La vieille cité se traîne, hagarde et
cruelle,
Dans les nappes de brumes qui émanent
du fleuve.
Elle se souvient avoir dû faire un
choix,
Il y a longtemps, alors neuve et belle,
Mais seules les conséquences et leur
poids,
Quasi-posthumes, secouent ses
articulations trop sollicitées
Comme une vile arthrose.
Elle était moins amère, avant,
Quand ses marbres étaient roses,
Même quand elle était au levant,
Même quand elle sentait le rance.
Il y a dans son air aujourd'hui
Des pestilences qui bouchent ses
narines,
Une amertume qu'elle subit démunie,
Mais avec laquelle chacun se sent uni
Dans sa déshérence chagrine.
Soudain, d'une seule voix, elle se
secoue,
Branle ses quais et ses dômes,
Exhume d'un coup quelques vieux
fantômes,
Et comme une lionne harponnant au cou
Une vieille proie qu'on avait pensé
morte,
Elle rugit d'une voix rauque et forte,
Un lambeau de chair en gueule,
Qu'elle vivante ne veut entendre plus
Ce mot entre tous si veule
Ce mot qui interdit tout salut.
La bouche en sang et secouée de
sanglots,
La cité assassine se love de nouveau
Pour digérer sa pitance en ses sombres
flots
Fière d'avoir retourné le mort en son
caveau,
Une ultime fois, comme un pied-de-nez
au sort,
Se vautrant un peu plus dans son
malheur,
Un peu plus dans le souvenir d'alors,
Dans le ressouvenir de ses plus belles
heures.
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