Le roi
L’enfant qui voulait être roi
Brandissait une épée de bois.
Il combattait seul des armées
Sur son fabuleux destrier,
Et d’un geste pouvait occire
Les vastes cieux sur les empires.
Heureusement il était roi
Et bien sûr n’aimait que la joie.
Pourtant chaque jour il partait
Contre quelque vilain jouter.
De son épée il fendait l’air
D’un vieil ennemi éphémère.
Brandissant son épée de bois
Il pourchassait les hors-la-loi
Qui ne s’assujettissaient pas
Et il y en avait des tas.
Il parcourait maintes contrées,
Ne s’effrayait d’aucune bête
– Eût-elle eu trois paires de têtes –
Sauvait trois vies avant dîner,
Faisait agrandir son royaume,
Venait à oublier son heaume
Dans la cuisine sur l’évier
– Il y lava ses nobles mains –
Pour le sang ennemi ôter,
Car le bon roi avait grand’ faim.
Grands comme petits ses sujets
Ne pouvait en rien contester
Le bien fondé de son pouvoir
Et si, par un brusque hasard,
Il s’en trouvait un pour conspuer,
Aussitôt il l’exécutait
Et laissait ensuite le mort
Repartir pour qu’il dise aux autres,
« C’est pas un roi de camelote ! »
Un roi n’aime pas avoir tort.
Jamais roi ne fut plus sérieux
A supprimer les rois envieux
Qu’il rencontrait sur son chemin :
Il ne peut y en avoir qu’un.
Et c’était lui qui était roi
Car il avait l’épée (en bois).
R.B. 13/03/05 Tours