Sunday, 25 November 2012
Saturday, 24 November 2012
Le bonheur est toujours une embuscade
« Je ne peux pas dire que j’ai été heureux, enfant. Sauf durant les étés sur l’île d’Ischia, en face de Naples. Nous y possédions un cabanon sans eau courante et ma mère nous laissait en totale liberté. Pieds nus, comme des sauvageons, en intimité avec la nature, qui elle-même n’était pas tendre : elle brûlait, piquait. Il fallait s’en défendre. J’ai donc su tout de suite que la beauté avait un prix. Elle n’était ni gratuite, ni donnée. Pour moi, le bonheur est cette possibilité d’arracher à la vie un petit butin. C’est un vol. Nous prélevons souvent le bonheur dans notre mémoire, car nous avons laissé passer le bon moment pour le reconnaître. Certaines personnes savent, le jour d’avant, qu’elles ont rendez-vous avec lui. Et, malgré cette intuition, elles ne seront pas prêtes. Le bonheur est toujours une embuscade. On est pris par surprise. Le jour d’avant est donc le meilleur… »
Interview d'Erri de Luca au sujet de son livre Le jour avant le bonheur (Gallimard, 2009). Source.
Friday, 23 November 2012
Lammaspaimen / Le berger
Lammaspaimen
Märän villapaidan tuoksusta
tunnistan sinut lammaspaimeneksi,
joka opasti sokeaa runoilijaa
antiikin nummilla.
Täällä on sokeaa sokeudettakin.
Lokakuu puhaltaa, sataa,
talot horjuvat.
Tulemme elokuvista.
Filmin viimeisillä metreille
rakastavaiset jäivät
kuolinsyleilyyn ja tähdet
satoivat heidän vuoteelleen.
Heitä ei erottanut tyhmyys
eikä viha, ei siis myrkky,
joka polttaa yhä tuhkaksi
Romeon ja Julian syleilyä.
Itse olemassaolon ristiriita,
soluun upotettua tuhon merkki
pakotti heidät etsimään
lohdutusta kuolemasta.
Kohtalo, eikä siis ihmistahto,
paiskasi meidätkin ajan virran
kahdelle vastarannalle,
vaikka rakastamme toisiamme.
Myös kauneutesi on kohtaloa,
jota uhmaan. Tervasoihtujesi
loimussa kokoan vavisten
rakennusjätteitäni ihmishahmoksi.
Luulen valvomisesta kuultavien
kasvojesi kutsuvan minua niin
kuin säteilisit Ruijan pimeydessä
valaistuna kaupunkina.
Huojun sinua kohti peräsimettä,
laivan hylky, koditon ajatus,
humalainen yökulkija.
Painaudun märkään villapaitaasi.
Lammaspaimen, ethän itke. Onhan maa,
jossa rakastavaiset silmät auki
uppoavat toisiinsa ja valvovat.
Päivät on luettu, ei kosketuksia.
Pentti Holappa, Valaistu kaupunki Ruijan pimeydessä, 1985.
Source
Le berger
À l'odeur de ton chandail humide
je t'ai reconnu, berger
toi qui menas le poète aveugle
dans les landes de l'Antiquité.
Ici on est aveugle sans cécité.
Octobre vente, octobre pleut,
les maisons chancellent.
Nous rentrons du cinéma.
Dans les derniers mètres du film
les amants sont restés figés
dans un baiser de mort et les étoiles
pleuvaient sur leur couche.
La bêtise ni la haine ne les ont
séparés, le poison non plus
qui consuma jusqu'à la braise
les caresses de Roméo et Juliette.
Le paradoxe même de l'existence,
le signe fatal noyé de chaque cellule
les contraignit à chercher
le réconfort dans la mort.
Nulle volonté humaine, le destin plutôt
nous a drossés aussi sur les deux rives
opposées du fleuve du temps,
malgré notre amour partagé.
Ta beauté est la destinée que je défie.
Dans les flammes de tes torches de résine
je rassemble en tremblant mes vestiges
pour en bâtir une silhouette humaine.
Je crois que ton visage ambré
par mes nuits blanches m'appelle
car tu scintilles comme une ville illuminée
dans les ténèbres des rives arctiques.
Vers toi je tangue sans gouvernail,
épave de navire, pensée sans demeure,
promeneur ivre de la nuit. Je me glisse
dans la laine de ton chandail mouillé.
Berger, ne pleure pas. Il est un pays
où les amants les yeux grands ouverts
se fondent, se confondent, et veillent sur la nuit.
Les jours sont comptés, pas les caresses.
Penti Holappa, Une ville illuminée dans la nuit arctique, 1985, in Les mots longs (Gallimard 1997 et 2006)
Märän villapaidan tuoksusta
tunnistan sinut lammaspaimeneksi,
joka opasti sokeaa runoilijaa
antiikin nummilla.
Täällä on sokeaa sokeudettakin.
Lokakuu puhaltaa, sataa,
talot horjuvat.
Tulemme elokuvista.
Filmin viimeisillä metreille
rakastavaiset jäivät
kuolinsyleilyyn ja tähdet
satoivat heidän vuoteelleen.
Heitä ei erottanut tyhmyys
eikä viha, ei siis myrkky,
joka polttaa yhä tuhkaksi
Romeon ja Julian syleilyä.
Itse olemassaolon ristiriita,
soluun upotettua tuhon merkki
pakotti heidät etsimään
lohdutusta kuolemasta.
Kohtalo, eikä siis ihmistahto,
paiskasi meidätkin ajan virran
kahdelle vastarannalle,
vaikka rakastamme toisiamme.
Myös kauneutesi on kohtaloa,
jota uhmaan. Tervasoihtujesi
loimussa kokoan vavisten
rakennusjätteitäni ihmishahmoksi.
Luulen valvomisesta kuultavien
kasvojesi kutsuvan minua niin
kuin säteilisit Ruijan pimeydessä
valaistuna kaupunkina.
Huojun sinua kohti peräsimettä,
laivan hylky, koditon ajatus,
humalainen yökulkija.
Painaudun märkään villapaitaasi.
Lammaspaimen, ethän itke. Onhan maa,
jossa rakastavaiset silmät auki
uppoavat toisiinsa ja valvovat.
Päivät on luettu, ei kosketuksia.
Pentti Holappa, Valaistu kaupunki Ruijan pimeydessä, 1985.
Source
Le berger
À l'odeur de ton chandail humide
je t'ai reconnu, berger
toi qui menas le poète aveugle
dans les landes de l'Antiquité.
Ici on est aveugle sans cécité.
Octobre vente, octobre pleut,
les maisons chancellent.
Nous rentrons du cinéma.
Dans les derniers mètres du film
les amants sont restés figés
dans un baiser de mort et les étoiles
pleuvaient sur leur couche.
La bêtise ni la haine ne les ont
séparés, le poison non plus
qui consuma jusqu'à la braise
les caresses de Roméo et Juliette.
Le paradoxe même de l'existence,
le signe fatal noyé de chaque cellule
les contraignit à chercher
le réconfort dans la mort.
Nulle volonté humaine, le destin plutôt
nous a drossés aussi sur les deux rives
opposées du fleuve du temps,
malgré notre amour partagé.
Ta beauté est la destinée que je défie.
Dans les flammes de tes torches de résine
je rassemble en tremblant mes vestiges
pour en bâtir une silhouette humaine.
Je crois que ton visage ambré
par mes nuits blanches m'appelle
car tu scintilles comme une ville illuminée
dans les ténèbres des rives arctiques.
Vers toi je tangue sans gouvernail,
épave de navire, pensée sans demeure,
promeneur ivre de la nuit. Je me glisse
dans la laine de ton chandail mouillé.
Berger, ne pleure pas. Il est un pays
où les amants les yeux grands ouverts
se fondent, se confondent, et veillent sur la nuit.
Les jours sont comptés, pas les caresses.
Penti Holappa, Une ville illuminée dans la nuit arctique, 1985, in Les mots longs (Gallimard 1997 et 2006)
Colours
"No man, for any considerable period, can wear one face to himself and another to the multitude, without finally getting bewildered as to which may be true."
Nathaniel Hawthorne, writer (1804-1864)
"This above all: to thine own self be true,
And it must follow, as the night the day,
Thou canst not then be false to any man."
William Shakespeare, poet and dramatist (1564-1616)
Friday, 16 November 2012
The unnamed crowds
"In our world of big names, curiously, our true heroes tend to be anonymous. In this life of illusion and quasi-illusion, the person of solid virtues who can be admired for something more substantial than his well-knownness often proves to be the unsung hero: the teacher, the nurse, the mother, the honest cop, the hard worker at lonely, underpaid, unglamorous, unpublicized jobs."
Daniel J Boorstin, historian, professor, attorney, and writer (1914-2004)
Le sablier
j'ai
toujours aimé contempler
l'écoulement
du sablier
je
peux y passer
des
heures
c'est
insensé
des
heures entières
le
sable autant que son verre
la
même matière
égrenant
le passé
forçant
l'avenir
dans
son étroit goulet
sans
ralentir
ni
faiblir
patiemment
gravement
ce
rêve qui me tire de ma jeunesse
ce
goût de sable entre le palais et la langue
la
tristesse coincée entre les dents
comme
un éclat de laitue sur l'émail
je
sais que bon an mal an
mon
regard glace le sang
de
ceux qui croient
cracher
le plus loin
je
m'y emploie parfois
inlassable
et j'aime bien
pour
aller faire mes courses je coupais par le cimetière
de
grandes nappes de soleil et de vent souvent
balayaient
les rites funéraires et les allées de sable
et
les stèles riaient à marbre déployé
certains
noms ne cachaient rien de leur déception
d'autres
arboraient des moues passablement défaites
renfrognées
ou dédaigneuses
ce
qu'il faut faire parfois pour ne pas mourir
entre
les fissures des nuages
invisibles
et imaginaires
les
particules qui n'ont pas d'âge
défient
les scrutateurs de l'air
alors
qu'on croit tout immobile
tout
s'active
tout
dérive
tout
s'enroule et tout s'empile
tout
et rien et tout ou rien
tout
est rien
et
ceux qui croient cracher plus loin
en
réalité ne crachent rien
j'ai
vu les monts opaques comme griffant le ciel
les
mers comme d'air liquide en constant mouvement
j'ai
vu les déserts onduler comme des vagues
les
hommes habiter les sabliers comme des maisons
j'ai
vu nombre de regards perdus
déchirés
ou vendus ou acheteurs ou déchirants
tristes
ou rêveurs ou ripailleurs ou extatiques
sincères
ou fourbes ou tranquilles
je
n'en ai vu qu'un qui m'avait retrouvé
et
la foule l'a emporté
depuis
j'attends que le retournement
du
sablier me ramène ce regard
que
je n'ai pu oublier malgré les ans
ces
yeux couleur de sable et de hasard
Thursday, 15 November 2012
Voice
"To learn who rules over you, simply find out who you are not allowed to criticize."
Voltaire, philosopher (1694-1778)
Thief!
"It is impossible to enjoy idling thoroughly unless one has plenty of work to do. There is no fun in doing nothing when you have nothing to do. Wasting time is merely an occupation then, and a most exhausting one. Idleness, like kisses, to be sweet must be stolen."
Jerome K. Jerome, humorist and playwright (1859-1927)
Monday, 12 November 2012
To thine own self be true
"If you do not tell the truth about yourself you cannot tell it about other people."
Virginia Woolf, writer (1882-1941)
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