arbres, les maisons et mon simple mortel de voisin se précipiter vers celui qui criait, le visage en sang, auquel manquait la peau de la joue droite, restée collée au goudron, et ces gravillons noires et chauds comme la nuit fichés dans le crâne. Voilà, Shiva, à quoi je pense et même si je sais que tu peux en toute logique refuser d'accéder à ma requête, je sais que tu m'as entendu.

          Ma prière a peut-être duré trente secondes. Le moine est reparti vers le comptoir, attend le prochain dévot ou le prochain touriste égaré. Je saisis, en le regardant détourner les yeux vers les marches, qu'il ne me demandait que d'être sincère dans ma prière à Shiva. Il voulait que mon cœur parle parce que c'est là, entre les battements sourds et ancestraux, que réside le dieu.

        Je n'ai plus, mon sac plastique contenant mes offrandes en main, qu'à redescendre, remettre mes chaussures de marcheur et gravir les dizaines et dizaines de marches menant dans le secret escarpé de la montagne, dans ces caves immémoriales où Shiva est apparu. Ou peut-être était-ce en bas, entre les mains jointes d'un moine.

Malacca, Malaisie, 10/02/10
  

Tuesday 16 March 2010

Tanka

 
Gangue de nuages gris sur fond d'aurore
Comme une chaîne de montagnes lointaines
Se découpe sur le premier horizon du printemps
Comme un Oural improbable mais tangible
Une invitation à marcher plus loin que d'habitude.
 

Sunday 14 March 2010

Les théorèmes


« Il n'existe pas d'ensemble d'entiers strictement positifs x, y et z vérifiant l'équation xn + yn = zn lorsque n est un entier tel que n>2. J’ai trouvé une merveilleuse démonstration de cette proposition, mais la marge est trop étroite pour la contenir. »
Il le fera plus tard, s'il a le temps. Il a encore des codicilles plein la tête, toute une foule de personnes avec lesquelles s'entretenir. Il doit aussi écrire à Mersenne. Il a l'idée en tête, mais là, il n'a pas le temps. Et il doit finir cette traduction de Diophante, le père de l'algèbre. Et, dernier et non des moindres, il doit rabattre le caquet à ce fat de Descartes. Il sait qu'il a raison: pourquoi la lumière accélèrerait-elle dans l'eau? De plus, son indice de réfraction est erroné, n'importe qui sain d'esprit le verrait comme le nez au milieu de la figure.
Il soupire. Il espère que Clément-Samuel reprendra le flambeau. Bref, aujourd'hui, il a beaucoup de chats à fouetter. Et puis s'il n'a pas le temps, et si son fils n'a pas le temps non plus, quelqu'un retrouvera bien la solution, si lui l'a trouvée. Ce n'est pas comme si le théorème était fondamental, mais du moment qu'on lui rendait crédit pour son génie, il pouvait bien se passer d'un ou deux théorèmes. Là-dessus, il étouffe un pet – qu'il attribue sans hésiter aux haricots de ce midi.
La peste soit de lui s'il n'arrive pas à trouver deux minutes pour écrire sa merveilleuse démonstration.
***

« Evariste! Vite! Enfuis-toi, ils arrivent! »
« Diantre fichtre foutre, » se dit-il tout en courant à perdre haleine, « se faire pincer pour un bon dieu de couteau! Eh merde!»

Un mois plus tard, le voilà libre, l'affaire du toast à Louis Philippe oubliée comme une blague de mauvais goût.
Il n'a plus qu'à se concentrer sur ses théorèmes, même si Cauchy ne semble pas très enclin à lui donner un quelconque crédit, ou ne serait-ce qu'une opportunité de lui mettre un pied à l'étrier. Il marche dans les rues de la capitale et pour lui ça vaut tout l'or du monde. Il brûle la chandelle par les deux bouts, depuis quelques temps, mais l'engagement politique ressemble tellement aux mathématiques qu'il ne peut s'en empêcher. Comme un démon qui aurait pris possession de son esprit. Prendre les éléments à bras le corps – les groupes d'équations réagissant comme les groupes d'hommes – les théoriser puis les exposer à la face du monde – avoir une solution ou pas: voilà le véritable but des mathématiques et de la politique. La vérité est nécessaire, sa recherche est vitale.
La maison d'arrêt loin derrière lui, la Seine déroulant ses morgues eaux dans les entrailles embrumées de la ville, il se dit qu'il a toute la vie devant lui. Demain, il s'attaquera à Gauss.

« La peste soit de l'Église! Allez au diable! » Pourquoi? Pourquoi mourir aussi bêtement? Pas maintenant. Non, pas maintenant. Il sent les battements de son cœur ralentir. Il a laissé des instructions, mais ses théorèmes, ses précieux théorèmes! Son champ des possibles en berne, réduit à quelques minutes tout au plus, alors que la solution est là, dans sa tête, visible comme le soleil au travers de la vitre de l'hôpital. Cauchy l'a trompé, en « perdant » ses articles. Abel, lui non plus, n'aura pas eu le temps de faire quoi que ce soit. Son frère jamais vu était parti trop tôt, eux qui avaient compris les mêmes choses, avaient vu les solutions du monde des mêmes yeux. Cauchy aurait dû les laisser faire. Lui n'a rien trouvé, il était dépassé. Sans Abel, sans lui, rien n'eut été possible. Il a donné sa vie pour un crayon, un bout de papier et une poignée infinie de nombres. Pour la postérité. Parce que si lui a compris, d'autres le pourront.
***

Niels pleure, sur le quai de gare. Pourquoi Cauchy ne lui répond-t-il pas? A quoi bon avoir appris le latin, le grec, l'allemand, le français, si l'homme ne parle pas l'algèbre non plus? Lui ne cherche ni les honneurs ni la gloire, la vérité fait partie de l'équation mais il ne la courtise pas, elle vient d'elle-même. Non, il veut simplement qu'on l'écoute. La solution est là, dans sa tête, mais personne ne lui laisse une chance de l'exposer. Ni Cauchy ni Legendre n'ont pris le temps de lire son mémoire, et il n'a plus d'argent et il fait froid et il sent que la vie n'est pas si longue que cela. Il ne veut pas rentrer, être baladé à droite à gauche ne lui convient pas. Il se sent une gêne au niveau des poumons. Il a peur de la maladie, de la mort. Il ne veut pas rentrer. Qui en ce bas monde veut bien écouter ce qu'il a à dire? Sept frères et sœurs et pas une oreille. Les plus grands spécialistes dans la capitale française et pas un ego qui puisse passer sous l'Arc de Triomphe.
Il a pourtant donné des preuves, sur l'équation quintique, sur les fonctions elliptiques. Si seulement les gens pouvaient être aussi rationnels que ses coefficients, aussi simples qu'un théorème. Il écrira dans le train, ça le calmera, en route vers sa mère patrie.
***

« Fermat s'est gouré, c'est tout. Je ne vois pas comment il aurait pu faire autrement. Je veux dire que Galois et Abel étaient loin d'être nés et c'était pas les plus importants, qu'on a mis pas loin de trois cent cinquante ans à résoudre son fichu théorème. Que nombre de grands esprits se sont cassés le nez dessus. Une petite erreur m'a coûté un an supplémentaire de travaux acharnés, et en tout j'en ai eu pour quatre longues années de boulot et de migraines. C'est pas rien, j'ai pas toute la vie devant moi. J'ai pris le temps dans mon champ des possibles. J'aurai pu faire autre chose, surtout quand on considère que le théorème n'est pas une avancée phénoménale dans les mathématiques – elle n'a même pas de solution! Je me donne le crédit d'avoir réuni en une seule démonstration pratiquement tous les outils de la théorie des nombres. C'est quand même dingue que le type pensait pouvoir écrire tout ça dans un espace un peu plus grand qu'une marge. Une marge! J'ai écrit un bouquin sur ces six pauvres lettres et deux signes algébriques. On me déroule le tapis rouge que tous ont voulu, recherché, convoité secrètement ou pas, depuis trois cent cinquante ans.
_ Ça va les chevilles? Eh, Joe, lui donne plus de bourbon, le pied-tendre a les dents du fond qui baigne. »

Il ne se souvient pas comment il est retourné chez lui, toujours est-il qu'il s'est réveillé sur le canapé du salon, avec une migraine carabinée. Il regarde sa montre : il n'a rendez-vous avec son éditeur que tard dans l'après-midi. Tant mieux. Deux comprimés et de retour sur le canapé.

Il pense à tous ces destins brisés, à présent qu'il peut sortir la tête de l'eau. Fermat, Abel, Galois et les autres, Taniyama aussi. Il ne sait pas pour le premier, mais les autres n'étaient pas passés loin. Ils étaient passés loin du théorème de Fermat – ça, à la rigueur, n'avait que peu d'importance – mais tout en flirtant avec la folie, ils n'étaient pas passés loin de la vérité. Lui non plus, d'ailleurs.
Tout à coup, il se prend à ne plus vouloir les honneurs. Il a démontré des conjectures, des théorèmes, mais n'a pas non plus tout résolu. Il y a encore tellement de vérités à découvrir, cachées derrière les nombres, les équations, les signes. La vérité, les honneurs, tout arrive à point à qui sait – non pas attendre – mais chercher.
« Allez Andy, reprend-toi, la journée va être longue. »
 

Habits

I am a man of habits I got to this conclusion because I flash-realised that I am hoping that someone, someday will see the patterns the rou...